Tout est parti de cette idée « Un type qui n’a jamais perdu, et qui va se retrouver à tenter de perdre. Il a été tellement conditionné à la victoire, est-ce qu’il est capable de perdre un match ? « . Ainsi Jérémie Moreau défini son tennisman Max Winson, le héros de son roman graphique, la bonne surprise de ce début d’année.
La carrière de son auteur est à l’image de son champion de tennis. Dès 8 ans, il participe pour la première fois au concours de la BD scolaire à Angoulême et il recommence chaque année. A 16 ans, il obtient le prix tant convoité, puis en 2012 le prestigieux prix Jeune Talent du 39ème Festival. L’an dernier à 26 ans, il signe avec Wilfrid Lupano, Le Singe de Hartepool, primé à son tour par les libraires. Doué aussi bien pour le film d’animation que pour la BD, Jérémie nous surprend à nouveau avec ce premier tome Max Winson – la tyrannie, un tennisman invaincu, numéro 1 mondial depuis 7 ans.
Le généticien Albert Jacquard l’affirmait haut et fort :
« Je suis absolument contre la compétition. En revanche, je suis absolument pour l’émulation ».
Il précisait : « La compétition, c’est la volonté d’être meilleur qu’autrui, de le dépasser. Quitte à tout faire pour le détruire… Elle transforme des êtres humains en une nouvelle espèce, intermédiaire entre les humains et les monstres. »
Jérémie Moreau ne s’en cache pas, la pensée du chercheur humaniste « sert de pilier au propos sous-jacent de cette bande dessinée ». Son personnage Max Winson est aussi librement inspiré des jeunes années du tennisman André Agassi. Ici aucune émulation possible, puisque Max Winson gagne tous ses matchs quelque soit son adversaire. Il est le meilleur et de loin, il est adulé pour cela, mais vit reclus avec son père tyrannique qui tient le rôle de mentor et de coach. Le prix à payer pour cette gloire est énorme : enfance volée, solitude, absence de libre arbitre …jusqu’à sa rébellion quand son père décline et qu’il est déstabilisé par une journaliste. Dégingandé et réveur avec un coté Petit Pince ou Little Nemo, la machine à gagner retrouve alors son humanité.
Avec une belle inventivité graphique proche des mangas shônen, cet album en noir et blanc est une réussite dont attend le second tome avec impatience. C’est également une belle réflexion sur le sport comme un business-model, la compétition comme une vertu et la victoire comme une obsession.
Didier Morel
Max Winson – 1. La tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt
La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :
Woodkid – Run boy run