09 Fév

Paris Manga & Sci-Fi Show : 3 albums à découvrir

17ème édition Paris Manga & Sci-Fi Show

17ème édition Paris Manga & Sci-Fi Show

La 17ème édition pour le Paris Manga & Sci-Fi Show s’achève. Réunissant deux fois 70 000 amateurs lors de ses deux sessions annuels, ce salon de la Porte de Versailles est le petit frère de la Japan Expo, le blockbuster européen des fans de manga, de comics et de jeux vidéo. Entre fourre–tout et programmation pointue, les organisateurs préfèrent parler de festival ouvert à tous, aux familles comme aux férus de cases et de bulles. Voici notre choix de trois albums à découvrir : un manga historique : Eurêka ! par Hitoshi Iwaaki, une uchronie française : Métropolis par Serge Lehman et Stéphane de Caneva et une BD jeunesse : Kräkaendraggon par Lewis Trondheim et Mathieu Sapin.

Eurêka ! par Hitoshi Iwaaki © Komikku éditions

Eurêka ! par Hitoshi Iwaaki © Komikku éditions

Le grand Hannibal, le carthaginois qui réussit l’exploit de traverser les alpes avec ses éléphants pour tenter de conquérir Rome, était il atteint de strabisme ? C’est une des surprises que réserve la lecture d’Eurêka !, une trouvaille parue au japon en 2002 et qui vient d’être traduite en français par la petite maison d’éditions Komikku. L’histoire reprend le mythique siège de Syracuse défendue par les inventions d’Archimède. Elle se déroule pendant la 3ème guerre punique entre Rome et Carthage. La cité sicilienne tente de profiter de la situation pour recouvrir son indépendance face à la tutelle romaine. C’est l’occasion pour le lecteur de mettre un visage sur l’auteur d’un théorème bien connu des collégiens : Archimède, l’auteur d’Eurêka (« j’ai trouvé ! » en grec). Le savant est aussi célèbre pour avoir aider à la sécurisation de sa ville. C’est là où le mangaka Hitoshi Iwaaki prend des libertés avec la réalité historique. Pour notre plus grand plaisir défilent alors toute sorte de machines, plus redoutables les unes que les autres, pour défaire la flotte et les armées romaines. Mêlant minutie dans la reconstitution des soldats, delà topographie des batailles et un récit amoureux, l’auteur nous séduit jusqu’au final, la mise en image de la légende de l’embrasement à distance de voiles des bateaux du Général Marcellus grâce au soleil et des miroirs.

Eurêka ! par Hitoshi Iwaaki © Komikku éditions

Eurêka ! par Hitoshi Iwaaki © Komikku éditions

 

Ne vous arrêtez pas à la couverture incompréhensible pour ma part : un œil, une oreille, un détail agrandi dans une loupe ??? Par contre, n’hésitez pas à découvrir les aventures en One-shot de Damippos, un spartiate devenu disciple d’Archimède, dans ce récit historique bien documenté.

Eurêka ! par Hitoshi Iwaaki © Komikku éditions

Métropolis par Serge Lehman et Stéphane De Caneva © Delcourt

Métropolis par Serge Lehman et Stéphane De Caneva © Delcourt

13 mai 1935 – des événements étranges se déroulent dans Métropolis, la capitale de l’Interland : un livre sur les Croix de Bois de Roland Dorgelès apparaît en vitrine d’une librairie, une statue d’un soldat inconnu remplace du jour au lendemain celle d’un phycien et philosophe autrichien Ernst Mach. Cela ne vous paraît pas étrange ? Cela l’est pour l’inspecteur Gabriel Faune. Depuis plus de 60 ans, le pays est en paix, la 1ère guerre mondiale n’a pas eu lieu et donc personne ne sait ce qu’est un poilu et Dorgelès n’a pu faire le récit de ses combats dans les tranchés. Un an plus tôt, un terrible attentat meurtrier a été perpétué. C’est le point de départ de cette thriller uchronique raconté avec brio par Serge Lehman, l’auteur remarqué de Masqué. Au fil de l’enquête sur de « vielles choses mortes », le lecteur croisera le docteur Freud et son Traumdeutung, Winston Churchill dans son club de fumeurs de cigares de la rue K, Peter Lore ans M le maudit ? autant de personnage réels dans une fiction qui créent de riches entrechocs de sens.

Métropolis par Serge Lehman et Stéphane De Caneva © Delcourt

Métropolis par Serge Lehman et Stéphane De Caneva © Delcourt

Les plus étonnants ce sont Aristide Briand et Gustav Streseman, artisan de la paix et nouveau dirigeant de cet Interland, un espace neutre entre la France et l’Allemagne, dont le héros est devenu à sa naissance le citoyen numéro 1. C’est le premier tome de 4 volumes, dans lesquels nous devrions voir apparaître la figure du mal absolu, Adolf Hitler. Souhaitons que le prochain à venir à la rentrée sera aussi haletant et graphiquement mené de main de maitre par Stéphane De Caneva (Sept Clones) Je vous recommande ses grandes cases muettes pleine page d’une grande virtuosité.

Pour feuilleter l’album c’est ici.

Métropolis par Serge Lehman et Stéphane De Caneva © Delcourt

Kräkaendraggon par Lewis Trondheim et Mathieu Sapin © Gallimard

Kräkaendraggon par Lewis Trondheim et Mathieu Sapin © Gallimard

Imaginez un nouveau programme scolaire où toutes les matières seraient basées à partir de jeux vidéo. Les sciences naturelles se consacrent à l’étude de monstres, le français au scénario de jeux de rôle, l’anglais devient un cours de langue elfique et l’histoire sert de contexte pour l’heroic fantasy ! Telles sont les nouvelles directives de l’Education Nationale. Après tout, c’est la crise et le jeu vidéo est devenu la première industrie du loisir, la seule réellement florissante. Renversant pour le premier de la classe qui n’a jamais touché une console et doit recommencer avec des jeux d e base comme Pong. Une aubaine pour les geeks et autre cancres qui affichent des heures de combats sur WOW (comprenez World of Warcraft). Le proviseur est rapidement dépassé et un grand frère spécialiste des jeux en réseau prend le relais pour le plus grand bonheur des élèves. Kräkaendraggon, une utopie ? Pas si sûre car les malicieux auteurs Lewis Trondheim (Lapinot, Donjon) et Mathieu Sapin (Sardine de l’Espace, Akissi) déroulent la logique de leur postulat de départ avec humour et maintiennent le récit jusqu’au bout. Ensemble, ils réussissent à se moquer subtilement de l’ancien monde comme du nouveau. Le tour de force est de raconter l’histoire tout en consacrant à chaque planche un gag sur une planche. Nous en redemandons.

Didier Morel

Kräkaendraggon par Lewis Trondheim et Mathieu Sapin © Gallimard

Kräkaendraggon par Lewis Trondheim et Mathieu Sapin © Gallimard

Kräkaendraggon par Lewis Trondheim et Mathieu Sapin © Gallimard

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

General Elektriks – Take Back the Instant

29 Jan

Angoulême J-1 : 24 planches en 24h, le défi BD

 

Notes 8. Les 24 heures par Boulet - Delcourt

Notes 8. Les 24 heures par Boulet – Delcourt

Les 24 heures de la Bande Dessinée à Angoulême en est a 8ème édition. Inspiré d’un défi qui existe aux États-Unis (The 24 Hour Comics Day, lancé par Nat Gertler d’après une idée initiée par Scott McCloud), cette épreuve a été créée par Lewis Trondheim. A la veille de l’ouverture du festival, les 24 h s’achèvent. Ils étaient plus de 600 sur leur table à dessin au départ. Le plus connu de ses forçats, c’est Boulet. Il a publié, il y a peu,  le 8e tomes de ses Notes avec les 7 histoires produites dans les précédentes éditions.

C’est le dessinateur Lewis Trondheim (Lapinot, Ralph Azham) qui donne une fois de plus la contrainte pour ce défi. Cette année, Boulet (l’auteur de La Page Blanche) a été très surpris par le choix de son ami, car il s’agit d’utiliser ses 90 dernières photos postées sur compte Instagram. Le principe est pourtant on ne peut plus simple : 24 planches (dont la couverture et la 4ème de couverture) dessinée en 24 heures non-stop.Ce marathon graphique est ouvert à tous : auteurs, amateurs et élèves d’école d’art.

Les images à la disposition des auteurs - Boulet

Les images à la disposition des auteurs – Boulet

 « Je ‘n’étais pas au courant. Cette consigne est un cauchemar », a précisé l’intéressé au journal Sud-Ouest. Ce cauchemar, il le revit en fait chaque année dans la Maison des Auteurs à Angoulême et il le raconte dans son dernier album de la série Notes. C’est drôle et c’est un régal pour nous lecteur de suivre les pérégrinations du forçat du dessin Boulet pendant 1 440  minutes et ce sur 7 années. Comme quoi la contrainte est créative, car il sait avec humour jouer avec des consignes toujours plus loufoques au fil des éditions (une boule de neige, des pirates, Popeye …)

Didier Morel

Notes 8. Les 24 heures par Boulet - Delcourt

Notes 8. Les 24 heures par Boulet – Delcourt

Notes 8. Les 24 heures par Boulet – Delcourt

Pour lire les histoires de chacun des participants, c’est ici.

L’histoire créée par Lewis Trondheim (« C’est trop facile, j’ai terminé 10 minutes avant la fin », affirme-t-il !!!) et celle de Boulet

Pour aller plus loin, revivez les 24 heures de 2013 filmées par France 3 Poitou-Charentes

30 Jan

Esteban t4 de Matthieu Bonhomme – Dupuis

Le Grand Paris de la BD n° 9  – Spécial Angoulême 2013 – France 3

Rencontre avec Matthieu Bonhomme, un dessinateur parisien, primé en 2003 pour son Age de Raison, il reçoit l’Alph-Art du meilleur premier album.

Esteban - Prisonniers du bout du monde (T4) - Bonhomme / Dupuis

Il a publié le tome 4 d’Esteban, une très bonne série à succès, qui raconte les aventures d’un jeune indien devenu baleinier au Cap Horn. Cet album fait partie de la sélection Jeunesse d’Angoulême 2013. Matthieu Bonhomme était aussi l’invité d’honneur du Salon du Livre jeunesse de Montreuil 2012. Avec son compère Lewis Trondheim, un autre habitué d’Angoulême et de Montreuil, il a publié un étonnant album sur les archétypes du western, une bd à l’humour décalé, un régal pour les amateurs du grand ouest. Interview dans son atelier du 10e ardt et sur les quais du canal Saint-Martin, en plein travail sur les nouvelles planches du tome 5 d’«Esteban».

Matthieu Bonhomme - Dupuis

Là on est dans un décor typiquement parisien avec des immeubles, un métro et le canal Saint-Martin. Qu’est ce qui fait que ce n’est pas une source d’inspiration pour vous ?

C’est très étrange effectivement. Je suis un parisien de naissance, mes parents sont parisiens, mes arrières grands parents sont parisiens. Je pense que je suis venu à la Bd par un désir d’évasion. Ce n’est pas comme si j’avais délaissé mon environnement mais pour moi Paris n’a pas l’exotisme qu’il pourrait y avoir éventuellement dans une histoire d’aventure.

Et donc votre inspiration vous la puisez où si ce n’est pas dans le quotidien ?

C’est dans mes rêveries, dans mon imaginaire, dans mes lectures, dans la consultation de livres de photos et de film, des choses comme ça.

Vous avez quand même réalisé un album sur Paris et dans un décor urbain, Omnivisibilis. Pourquoi ce choix ?

Ce livre cela a été vraiment un défi qui m’a été proposé par le scénariste Lewis Trondheim. Il m’a dit on va changer tes habitudes. Effectivement comme j’avais l’habitude de ne rien faire à Paris, d’un seul coup, c’est devenu un des arguments de la différence je dirais. J’ai beaucoup dessiné Paris dans ce livre là. Il y a plein de choses qui étaient différentes de mes habitudes aussi : le format, le nombre de page, la façon de raconter. Cela a été l’occasion de m’exercer à de nouvelles choses.

Vous y avez pris plaisir ou c’était juste une parenthèse ?

Une parenthèse c’est vrai, mais j’y ai pris beaucoup de plaisir. J’ai constaté qu’effectivement c’était très pratique d’avoir toute la documentation en bas de chez moi. Effectivement cela faisait une différence par rapport à mes autres projets.

Texas Cowboys - Bonhomme-Trondheim / Dupuis

Matthieu Bonhomme, votre dernier album c’est Texas Cowboys . Vous même, vous êtes plutôt pied tendre ou vrai cowboy ?

Moi je suis un pied tendre mais je suis passionné des cowboys. Un vrai pied tendre.

Cela n’aide pas pour dessiner un vrai album de cowboys ?

C’est-à-dire que moi j’aurais aimé être un cowboy évidemment. Je vais chercher mon inspiration dans les films, dans les photos, dans la documentation que je peux trouver sur des images de l’ouest.

Mais aussi chez des maitres de la Bande dessinée comme Jean Giraud ou d’autres ?

Oui bien sur, je suis venu à la bande dessinée parce que j’ai découvert Blueberry, Lucky Luke. C’est vraiment le western qui m’a amené à la bande dessinée. Aujourd’hui faire cet album sur les cowboys, c’est comme un retour à mes inspirations premières.

Mais vous avez aussi d’autres maitres qui sont plus surprenants comme Peyo, l’auteur des Schtroumpfs ?

Oui c’est-à-dire qu’évidemment je me suis nourri de plusieurs sources d’inspiration. Il y a vraiment évidemment Jean Giraud avant tout, mais il y a également Peyo pour sa simplicité. Je trouve que dans chaque auteur qui m’a vraiment marqué, il y avait toujours des petits trucs à récupérer dans leur savoir faire. Cela m’a beaucoup aidé pour avancer dans le métier.

Esteban & Matthieu Bonhomme - France Télévisions

Certains de vos admirateurs disent que vous êtes la synthèse entre la ligne claire franco-belge et la nouvelle bande dessinée. Qu’est ce que vous en pensez ?

Je ne suis pas le seul dans ce cas là, mais c’est vrai j’ai grandi en me nourrissant de toute la Bd franco-belge et puis j’ai continué mon apprentissage et ma culture de la bande dessinée, étant jeune adulte, et en lisant beaucoup ce qui se faisait dans ma génération. Donc tout cela est entré en moi, et j’ai du en faire une synthèse plus ou moins consciente.

Qu’est que l’on peut trouver dans votre carnet que vous emportez partout ?

Dans mes carnets, on trouve un petit peu tout. Il n’y a pas que des dessins. Je suis dessinateur mais aussi scénariste. En fait c’est aussi un compagnon de route. Il y a énormément de textes, par exemple il y des pages comme ça remplies de textes qui sont mes idées. Au quotidien je flâne souvent et dès que j’ai une idée qui m’arrive pour écrire un scénario, à ce moment là je la note pour qu’elle ne s’envole pas. Et puis à la fin, ça c’est ma matière première pour l’écriture.

Esteban - Prisonniers du Bout du Monde - Bohomme / Dupuis

Est-ce que vous pensez à vos lecteurs quand vous écrivez un scénario, quand vous dessinez ?

Oui je pense beaucoup aux lecteurs, mais je sais aussi que pour fournir aux lecteurs l’évasion, dont il a besoin, il faut que moi déjà je m’évade. Et donc je suis en permanence avec mes personnages dans un coin de ma tête à me demander ce qui se passe, ce qui se pourrait se passer, ce qui serait bien qui se passe, ce que l’on aurait envie de voir dans cette histoire.

Est-ce que vous pensez différemment à un lecteur enfant ou un lecteur adulte ?

Moi je ne fais pas cette distinction là. Je fais une BD tout public, donc j’ai vraiment l’impression d’écrire pour moi, mais autant pour moi que pour mon fils, pour ma femme, pour mon frère et pour des gens d’âges différents. Je suis un peu dans la tradition, je dirais, de Tintin. J’essaie de faire des histoires qui me ressemble, où il y aura une importance donnée à l’émotion des personnages et partir à l’aventure avec eux, de les accompagner dans leur émotions et dans tout ce qui va les révéler.

Matthieu Bonhomme dans son atelier - France Télévisions

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La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Twisted Nerve de Bernard Herrmann

Le reportage de France télévisions : Culturebox

Pour découvrir les premières planches de l’album : Esteban – Editions Dupuis

Le point de vue de la presse spécialisée :

BDgest ActuaBD