25 Août

N’embrassez pas qui vous voulez, de Sandrine Revel et Marzena Sowa. Editions Dupuis. 20,50 euros.

Quoi de plus banal qu’un jeune garçon tentant de voler un baiser à son amoureuse dans la pénombre d’une salle de cinéma ? Rien. Sauf que dans le cas qui nous préoccupe ici, l’affaire se déroule pendant la projection d’un film à la gloire de Staline, qu’elle va provoquer un cri de surprise chez la jeune fille et perturber l’attention générale. Il n’en faudra pas plus pour exciter les petits caporaux locaux de l’immense Union soviétique. Suspension de séance, convocation immédiate de l’enfant incriminé dans le bureau du directeur de l’école, interrogatoire musclé sur son comportement et, pendant qu’on y est, sur le comportement de son père, écrivain, poète, et donc forcément suspect au regard du régime. Ce qui aurait pu prêter à sourire vire au drame…

Non, la morale de l’histoire n’est pas de renoncer à embrasser les filles sous peine de finir au goulag. Sandrine Revel et Marzena Sowa, connue pour sa magnifique série autobiographique Marzi, histoire d’une jeunesse dans la Pologne communiste des années 80, dressent ici le portrait sans concession d’une société malade, paranoïaque, rongée de l’intérieur, prête à tout pour ne pas avoir à se regarder en face et à se remettre en question…  En un peu plus de 90 planches, d’une grande beauté, N’embrassez pas qui vous voulez parle avec force et poésie de résistance intérieure, d’amour, d’amitié, de liberté, d’espoir aussi face à l’adversité. Et c’est beau, franchement beau ! EGuillaud

L’info en +

Un cahier documentaire complète ce très bel album avec nombre de croquis, storyboards, recherches graphiques, découpages, photographies et un texte dans lequel Marzena Sowa revient sur son dernier voyage en Pologne, un voyage effectué avec la dessinatrice Sandrine Revel pour d’ultimes repérages.