Elles sont cinq, ont en commun d’être femmes, françaises vivant à Londres et surtout d’aimer écrire. Elles se sont choisies, comme double d’auto-fiction littéraire, les prénoms de Sofia, Véronique, Hélène, Adèle et Juliette. Ne cherchez pas d’illustrations dans ce recueil de nouvelles ; il n’y pas de dessins, juste des mots ou plutôt des images nées de leur écriture, autant de bulles de souvenirs échappées de leurs voyages « intranquilles » autour du globe. Une fois n’est pas coutume, il s’agit d’un livre dont il est question sur ce blog consacré au 9e art : Expatriées publié chez Mon Petit Editeur.
L’intention, comme le murmure Sofia (Isabelle Charpentier) : « Ce serait un merveilleux souvenir, une oeuvre utile à toutes les femmes voyageuses, intranquilles, roseaux ballottés par les vents, mais toujours aussi fortes et résistantes au gré des expatriations. »
Sa prose suit les contours et le velours de la poésie du pays que son mari a choisi. L’Empire du Milieu, la Chine avec tous les fantasmes et les désirs qu’elle suscite. Au fil des mots de ce premier récit qui amorce l’ouvrage, sa vie solitaire dans l’une des mégalopoles les plus peuplées au monde se fait jour. La solitude est en effet l’autre point cardinal de toutes ces femmes au déracinement voulu ou subi.
Cette solitude est souvent liée à la perte d’un statut social, celui que leur donnait jusqu’à leur départ de France leur métier, qu’elles ont du abandonner en quittant l’hexagone pour suivre leur conjoint dans son nouveau poste. Un constat qui s’impose brutalement à Véronique (Sandrine Aragon), docteur en Lettres Modernes, lorsque sa banque résume ainsi sa situation : Housewife with no income, une femme au foyer sans revenu !!!
Avec un style proche de celui de Katherine Pancol (Les Yeux jaunes des Crocodiles), Véronique reprend alors l’idée qui l’avait animée à Lille : créer un atelier d’écriture. « Toutes ces femmes françaises doivent bien avoir des histoires étonnantes à raconter. Accoucheuse d’histoires, quel beau projet ! »
Ce nouveau projet de vie, c’est Hélène (Béatrice Cante) qui en parle le mieux. Au travers du récit de son quotidien dans la capitale ultra moderne d’un pays désertique, le Qatar, elle traduit avec une grande sensibilité l’envers du décor du développement de nos pays riches. Similaire et pourtant si différente de l’expatriation, l’immigration est ici décrite avec justesse à travers deux portraits de femmes : celui d’une Ethiopienne, réduite en esclave moderne au sein d’une riche famille quatarie ; et celui d’une mère philippine, obligée de laisser derrière elle ses enfants pour trouver un travail à Doha et d’envoyer l’argent à sa famille pour les nourrir.
Après un divorce, Adèle (Sandrine Halpin) a quitté seule la France et c’est à Londres qu’elle a choisi de construire sa famille. Comme elle le revendique, sa nouvelle emprunte davantage à la fiction, un récit haut en couleur et en aventures bien racontées.
L’histoire de Juliette (Nathalie Mercier), en quête d’enfant, clôt le recueil, en passant par la capitale des Pays Bas et la Roumanie, pour s’achever, comme chacune des cinq autres nouvelles, par la découverte salvatrice de l’atelier d’écriture.
Se souvenant des écrivains qu’elle invitait dans sa librairie française à Doha, Hélène déclare qu’elle a « toujours été curieuse de ces gens là, essayant de comprendre ce qui fait qu’un beau jour on passe de la lecture à l’écriture. »
Au final, ce recueil est une invitation réussie à franchir le pas de l’écriture ou c’est selon, une échappée belle pour découvrir une autre vie … Et pour vous, messieurs qui êtes à l’origine de ses vies d’expatriation, savoir reconnaitre ce qui se joue quand vous choisissez de partir avec famille et bagages vers une nouvelle aventure, sur une terra incognita …
La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir de ce voyage :
Ulysse et Calypso par Arthur H
Pour lire les premières pages : Mon Petit Editeur