14 Jan

Au bout du fleuve : un périple au coeur de l’Afrique signé Jean-Denis Pendanx

9782754815734_cg« On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère, mais d’avoir perdu l’espoir ». C‘est bien la seule chose qui lui reste au jeune Kémi. L’espoir. L’espoir de retrouver un jour son frère jumeau, Yao, la moitié de son âme…

Une mère décédée alors qu’il n’était qu’un bébé, un père mort dans un accident de moto, une vie de galère pour seul horizon… on ne peut pas dire que le quotidien de Kémi soit enviable. Mais elle a raison la vieille femme que Kémi croise un beau jour du côté ce la cité lacustre de Ganvié sur lac Nokoué au Bénin. Tant qu’il y a de l’espoir, il y a de la vie. L’espoir d’une vie meilleure et surtout l’espoir de retrouver ce frère jumeau qui lui manque tant. Et Kémi est prêt à tout pour le retrouver. Même s’il doit aller jusqu’au bout du fleuve, le bout du monde ou presque, le Nigéria.

C’est justement la vieille femme qui va l’y emmener, sur sa pirogue. Des heures et des heures de navigation en compagnie, parfois, des esprits et des sorcières. Puis c’est Lagos, une jungle urbaine où les buildings côtoient les bidonvilles les plus sordides, où la violence fait partie du paysage, où les hyènes sont promenées en laisse. Kémi se rapproche de son frère, il le sait, il le sent. Il veut aller le chercher en pays ogoni, là où sont installées les raffineries qui ont pollué toute la région. Le coin est dangereux, entre les frelateurs de pétrole qui siphonnent les pipe-lines et les rebelles du MEND (Mouvement for the Emancipation of the Niger Delta), mais rien n’empêchera Kémi…

Pour retranscrire les atmosphères ou les scènes que l’on peut trouver dans l’album Au bout du fleuve, il faut connaître l’Afrique. Jean-Denis Pendanx la connaît plutôt bien pour y avoir vécu quelques années. Et ce n’est pas la première fois qu’il la met en scène. Abdallahi ou Les Corruptibles s’y déroulaient déjà. Mais, pour la première fois, Jean-Denis Pendanx signe le dessin ET le scénario, l’occasion pour lui de nous parler plus profondément peut-être de l’Afrique, de sa réalité sociale, politique et environnementale, de l’exploitation que certains grands groupes en font, du mépris avec lequel sont traitées les populations locales, de la misère, de la corruption, de la répression policière, de la pollution qui détruit les ressources naturelles, celle des pêcheurs par exemple. Le tableau n’est pas franchement gai, c’est la réalité. Mais il y a aussi de l’amour dans tout ça, comme celui qui unit les frères jumeaux Kémi et Yao.

Eric Guillaud

Au Bout du fleuve, de Pendanx. Éditions Futuropolis. 20€

© Futuropolis / Pendanx

© Futuropolis / Pendanx

12 Mai

Un Tout petit bout d’elles de Beuchot et Zidrou: une histoire d’amour pour dénoncer l’excision

1507-1Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 200 millions de femmes sont actuellement excisées dans le monde, 500 000 en Europe, 53 000 en France et 13 000 en Belgique. Des chiffres qui font peur et des pratiques qui restent tabou jusque dans nos sociétés européennes. Un Tout petit bout d’elles lève le voile sur cette réalité sous la forme d’une fiction…

Direction le Congo, pas forcément le pays africain le plus touché par ces pratiques mais, malgré tout, des femmes y sont excisées au nom d’une culture et d’une tradition. Impossible de trouver un mari sans s’y plier, se plaisent à répéter les partisans de cette coutume qui n’est en rien un phénomène religieux, nous rappellent les auteurs. Antoinette fait partie de ces femmes mutilées, une belle Congolaise amoureuse d’un Chinois, Yue, venu travailler dans le parc national de la Salonga. « Quand on mélange du noir et du jaune, on obtient toujours du noir », dit le boss méprisant de Yue, « quand on mélange du noir et du jaune, on obtient de l’amour », rétorque Yue.

Et c’est bien d’amour dont il s’agit entre Yue et Antoinette. Quand tous les hommes du chantier courent à la maison close la plus proche dès la permission venue, Yue, lui, retrouve son amoureuse, Antoinette, et sa fille, Marie-Léontine, qu’elle protège de l’excision jusqu’au jour où…

C’est avec beaucoup de délicatesse et d’intelligence que Zidrou et Beuchot abordent l’excision dans ce récit. Mais aussi sans détour. Même si l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté en 2012 une première résolution dénonçant ces pratiques et même si plus de 110 pays ont soutenu et ratifié cette résolution, toutes les 4 minutes dans le monde, une fillette subit encore une mutilation génitale.

Qu’est ce que l’excision précisément ? Quelles en sont les conséquences ? Comment combattre ces pratiques ? Où s’adresser pour trouver soutien et aide ? Un cahier rédactionnel très complet d’une dizaine de pages en fin d’album répond à toutes ces questions.

Un livre à mettre entre toutes les mains…

Eric Guillaud

Un Tout petit bout d’elles, de Beuchot et Zidrou. Editions Le Lombard. 17,95 € (parution le 20 mai)

© Le Lombard / Beuchot & Zidrou

© Le Lombard / Beuchot & Zidrou