27 Oct

Sous l’entonnoir, de Sibylline et Natacha Sicaud. Editions Delcourt. 17,50€.

Se battre pour ne pas devenir comme eux, pour afficher une normalité rassurante, pour espérer sortir… peut-être un jour. Mais sortir de cet endroit est beaucoup moins facile que d’y entrer ! Aline, 17 ans, va très vite le comprendre. Internée dans le service psychiatrique de l’Hôpital Sainte-Anne à la suite d’une tentative de suicide, la jeune fille découvre un univers qu’elle n’imaginait même pas. Des couloirs vides et sans fin, des réfectoires et des chambres sans âme, des silences interminables soudainement rompus par les cris de ces malades, parfois lourdement atteints, qui déambulent dans leur pyjama en attendant… que le temps passe. Bien qu’assommée par les médicaments, Aline reste lucide, écrivant son ressenti. « J’ai eu un pyjama bleu mais pas d’entonnoir », confie-t-elle. Pas d’entonnoir et une peur bleue comme son pyjama de devenir folle, vraiment folle. « C’est difficile de s’affranchir d’une histoire », écrit-elle. Une mère qui se suicide, un père qui perd pied et menace de mettre fin à ses jours, une grand-mère qui fait ce qu’elle peut… et pour Aline, une vie qui aurait pu basculer définitivement…

Dès les premières pages, Sous l’entonnoir nous rappelle un autre album de la même veine. Il s’agit de La Parenthèse d’Elodie Durand qui a remporté le prix Révélation 2011 au Festival international de la bande dessinée. Comme Elodie Durand, Sibylline raconte ici un épisode totalement dramatique de sa vie, une épreuve qu’elle a réussi à surmonter, « l’histoire d’une fille qui trébuche et qui repart », résume la dessinatrice Natacha Sicaud. C’est en récupérant son dossier médical quinze ans après cette sinistre expérience que lui vient l’idée de raconter son histoire en BD, une démarche pas toujours facile, reconnaît-elle, mais peut-être nécessaire. « Quand l’écriture du scénario s’est achevée, j’ai eu une immense bouffée de panique, sur ma légitimité à parler de tout ça. De l’hôpital, des traitements, des patients. J’ai pris rendez-vous, pour récupérer mon dossier. Le temps passant, les événements sont moins vifs, et tout à coup, ça me paraissait assez banal, bien trop intégré. Se replonger dans cet endroit le temps d’une après-midi, se sentir touriste curieuse alors que j’avais fait partie des murs pendant quelques semaines, c’était assez déconcertant […]. Quant au partage, la perspective de faire lire, oui, ça a été un questionnement difficile. Mais aujourd’hui, c’est comme si c’était quelqu’un d’autre que moi qui est raconté. C’est certainement pour ça que j’ai choisi de l’appeler Aline plutôt que Sibylline ». Pour mettre son histoire en images, Sibylline a fait appel à Natacha Sicaud, transfuge de l’illustration jeunesse, auteure notamment de J’ai vu une fée sur un vélo chez Nathan ou de L’Arbre qui chante chez Hatier. Avec son trait direct et expressif, ses décors minimalistes, sa représentation des malades et des soignants très travaillée, très documentée, et ses couleurs froides, Natacha Sicaud colle parfaitement au sujet ! Une autobiographie prenante et émouvante ! E.G.

26 Oct

Un album BD, une monographie et deux expos : Cosey et Jonathan font un retour en force…

Absent depuis trois ans, l’auteur suisse Bernard Cosendai, alias Cosey, fait un retour en force en compagnie de son personnage fétiche, Jonathan. Il y a d’abord la sortie de ce quinzième album de la série qui nous invite à un nouveau voyage en Asie. Plus précisément, cette fois, c’est en Birmanie, à May Myo, qu’on retrouve notre héros. Dans cette ancienne station climatique, perchée à 1050 m d’altitude, Jonathan fait la rencontre d’une jeune japonaise, Atsuko, qui enquête sur la disparition mystérieuse de sa grande tante au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Intrigué par cette histoire, Jonathan rejoint bientôt Atsuko dans les hautes montagnes japonaises. Là, dans un paysage blanc immaculé, comme les aime tant Cosey, Jonathan et la jeune femme sont les victimes d’un étrange rôdeur…

En créant Jonathan en 1975, Cosey ne pensait absolument pas l’animer encore aujourd’hui. Le destin en a voulu autrement grâce à un rédacteur en chef du journal Tintin, Henri Desclez, qui vit dans ces aventures là quelque chose d’inhabituel et donc d’indispensable au Neuvième art. Et c’est vrai que Jonathan est une série singulière, une œuvre forte, intelligente, sensible et humaniste, avec des personnages d’une richesse intérieure incroyable, des dialogues qui vont à l’essentiel et un découpage inclassable qui privilégie la suggestion et encourage l’imagination. Dans ces aventures profondément imprégnées de philosophies orientales, de sérénité, de calme, il y a forcément quelque chose de Cosey.

« Jonathan, c’était mon autobiographie imaginaire. Une sorte de moi fantasmé, une version améliorée », peut-on lire dans le second oouvrage portant la griffe de Cosey et sortant également ce mois-ci. Son titre : Jonathan: une autobiographie en BD. Sur 192 pages, ce magnifique ouvrage, à la fois art-book, monographie, recueil d’entretiens et carnet de voyages, nous invite à pénétrer l’univers de Jonathan à travers les propos de l’auteur recueillis par Antoine Maurel, les textes de Claude B. Lenvenson et les nombreuses esquisses, illustrations, aquarelles et photographies de Cosey lui-même. Au delà d’une mise en perspective de la série dans son contexte de création, ce livre nous parle du Neuvième art avec intelligence. Passionnant !

Enfin, deux expositions rendront hommage dans les prochaines semaines à la série Jonathan et à son auteur : la galerie Champaka à Bruxelles du 4 au 20 novembre et la galerie Daniel Maghen à Paris du 2 au 12 novembre. Chacune d’elles présentera notamment une vingtaine de planches encrées de la dernière aventure de Jonathan, Atsuko, et quelques illustrations en couleur. Pour plus d’information, consultez leur site respectif, ici pour Champaka et pour Daniel Maghen. E.G.

Dans le détail

– Jonathan, une autobiographie imaginaire en BD, de Cosey. Editions Le Lombard. 15,95 euros.

– Atsuko, Jonathan (tome 15), de Cosey. Editions Le Lombard. 15,95 euros.

Les aventures de Tintin : le secret de la licorne de Spielberg dans les salles…

L’adaptation cinématographique des aventures de Tintin signée Steven Spielberg est sortie ! Inutile de présenter l’un et l’autre, ce sont deux stars incontestées, l’histoire d’une recontre qui aboutit à un film singulier, réalisé selon une méthode révolutionnaire dans l’animation – la « motion picture » – consistant à tourner les scènes avec de vrais acteurs puis de les convertir en images de synthèses. Résultat : même si les avis divergent principalement du côté des inconditionnels d’Hergé, le résultat est tout de même surprenant, pour ne pas dire bluffant ! En attendant de juger par vous-même, nous vous laissons découvrir quelques images…

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24 Oct

La Médecine et Le Sport (intégrales), de Serre. Editions Glénat. 12,50€ le volume.

Ses dessins ont fait le tour du monde ! Impossible pourtant de les regarder aujourd’hui encore sans éprouver un sentiment de crainte, de crispation, d’angoisse, de mort subite. Qu’il s’agisse du cycliste qui perd sa selle en pleine ascension, de l’escrimeur qui se coupe la tête en deux en voulant saluer son adversaire, de ce bloc opératoire d’où s’échappe une rivière de sang ou de ces poubelles regorgeant de boyaux en tout genre… Serre s’est fait une spécialité de l’illustration d’humour noir. Très noir ! Et en trente ans de carrière, l’homme a abordé tous les thèmes, depuis le bricolage jusqu’à la l’automobile, en passant par la musique, les vacances ou encore le savoir-vivre… Parce que son œuvre est universelle et intemporelle, les éditions Glénat rééditent une nouvelle fois mais dans un format plus actuel deux opus thématiques intitulés Le Sport et La Médecine. Un délice d’humour et de graphisme ! E.G.

La Face cachée du Z, Les aventures de Spirou et Fantasio (tome 52), de Yoann et Vehlmann. Editions Dupuis. 10,45 euros.

Z, alias Zorglub, aurait-il désormais des intentions vertueuses comme il le prétend ? En tout cas, Spirou, Fantasio, Spip et le compte de Champignac ont bien du mal à le croire. Et ce n’est pas sa dernière facétie qui va les faire changer d’avis. Téléportés pendant leur sommeil sur la Lune, sur ordre de Zorglub, nos quatre amis découvrent à leur réveil un immense laboratoire où le savant fou envisage de mener de nouvelles expériences « vitales » pour l’humanité. On tremble déjà ! Mais le plus surprenant est ailleurs. Sur la face cachée de la Lune ! Pour financer ce fameux laboratoire, soi-disant de façon légale, Z a en effet créé un immense parc de loisirs pour milliardaires épris de tourisme spatial. On y croise tout le gotha international, depuis le chanteur Zapata jusqu’au prince de Mantoue, en passant par le joueur de basket Mike Adibok ou la star hollywoodienne Blythe Prejlowieky. Mais que nous prépare donc l’affreux Zorglub ? De ce côté là, le mystère s’épaissit…

Avec une volonté affichée de modernité et une touche de tradition, le dessinateur nantais Yoann et le scénariste Vehlmann ont repris la destinée des célèbres Spirou et Fantasio il y a maintenant plus de deux ans, succédant en cela au tandem Munuera – Morvan. La Face cachée du Z, cinquante-deuxième épisode de la série, deuxième opus de Yoann et Vehlmann, nous offre une histoire rocambolesque et lunaire avec un Spirou qui par un jeu d’écriture retrouve son costume traditionnel de groom et un Zorglub encore plus fourbe et insaisissable que d’habitude. Un dessin dynamique, des décors célestes, un scénario bien ficelé, de l’humour… Yoann et Vehlmann impriment leur marque sur l’une des séries les plus mythiques de la bande desssinée franco-belge ! EGuillaud

23 Oct

Troubles fêtes, de Loisel et Rose Le Guirec. Editions Les Humanoïdes Associés.

Une fois n’est pas coutume, nous parlerons ici de la réédition d’un ouvrage érotique, une bande dessinée à ne pas mettre entre toutes les mains signée par l’un des maîtres du Neuvième art ! Son titre : Troubles fêtes. Ses auteurs : Rose le Guirec et Loisel, le fameux Loisel, celui-là même qui a écrit La quête de l’oiseau du temps (Dargaud), Peter Pan (Vents d’ouest) ou encore Magasin général (Casterman). C’est en 1989 qu’est initialement publié ce recueil réunissant sous les thématiques du centaure, des feux de la St Jean et du carnaval de Venise, une série de contes fortement épicés. Sur des textes de Rose Le Guirec, pseudonyme de son épouse, Loisel laisse libre cour à son imagination, offrant aux lecteurs tantôt des illustrations, tantôt de brefs récits en bande dessinée, grouillant dans les deux cas de créatures de rêve aux courbes particulièrement sensuelles et aux attitudes plutôt explicites. 70 pages de bonheur graphique à partager entre adultes ! E.G.

21 Oct

Stalingrad Khronika, de Bourgeron et Ricard. Editions Dupuis. 16,95€.

Des ruines ! Partout où porte le regard, Stalingrad n’est plus qu’un immense champ de ruines. Et pourtant, quelques ombres filantes en surgissent encore, attestant d’une présence humaine. Il y a bien sûr de nombreux soldats, allemands et russes, qui s’acharnent encore et toujours à s’entretuer. Et puis, il y a cette équipe de tournage envoyée par Staline lui-même pour filmer l’armée soviétique dans sa glorieuse résistance à l’ennemi. C’est le camarade Yaroslav qui a été chargé de mener à bien ce projet. Mais Yaroslav est un réalisateur médiocre, alcoolique et lâche. Tant bien que mal, l’homme commence à filmer les combats lorsqu’il apprend que son assistant n’est autre que le grand Abel Kazakstov, l’ancien directeur du centre cinématographique soviétique, un de ses pires ennemis qu’il avait autrefois fait envoyer en camp de rééducation…

Stalingrad Khronika nous plonge dans l’une des batailles les plus meurtrières et les plus décisives de la Seconde guerre mondiale pour une histoire qui tient plus du huis-clos que du récit d’aventure. Plus que la guerre en elle-même, ce qui intéresse ici les auteurs, Franck Bourgeron et Sylvain Ricard, c’est d’aborder la complexité des relations humaines dans un contexte particulier, celui de ce groupe parti tourner un film de propagande à la gloire de l’Union soviétique en pleine bataille de Stalingrad. Et la violence est tout autant physique que psychique ! Un récit prévu en deux volets ! E.G.

Les contes de Perrault, illustrés par René Hausman. Editions Dupuis. 25€.

Le Petit Poucet, Le Petit Chaperon rouge, La Belle au bois dormant, Peau d’âne, Riquet la houppe, Cendrillon ou la petite pantoufle de verre… La réédition de cet album paru initialement en 1979 chez Dupuis réunit les fameux contes de Charles Perrault illustrés par René Hausman. Illustrateur de génie, connu pour son univers graphique poétique et enchanteur, notamment ses mémorables bestiaires, René Hausman a signé en un peu plus de cinquante ans de carrière nombre de bandes dessinées (Laïyna, Le Camp-volant, Le Chat qui courait sur les toits…) et de livres illustrés (Les fables de La Fontaine, L’Oiseau bleu, Bestiaire insolite…). Sa rencontre avec l’oeuvre de Perrault, pour laquelle il ne cache pas sa fascination, était une évidence. 96 pages de bonheur où le texte répond aux images et inversement. Un très très très beau livre à offrir ou à s’offrir ! E.G.

Saint-Malo se prépare à accueillir les amoureux de la BD…

Envie de prendre le large ? Direction Saint-Malo qui accueillera du 28 au 30 octobre prochain le traditionnel festival de la bande dessinée Quai des bulles. Au menu de cette 31e édition : des spectacles, des rencontres, des projections, des animations jeunesse, des dédicaces et de nombreuses expositions notamment consacrées aux 25 ans des éditions Delcourt, à Georges Beuville, aux carnets de voyage de Claire et Reno Marca, au livre 12 septembre, l’Amérique d’après ou encore aux crayonnés de Jérôme Lereculey. Si vous souhaitez en savoir plus sur ces trois jours de fête et connaître les noms des 300 auteurs attendus, rendez-vous sur le site du festival en cliquant ici-même ! E.G.

Chroniques d’une mère indigne, de Sophie de Villenoisy et Anne-Olivia Messana, d’après l’oeuvre de Caroline Allard. Editions Jungle. 12€.

Elle se dit parfois qu’elle aurait pu attraper la varicelle, perdre son travail, se faire voler sa voiture, se faire enlever par des extraterrestres, que sais-je encore. Mais non, la jeune héroïne de cet album a toujours réussi à éviter le pire. Mais peut-être plus pour très longtemps. Un danger bien plus grand la guette depuis peu. Et dans sa propre maison. Ses filles ! Entre les couches, les biberons, les comptines du soir… la jeune maman n’a plus un moment de libre, plus une nuit tranquille, même plus un semblant de vie amoureuse, plus rien…. De quoi envier les célibataires et se sentir dans la foulée une mère indigne…

Le thème n’est pas nouveau mais le quotidien d’une maman comme les autres ou presque fait toujours rire. Alors pourquoi s’en priver ? Ce quotidien là est à l’origine celui de la Canadienne Caroline Allard qui, pendant son deuxième congé de maternité, en 2006, commença l’écriture d’un blog en y relatant ses aventures, ses mésaventures et quelques anecdotes que l’on préfère souvent garder pour soi. Ce sont deux autres femmes, Anne-Olivia Messana et Sophie de Villenoisy, qui ont signé l’adaptation en bande dessinée. Et le résultat est franchement drôle, même pour la gent masculine ! E.G.