Nous avons publié voici quelques jours l’interview de Régis Hautière, le scénariste de la série Aquablue, invité au festival des Utopiales à Nantes. Nous avions souhaité par la même occasion poser les mêmes questions à Reno, le dessinateur de la série. Voici ses réponses…
Trois ans, trois albums. Est-ce que l’envie d’animer les aventures de Nao est toujours aussi vive ?
Reno. Plus que jamais ! J’ai l’impression d’avoir encore tout à montrer et tout à prouver. Nous étions parti à la base de notre reprise sur un cycle de 5 tomes mais tout indique que nous allons finalement nous étendre un peu plus. Et c’est tant mieux.
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Qu’est ce qui vous a décidé à reprendre cette série ?
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Reno. En matière de SF, c’est LE monde que je voulais illustrer. Ado j’étais fan de la série et je n’ai pas hésité longtemps avant d’accepter de travailler sur cette reprise.
Et que pensez-vous lui apporter ?
Reno. Thierry Cailleteau et Olivier Vatine on réussi selon moi un magnifique mélange des genres à l’époque, qui a largement fait école depuis. De la bd franco-belge, profondément influencé par les codes du cinéma à grand spectacle hollywoodien avec des éléments empruntés aux comics et aux mangas sans toutefois perdre son identité. J’espère encore accentuer ce métissage tout en poussant les curseurs sur le réalisme et le spectaculaire. A l’époque ou Aquablue était sorti, le numérique était encore loin de s’être imposé à Hollywood et les jeux videos étaient en 16 couleurs. Aujourd’hui, en matière de blockbuster et de jeux videos, l’industrialisation et la technicité des effets spéciaux est telle qu’en comparaison, la bd fait vraiment figure d’artisanat. Ne vous méprenez pas, je trouve ça formidable et j’espère que les auteurs européens pourront promouvoir encore longtemps ce qui fait la singularité de notre bd . Mais ça me donne le sentiment que dans ce genre en particulier, la sf, je me dois d’aller chercher les techniques les plus récentes et de tenter de les intégrer à cette bd. J’aimerai également avec le concours de Régis, épaissir les personnages et rompre avec le manichéisme passé de la série.
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Avec le recul, jugez-vous que la reprise d’Aqualue s’est faite facilement ?
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Oui, ça s’est fait très naturellement, tout comme le travail avec Régis.
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Quels retours avez-vous des aficionados de la première heure ?
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Les retours sont bons, je ne sais pas si on peut l’affirmer après trois tomes, mais je pense qu’on a su gagner la confiance des lecteurs.
Avez-vous eu des contacts avec les créateurs de la série Olivier Vatine et Thierry Cailleteau ?
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Reno. Très peu, mais j’ai cru comprendre qu’ils étaient très contents de cette reprise.
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Comment fait-on pour s’approprier des personnages, des décors, un univers, inventés par d’autres et en même temps y apposer sa griffe ?
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Reno. Pour ma part, l’univers correspond tellement à ce que j’aurai pu faire spontanément, que ça n’a pas été difficile. D’autant plus que plusieurs dessinateurs ( Tota et Siro ) avaient déjà avant moi, réinterprété ce monde et ses personnages. Scénaristiquement et graphiquement, il s’est plus agi pour nous de faire une moyenne de toutes ces interprétations et d’y greffer nos envies pour cette série. Et quand je pense à la pression que doivent représenter des grosses reprises comme Blake et Mortimer, Lucky Luke ou surtout le dernier Astérix, ou là il ne s’agit pas d’un simple « devoir de cohérence » mais d’une véritable continuité graphique et scénaristique, je me dis qu’on est bien lotti et que Delcourt nous a vraiment laissé carte blanche.
Quel a été votre objectif premier, scénaristiquement et graphiquement parlant, au moment de la reprise d’Aquablue ?
Reno. Tenter de ne pas trahir ce qui m’avait plu dans le premier cycle tout en apportant une grosse touche réaliste et cinématographique aux personnages et aux contextes. Rompre avec les approches précédentes pour apporter quelque chose de neuf et d’original tout en honorant le travail de Vatine que j’admire.
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Aquablue a toujours été synonyme d’écologie, d’humanisme. Est-ce quelque chose qui vous tient également à coeur ?
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Reno. Une bd de sf est selon moi forcément un message vulgarisé d’écologie et d’humanisme. Optimiste ou pessimiste. L’écologie et l’humanisme devrait être au centre de toutes les préoccupations de nos politiques, mais affirmer cela est évidemment d’une naïveté confondante et je me désole chaque jour de voir le « réalisme économique » et les plus bas instincts humains triompher sur le bien commun. Le récit d’Aquablue enfonce des portes ouvertes et pourrait être perçu comme fort candide, mais il est finalement tellement proche de la réalité qu’il est, je pense, toujours pertinent.
Votre graphisme est beaucoup plus réaliste que celui de Vatine ou Ciro Tota. Avez-vous dû faire des concessions ?
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Reno. Ce fut ma seule condition pour m’atteler à cette reprise, développer mon style que je savais en rupture, sans faire de concessions. J’ai de la chance, car malgré quelques grincements de dents face à mon approche tout numérique, je crois que le nouveau cocktail est plutôt bien passé.
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Quelle a été votre première rencontre avec la science fiction et quelle a été son influence sur votre travail ?
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Reno. Je ne vais pas être très original mais je suis un gamin des années 80 biberonné au Spielberg et au Lucas. Et je ne m’en suis jamais remis. J’ai eu beau entre autres, dévorer les bouquins d’Asimov à mon adolescence et m’inprégner de multiples influences artistiques, pour moi la SF c’est un grand écran avec une scéne se situant entre l’attaque de l’étoile de la mort et l’arrivée des extra-terrestres dans rencontre du troisème type.
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Que recherchez-vous en priorité dans la science fiction ?
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Reno. Qu’elle me transporte ailleurs.
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Quelles sont vos références, vos influences, vos maîtres ?
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Reno. Tudieu ! Elles sont si nombreuses qu’il va être assez fastidieux de toutes les énumérer. C’est donc comme je le disais plus haut, le cinéma de genre hollywoodien qui m’a d’abord profondément marqué, je ne peux pas le nier. Ces satanés ricains ont beau nous coller des personnages avec des psychologies en carton, ils ont des moyens insolents et savent s’y prendre pour formidablement mettre en image le merveilleux. A l’adolescence j’ai eu deux chocs artistiques majeurs et radicalement opposés, d’un côté j’ai découvert l’histoire de l’art et tout en apprenant maladroitement à maitriser la peinture je suis tombé amoureux des impressionnistes et leur représentation de la lumière et de l’autre il a y eu l’électrochoc « Akira » de katsuhiro Otomo ou comment faire voler en éclat tous les codes de la bd franco-belge que je chérissais jusque là. Aujourd’hui, je vénère à la fois les illustrateurs américains académiques comme Norman Rockwell ou J.C Leyendecker pour leur patte ahurissante, les auteurs italiens et espagnols des années 70 pour la puissance de leur trait et la beauté du noir et blanc. Mais ceux qui m’influence le plus en ce moment sont les concept artists qui oeuvrent sur les grosses productions hollywoodiennes. Sinon, je voue une vénération sans bornes à Hergé, Franquin, Alexis, Moebius, Otomo, Miyazaki, Blutch, Guarnido, Marini , Travis Charest et j’en oublie des dizaines. Mais qui n’apprécie pas ces artistes, me direz-vous ?
Si vous deviez partir pour une planète lointaine avec un minimum de bagages, qu’emmèneriez-vous pour tenir en éveil votre imaginaire ?
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Reno. Une encyclopédie universelle et exhaustive de tout ce qui a été fait sur Terre, histoire d’avoir de la matière pour deviser indéfiniment au coin du feu avec des extra terrestres que je ne manquerai pas de rencontrer.
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Avez-vous le temps d’avoir encore d’autres projets ou la série Aquablue est vraiment trop chronophage ?
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Reno. J’adorerai Pouvoir entamer d’autres projets, les idées ne manquent pas, mais c’est bien le seul défaut de cette reprise, c’est qu’elle me bouffe absolument tout mon temps ! Peut-être plus tard, mes enfants grandissant et mon aisance s’accentuant, je pourrai me relancer sur d’autres pistes, mais ce n’est pas à l’ordre du jour, pour l’instant toute mon énergie est porté sur cette reprise ou j’ai encore tout à faire et à prouver.
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Pour une fin en musique, pouvez-vous nous dire quelle est votre playlist du moment?
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Reno. Les Beatles, les Rolling Stones, David Bowie et Queen parce que je suis un inconditionnel du rock classique et que je ne m’en lasse pas, de la pop pshychédélique des sixties et du Beastie boy quand je suis mou du stylet. Enfin du plon-plon Hollywoodien pour l’ambiance générale, John Wiliams, Hanz Zimmer et Dany Elfman. Le tout avec une touche de Svinkels, TTC, Stupéflip quand j’en ai soupé du plon-plon, justement, pour mieux y revenir.
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