28 Oct

Paroles de poilus et Paroles de Verdun, des albums collectifs sur la guerre de 14 réédités aux éditions Soleil

4028089382Paroles de poilus, c’est avant tout une émission radiophonique initiée par Jean-Pierre Guéno à l’occasion des commémorations du 80e anniversaire de l’armistice de la Grande guerre, en 1998. Les auditeurs étaient alors priés d’envoyer à Radio France les lettres de soldats en leur possession. Résultat des courses, des milliers de lettres ont été reçues, autant de témoignages plus poignants, plus vrais, plus tragiques, les uns que les autres.

Paroles de poilus, c’est aussi un livre qui reprend quelques-unes de ces lettres et c’est enfin un album BD ou plus exactement trois albums BD qui en proposent une adaptation graphique par quelques grandes signatures du Neuvième art parmi lesquelles Lauffray, Lidwine, Bramanti, Bajram, De Metter, Guarnido, Herenguel, Lepage, Séverin, Giménez…

Paroles de Poilus 1 et 2 puis Paroles de Verdun ont été publiés initialement entre 2006 et 2012. Les voici donc réédités à l’occasion des commémorations du 100e anniversaire et à quelques jours de la parution d’un nouvel ouvrage intitulé Paroles de la guerre d’Algérie. Le travail de mémoire est sans fin !

Eric Guillaud

Paroles de poilus (19,99 € le volume) et Paroles de Verdun (14,95 €). Editions Soleil.

01 Oct

Le grand désordre, un témoignage absolument poignant sur la maladie d’Alzheimer aux éditions Steinkis

Couv_225604Difficile d’écrire, ne serait-ce qu’un mot, une fois la dernière page de ce livre tournée. Je dois l’avouer, il m’a fallu attendre quelques minutes avant de retrouver un tant soit peu mes esprits et ma plume. Car oui Le Grand désordre est un récit poignant, déchirant, un témoignage unique en son genre sur cette p… de maladie neurodégénérative à laquelle on a donné le nom de son « découvreur », Alois Alzheimer. Et ce témoignage est celui d’une jeune femme, canadienne, Sarah Leavitt, qui décide à la fin des années 90, de garder en mémoire la maladie de sa mère par des notes et dessins qu’elle conservera religieusement jusqu’à son décès. Elle ressort alors les carnets, les croquis, les notes couchées sur des bouts de papier pour en faire une BD, plus précisément un graphic memoir, sorte de roman graphique autobiographique.

« J’ai écrit ce livre… », confie l’auteure, « parce que je veux me souvenir de ma mère avant sa maladie, mais aussi pendant. Je veux me rappeler comment certains de ses traits de caractère ont été profondément affectés par Alzheimer, mais aussi comment elle a conservé d’autres aspects de sa personnalité jusqu’à la fin. Alors que la maladie la transformait, j’ai changé moi aussi, contrainte de réexaminer ma propre identité en tant que fille et en tant qu’adulte, et de recréer ma relation avec ma mère ».

Alors que beaucoup chercheraient à oublier, Sarah note tout méticuleusement, les premiers signes, les sautes d’humeur, les visites chez les spécialistes, l’annonce du diagnostique, la dégénérescence lente et progressive, jusqu’aux dernières heures. Elle note tout pour se souvenir et finalement pour témoigner. Le Grand désordre très habilement sous-titré Alzheimer, ma mère et moi nous embarque pour un long voyage au pays de la maladie, un quotidien de plus en plus lourd dont on imagine pas un instant les difficultés, mais aussi un chemin d’amour dans l’intimité d’une famille soudée par l’épreuve. Ce n’est pas une BD, c’est un choc !

Eric Guillaud

Le Grand désordre, de Sarah Leavitt. Editions Steinkis. 18 €

© Steinkis / Sarah Leavitt

© Steinkis / Sarah Leavitt

17 Fév

Putain de guerre!, la boucherie de 14-18 vue par Jacques Tardi aux éditions Casterman

9782203051300FSA tous ceux qui rêvent d’une bonne petite guerre pour remettre les jeunes dans le droit chemin et les vieux au travail, alors voici un livre fait quasiment pour eux mais aussi pour les autres, la réédition en intégrale de Putain de guerre! de Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney aux éditions Casterman.

On connaît Jacques Tardi et son vif intérêt pour le sujet, son obsession serait-on même tenté d’écrire tant la guerre et ses horreurs hantent une partie significative de son oeuvre.

De La Fleur au fusil à Putain de guerre! en passant par Varlot soldat, La Der des Ders ou La Véritable histoire du soldat inconnu, Jacques Tardi n’a eu de cesse de crier son incompréhension, son indignation face à cette boucherie à ciel ouvert, ce suicide collectif, dessinant sans relâche les tranchées, les bombes, les barbelés, les gaz… et surtout les hommes, ces hommes français, allemands ou autres, terrés, apeurés, côtoyant chaque jour les rats et la boue, les excréments et les charognes, les boyaux et les morceaux de cervelles, les gueules cassées et les corps en décomposition. Des héros ? Non, Tardi les dessine comme des hommes plus souvent avec la trouille au ventre que l’envie d’en découdre. Dans ses albums, comme ici dans Putain de guerre!, Tardi va au plus près pour toucher l’horreur de sa pointe de crayon. Un véritable témoignage lu et approuvé par les historiens notamment par Jean-Pierre Verney, son ami, qui signe ici une trentaine de pages sur la Grande guerre accompagnées de moultes photographies.

Initialement paru en deux volets, Putain de guerre! est un putain de récit qui devrait vous faire aimer la paix pour l’éternité !

Eric Guillaud

Putain de guerre!, de Tardi et Verney. Editions Casterman. 25 eurospl20

26 Sep

Chute libre, un témoignage bouleversant sur la dépression signé Mademoiselle Caroline chez Delcourt

album-cover-large-20320Une couverture noire, d’un noir profond, et quelques traits blancs pour figurer un corps en chute libre. Un thriller ? Non, malgré les apparences, malgré aussi l’aspect effectivement effrayant du récit, Chute libre, carnets du gouffre n’est pas un récit d’horreur comme on peut en lire habituellement. Il s’agit du témoignage, poignant, bouleversant et juste d’une jeune-femme dépressive qui a touché le fond à plusieurs reprises et qui sait donc de quoi elle parle. « Ce livre est pour ceux qui n’ont rien vu ni compris, pour leur expliquer. Ce livre est pour ceux qui sont passés par là, pour ceux qui y sont encore, pour ceux qui peuvent se battre afin de ne pas sombrer, et pour ceux qui côtoient toute cette merde ».

Le message est clair, le témoignage limpide ! Mademoiselle Caroline, l’auteure du livre, a su trouver les mots justes et le graphisme parfait pour mettre tout ça en forme. Et ce n’est pas la première fois qu’elle parle ainsi de son intimité. Enceinte, Maman, Quitter Paris ou encore Je commence lundi, Mademoiselle Caroline a de l’expérience dans le domaine et ça se voit. Au final, Chute libre, carnets du gouffre est un livre fascinant, plutôt original et forcément très instructif pour tous ceux qui souffrent de cette maladie et pour les proches. A laisser traîner sur toutes les tables ! Eric Guillaud

Chute libre, carnets du gouffre, de Mademoiselle Caroline. Editions Delcourt. 17,95 euros

08 Déc

Libre de choisir, de Wachs et Richelle. Editions Casterman. 18 euros.

C’était au temps des R16, des Who, des Deep Purple et autres Pink Floyd. C’était au temps où les femmes, dans la grande majorité, ne travaillaient pas, au temps aussi où Max Meynier se faisait le relais radiophonique des routiers sympas sur RTL. C’était au temps où la contraception féminine n’était pas une évidence pour les jeunes femmes, au temps enfin où l’avortement était considéré comme un crime aux yeux de la loi, comme aux yeux de la majeure partie de la population.

Libre de choisir n’est pas une BD documentaire sur l’interruption volontaire de grossesse mais une fiction seulement réaliste – très réaliste – construite autour de la destinée d’une jeune femme prénommée Anna. On est au début des années 70, en 1971 pour être précis, une « année charnière pour les femmes… », rappelle Gisèle Halimi en préface. C’est en effet l’année du Manifeste des 343 femmes qui reconnaissaient ouvertement avoir avorté. On est aussi à un an du fameux procès de Bobigny où une jeune femme de 16 ans, que défendait justement Gisèle Halimi, avait choisi l’avortement après avoir été violée. Un procès qui devait ouvrir la voie à la loi de 1975, dite Loi Veil.

Issue de la petite bourgeoisie de province, Anna reçoit une éducation stricte et religieuse qui la maintient à sage distance du mouvement d’émancipation de la femme. A son rythme, elle découvre la vie, jusqu’au jour où elle se fait violer et tombe enceinte. C’est ensuite la spirale infernale, le schéma classique de ces années-là, les regards qui se détournent à son passage, les remarques qui blessent, le père qui se fâche et refuse de regarder les choses en face, la mère dépassée qui ne supporte plus les qu’en-dira-t-on… Anna passera par tous les stades, de la peur jusqu’à la honte, de la tentation du suicide jusqu’à la reprise en mains de son destin…

Le récit de Wachs et Richelle dresse le portrait d’une époque. Révolue ? Pas tant que ça ! Aujourd’hui, nombre de médecins et d’établissements de santé remettent en cause la légalisation de l’IVG en se désengageant de cette activité sous prétexte qu’elle ne serait pas rentable. C’est aussi pour ces raisons là que Libre de choisir est un livre important, un soutien pour les femmes en lutte pour la liberté, la dignité et l’égalité. A mettre entre toutes les mains ! E.G

Visitez le site de l’association Choisir la cause des femmes