24 Avr

Entre la vie et la mort, Pierre Tombal (tome 27), de Hardy et Cauvin. Editions Dupuis. 10,45 euros.

28 ans d’existence,  27 albums, des centaines de planches, autant de gags et des milliers de livres vendus… voici sans conteste un des grands succès de la bande dessinée franco-belge avec un thème pourtant pas facile de prime abord, la mort, et un credo, l’humour noir ! Et depuis tout ce temps, quasiment une éternité, le fossoyeur Pierre Tombal, la casquette vissée sur la tête, la pelle à l’épaule, nous entraîne à travers son petit cimetière qui ne connaît pas la crise à la rencontre de quelques-uns de ses pensionnaires.  Mais cette fois, une invitée surprise s’est glissée dans le casting. Et cette invitée n’est autre que La Vie. De quoi rendre folle de rage La Mort et donner du travail à notre fossoyeur au grand coeur… Un classique de l’humour signé par le prolifique Raoul Cauvin (Les Tuniques Bleues, L’Agent 212, Les Psys, Les Femmes en blanc…) et le talentueux dessinateur Marc Hardy (La Patrouille des libellules, Lolo et Sucette…). E.G.

Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ?, de Trondheim. Editions Dupuis. 11,95 euros.

Mais qui est donc ce fameux Ralph Azham ? Un super-héros ? Un prince charmant ? Rien de tout ça ! Ralph Azhma serait en fait plutôt un boulet, un porte-malheur, un paria. Dans son village, tout le monde le déteste et le rejette. Pourtant, lorsqu’il était enfant, Ralph avait été pressenti pour être l’Élu que tout le village attendait. Mais il n’avait pas été reconnu par l’oracle et, depuis, traînait sa carcasse avec une touche d’insolence, d’indolence et un étrange pouvoir, celui de voir les naissances et les morts. Alors que le village est menacé par une horde de méchants, Ralph va se distinguer et apprendre par la même occasion qu’on lui a menti sur son histoire…

Ainsi commence cette nouvelle série signée par l’un des plus grands noms de la bande dessinée contemporaine, le sieur Lewis Trondheim. Et autant le dire tout de suite, ce premier tome est du Lewis Trondheim grand cru, imaginatif, délirant, jouissif, fantaisiste à souhait. Le cofondateur de la maison d’édition L’Association, cofondateur également du syndicat des auteurs de bande dessinée SNAC-BD, directeur de la collection Shampooing chez Delcourt, Grand prix de la ville d’Angoulême en 2006… et auteur de plus d’une centaine d’albums parmi lesquels Les Formidables Aventures de Lapinot, la fameuse saga Donjon, Les Cosmonautes du futur, Le Roi Catastrophe, Les Petits riens… inaugure ici une belle et grande saga d’heroic fantasy qui devrait ravir grands et moins grands et en tout état de cause les fans du Trondheim de la première heure ! E.G.

18 Avr

L’incal de Jodorowsky et Moebius aux Humanoïdes Associés

 C’est un monument du Neuvième art, un trésor même comme le qualifie l’éditeur. Un trésor initialement publié dans les années 80, maintes fois réédité depuis et à nouveau sous les feux de l’actualité depuis janvier. Les Humanoïdes Associés ont en effet entamé la réédition des six volumes que compte L’Incal à raison d’un titre par mois. Mais quel peut bien être l’intérêt de cette énième réédition ? D’abord, de faire connaître la série aux plus jeunes lecteurs grâce à une nouvelle visibilité offerte aux différents titres chez les libraires. Ensuite, de permettre aux inconditionnels de John Difool, le personnage principal, de se replonger dans ses aventures futuristes avec les couleurs d’origine, restaurées pour l’occasion, des couleurs qui sont dans l’œuvre de Moebius d’une importance capitale. Et le plaisir de lecture est bien au rendez-vous avec cette œuvre majeure autour de laquelle gravite aujourd’hui les séries parallèles Avant l’Incal, Après L’Incal et La Caste des Méta-Barons… L’album Ce qui est en haut, sorti en avril, devrait être suivi en mai et juin par La Cinquième essence, première et deuxième partie. Un grand classique de la BD de science fiction ! E.G.

14 Avr

Les Poils, de Grégory Mardon. Editions Dupuis. 18 euros.

Il l’aime. Elle l’aime. Et c’est pour la vie. Du moins Gladys le jure-t-elle ! Alors, que demander de plus ? Fabrice devrait être un homme comblé. Une femme amoureuse et fidèle, un enfant adorable, un travail… Tout est vraiment parfait. Peut-être trop parfait ! Fabrice aimerait aujourd’hui un peu plus de surprise, de suspense, d’inattendu dans sa vie bien réglée. Mais que faire pour changer tout ça, relancer la machine, casser le rythme ? « Fais un truc bizarre… », lui conseille un ami, « Rase-toi la tête ». Pourquoi pas après tout ! Fabrice, lui si velu, va donc se raser. Et pas seulement la tête, le corps entier ! Pour Gladys, c’est le choc. Mais sera-t-il salutaire ?

Après Victimes parfaites, Cycloman, Corps à corps, Leçon de choses, Grégory Mardon poursuit l’exploration du quotidien, de l’intime même, avec Les Poils, une comédie de moeurs drôle et sensible, légère et intelligente, qui met en scène la vie de couple confronté à l’usure du quotidien. A noter qu’à l’occasion de la sortie de ce nouvel album, les éditions Dupuis rééditent Leçon de choses avec une maquette identique, un même dos rond et le même sous-titre bien pensé : L’extravagante comédie du quotidien. Un auteur incontournable ! E.G.

13 Avr

Scarface, de Christian de Metter d’après le roman d’Armitage Trail. Editions Casterman. 18 euros.

Pour les amateurs de littérature, de cinéma et plus spécifiquement de polar, Scarface est un monument ! Ecrit dans les années 20 par Armitage Trail, il a été plusieurs fois adapté au cinéma, notamment par Howard Hawks en 1932 et par Brian de Palma en 1983 avec Al Pacino dans le rôle principal. Et pour son adaptation en bande dessinée, c’est Christian de Metter qui s’y colle aujourd’hui, Christian de Metter qui a commencé à réaliser des albums de bande dessinée au début des années 2000, il y a une dizaine d’années seulement, et qui est déjà considéré comme l’une des plus belles signatures du Neuvième art. Résultat des courses : cette adaptation est un petit bijou graphique et narratif qui se dévore de la première à la dernière page. Et plus encore… ! Car l’auteur de Emma, Dusk, Le sang des Valentines, Le Curé, Vers le démon, Marylin de l’autre côté du miroir et de l’adaptation – déjà – de Shutter Island en BD, est un perfectionniste, un amoureux du travail bien fait, des atmosphères bien noires, des intrigues complexes qui embarquent le lecteur loin, très loin. Sous son pinceau, Tony Guarino s’anime de magnifique manière et nous sert de guide dans ce monde infâme et violent de la pègre du côté de Chicago. Une histoire qui finit mal… forcément ! E.G.

10 Avr

Haarmann le boucher de Hanovre, de Kreitz et Meter. Editions Casterman. 14 euros.

Ne pas inquiéter inutilement la population ! C’est la priorité que s’est donnée la police de Hanovre lorsqu’elle découvre, à l’occasion de travaux de curage dans un cours d’eau de la ville, une quantité incroyable d’ossements humains. Des ossements auxquels on aurait visiblement retiré la chair. Mais pour quoi faire ? A Hanovre, comme dans le reste de l’Allemagne à cette époque – nous sommes en 1924 – la population subit de plein fouet la crise économique et chacun doit se débrouiller pour subvenir aux besoins de sa famille. Fritz Haarmann, homosexuel notoire, fripier, est aussi indicateur de police et vendeur de viande sous le manteau. Une viande deux fois moins cher qu’ailleurs mais à l’origine plutôt douteuse. Alors, bien sûr, chez lui, c’est le défilé permanent de gens qui veulent acheter mais aussi de jeunes garçons isolés que Fritz récupère à la gare. Et ces jeunes gens, personne ne les voit jamais ressortir… De là à imaginer des choses…

Glacial ! Cette histoire véridique du tueur en série le plus célèbre d’Allemagne, responsable de la mort de vingt-quatre jeunes gens, est magistralement mise en scène par le tandem allemand constitué d’ Isabel Kreitz, prix du meilleur auteur de bande dessinée au festival d’Hambourg en 1997, et de Peer Meter. Un graphisme en noir et blanc influencé par Will Eisner, des décors minutieusement reconstitués, une narration particulièrement efficace, des personnages à vous glacer le sang… dès les premières pages de cet album, le lecteur se retrouve plongé corps et âme dans une atmosphère particulièrement lourde, sordide, effrayante… et en même temps fascinante. Un album qui nous permet de découvrir des auteurs d’outre-Rhin. Et c’est finalement assez rare pour le signaler ! E.G.

04 Avr

Au temps de Botchan et Les Années douces, deux Taniguchi chez Casterman…

L’Homme qui marche, Le Journal de mon père, Dans un ciel radieux, Le Gourmet solitaire, Le Promeneur, Un Zoo en hiver et le plus célèbre d’entre tous, récemment adapté au cinéma, Quartier lointain… Ce sont là quelques-uns des albums signés par l’un des plus grands auteurs japonais contemporains, l’immense Jirô Taniguchi. Nous le retrouvons cette fois en compagnie de Natsuo Sekikawa autour d’un récit particulièrement dense intitulé Au temps de Botchan, un récit qu’ils ont mis douze ans à finaliser. Publié au Japon dès 1987, une première fois en France entre 2002 et 2006 aux éditions du Seuil,  Au temps de Botchan est une fresque extraordinaire qui  nous entraîne dans le Japon du début du XXè siècle, un Japon de transition qui s’ouvre à la modernité et reste en même temps profondément attaché à ses traditions. L’histoire commence en novembre 1905 donc, du côté du quartier de Sendagi, à Tôkyô, où Natsume Soseki, l’écrivain japonais le plus représentatif de cette transition, alors de retour d’Angleterre, entreprend l’écriture de son œuvre la plus célèbre : Botchan.  Comme toujours, Jirô Taniguchi nous émerveille, nous ensorcelle même, avec son trait délicat, largement influencé par la bande dessinée franco-belge, et ce ton posé, réfléchi, imposé par le scénariste Natsuo Sekikawa et qu’on retrouvera dans toute l’œuvre de Jirô Taniguchi. Une immersion au cœur du Japon mais aussi au cœur de la création littéraire…

Quelques semaines avant la sortie de l’album Au temps de Botchan, les éditions Casterman ont publié, toujours dans la fameuse collection Ecritures, le second volet du récit Les Années douces, adapté du roman de la Japonaise Hiromi Kawakami et nous immergeant dans un Japon beaucoup plus contemporain cette fois mais toujours aussi étonnant pour nous, européens. Sur près de 400 pages, Jirô Taniguchi développe ici une très belle histoire d’amitié entre deux personnages, une jeune trentenaire prénommée Tsukiko et un vieux professeur, de trente ans son aîné. Au hasard des rencontres, les protagonistes vont développer une complicité, improviser des sorties, jusqu’au jour où le professeur invite la jeune femme à partir en voyage avec lui… Une magnifique histoire, parfois mélancolique, toujours pudique, qui nous interpelle sur la magie des sentiments ! E.G.

Dans le détail :

Au temps de Botchan (tome 1), de Taniguchi et Sekikawa. Editions Casterman. 16 euros.

Les Années douces (tome 2), de Taniguchi et Kawakami. Editions Casterman. 16 euros.

30 Mar

Tif et Tondu, La Patrouille des Castors… Deux nouvelles intégrales chez Dupuis.

Après Spirou et Fantasio, Jerry Spring, Yoko Tsuno, Théodore Poussin, Buck Danny, Gil Jourdan, Les Petits hommes ou encore Tif et Tondu, c’est au tour des jeunes scouts de La Patrouille des castors de bénéficier d’une réédition de leurs aventures en intégrale. Le premier volet, fraîchement sorti, réunit Le Mystère de Grosbois, Le disparu de Ker-Aven, L’Inconnu de la villa Mystère et Sur la piste de Mowgli, quatre aventures bien évidemment signées Jean-Michel Charlier pour le scénario et Michel Tacq, dit MiTacq, pour le dessin. Créée en 1954, cette série connaît un succès immédiat auprès des lecteurs du journal Spirou et reçoit la bénédiction de la direction des éditions Dupuis qui voit là l’occasion de diffuser une morale humaniste et généreuse et d’éviter les foudres de la censure particulièrement dure depuis la promulgation de la fameuse loi du 16 juillet 1949 portant sur les publications pour la jeunesse. Résultat, La Patrouille des castors entame une carrière de quelque quarante ans. En plus des quatre aventures, ce premier volume de l’intégrale propose plusieurs courts récits ainsi qu’un dossier revenant sur le contexte de création de la série avec à l’appui nombre de documents, croquis inédits, illustrations, photos, notes des auteurs…

Plus anciens encore que notre bande de scouts, mais tout aussi mythiques, Tif et Tondu poursuivent eux aussi une carrière en intégrale. Le neuvième volume de celle-ci, intitulé Innombrables menaces, vient de sortir avec au sommaire les récits Métamorphoses, Le Sanctuaire oublié, Echecs et match, Swastika, tous publiés entre 1979 et 1983, mais aussi plusieurs récits courts et inédits en album ainsi qu’un dossier signé Didier Pasamonik, accompagné de nombreuses illustrations, couvertures, recherches graphiques. A terme, l’Intégrale Tif et Tondu devrait compter 12 volumes et réunir les 45 grandes aventures parues entre 1938 et 1997. E.G.

Dans le détail :

Intégrale La Patrouille des castors (tome 1), de MiTacq et Charlier. Editions Dupuis. 28 euros.

Intégrale Tif et Tondu (tome 9), de Will et Desberg. Editions Dupuis. 24 euros.

27 Mar

Une nouvelle édition en noir et blanc pour les aventures de Corto Maltese chez Casterman…

  

Le légendaire marin, né sous la plume et le trait d’Hugo Pratt en 1967, fait à nouveau parler de lui ! Après les éditions-anniversaire exceptionnelles de La Ballade de la mer salée et de Mû, après le lancement d’une nouvelle édition de ses aventures en couleur et d’une série au format poche, sans oublier les multiples ouvrages publiés autour et sur l’univers Corto, Casterman effectue un retour aux sources avec cette nouvelle édition grand format en noir et blanc. Issue d’un profond et minutieux travail éditorial, effectué à partir des originaux, du moins lorsque cela était encore possible, cette nouvelle édition offre une traduction entièrement corrigée, des planches relettrées et des albums numérotés pour plus de clarté, explique-t-on du côté de l’éditeur. Mais le changement le plus significatif se situe peut-être du côté de la maquette et notamment des planches qui retrouvent un découpage en quatre strips, telles qu’elles avaient été conçues à l’origine par l’auteur. Les couvertures ont elles aussi bénéficié d’un sérieux coup de lifting avec un titre dans le style tampon, des couvertures que certains ne manqueront pas de trouver plus froides et plus impersonnelles ! Mais qu’importe car l’important est ailleurs, dans ces histoires qui allient si majestueusement aventure et onirisme, fiction et réalité, rationalisme et fantastique. Trois titres ont d’ores et déjà été publiés : La Jeunesse, Les Celtiques et Les Ethiopiques. A noter enfin que l’album La Jeunesse est complété par un texte particulièrement instructif signé du spécialiste Dominique Petitfaux et de treize strips plus ou moins achevés retrouvés dans les années 2000 et qui constitueraient une suite à ce récit inachevé. L’une des plus belles aventures du Neuvième art à découvrir ou redécouvrir ! E.G.

Dans le détail :

La Jeunesse, Corto Maltese (tome 1). 16 euros

Les Celtiques. Corto Maltese (tome 2). 22 euros

Les Ethiopiques. Corto Maltese (tome 3). 18 euros.

22 Mar

Voyage aux îles de la Désolation, par Emmanuel Lepage. Editions Futuropolis. 24 euros.

Couv_176192Composées de l’archipel de Crozet, de l’archipel de Kerguelen, des îles Saint-Paul et Amsterdam, de la terre Adélie et des îles Eparses, les Terres australes et antarctiques françaises, les Taaf comme on les appelle communément, forment un territoire d’outre-mer français à part entière, un territoire qui ne compte pas de population permanente mais où est assurée une présence humaine continue, grâce à quelques scientifiques et militaires aguerris aux conditions de vie extrêmes.

C’est dans ce bout du bout du monde que l’auteur breton Emmanuel Lepage nous invite à voyager. Embarqué en mars 2010 sur le Marion Dufresne, navire spécialement conçu pour ravitailler les bases scientifiques subantarctiques, l’auteur va partager pendant plusieurs semaines le quotidien des hommes présents à bord, marins, techniciens, logisticiens, scientifiques, journalistes et même politiciens, puisque l’ancien sénateur du Maine et Loire Christian Gaudin, aujourd’hui préfet des Taaf, faisait partie du voyage. De retour dans sa Bretagne natale, l’auteur réalise plus de 150 planches pour raconter son voyage, transmettre ce qu’il a appris de ces hommes et de ces femmes, vu de ces terres si lointaines, ressenti de cet océan indomptable, de ces espaces immenses, de cette nature sauvage.

150 planches magnifiques qui composeront au final cet album au très beau format de 23 sur 32,5 et dans lesquelles se mêlent récit en bande dessinée, peintures, croquis et portraits réalisés sur le terrain. Entre BD reportage et carnet de voyage, Voyage aux îles de la Désolation, de l’ancien nom donné à l’archipel de Kerguelen, est un ouvrage remarquable, riche, passionnant, instructif, envoutant même par moment, bref un ouvrage indispensable pour tous les passionnés d’aventure vraie !

Eric Guillaud