Difficile d’écrire, ne serait-ce qu’un mot, une fois la dernière page de ce livre tournée. Je dois l’avouer, il m’a fallu attendre quelques minutes avant de retrouver un tant soit peu mes esprits et ma plume. Car oui Le Grand désordre est un récit poignant, déchirant, un témoignage unique en son genre sur cette p… de maladie neurodégénérative à laquelle on a donné le nom de son « découvreur », Alois Alzheimer. Et ce témoignage est celui d’une jeune femme, canadienne, Sarah Leavitt, qui décide à la fin des années 90, de garder en mémoire la maladie de sa mère par des notes et dessins qu’elle conservera religieusement jusqu’à son décès. Elle ressort alors les carnets, les croquis, les notes couchées sur des bouts de papier pour en faire une BD, plus précisément un graphic memoir, sorte de roman graphique autobiographique.
« J’ai écrit ce livre… », confie l’auteure, « parce que je veux me souvenir de ma mère avant sa maladie, mais aussi pendant. Je veux me rappeler comment certains de ses traits de caractère ont été profondément affectés par Alzheimer, mais aussi comment elle a conservé d’autres aspects de sa personnalité jusqu’à la fin. Alors que la maladie la transformait, j’ai changé moi aussi, contrainte de réexaminer ma propre identité en tant que fille et en tant qu’adulte, et de recréer ma relation avec ma mère ».
Alors que beaucoup chercheraient à oublier, Sarah note tout méticuleusement, les premiers signes, les sautes d’humeur, les visites chez les spécialistes, l’annonce du diagnostique, la dégénérescence lente et progressive, jusqu’aux dernières heures. Elle note tout pour se souvenir et finalement pour témoigner. Le Grand désordre très habilement sous-titré Alzheimer, ma mère et moi nous embarque pour un long voyage au pays de la maladie, un quotidien de plus en plus lourd dont on imagine pas un instant les difficultés, mais aussi un chemin d’amour dans l’intimité d’une famille soudée par l’épreuve. Ce n’est pas une BD, c’est un choc !
Eric Guillaud
Le Grand désordre, de Sarah Leavitt. Editions Steinkis. 18 €
© Steinkis / Sarah Leavitt