Deux lieux, deux univers, deux destins… et au final deux histoires qui ne sont pas si éloignées l’une de l’autre ! Sur près de 350 pages, l’Angoumoisin Freddy Nadolny Poustochkine nous offre un récit étonnant, partagé entre le Cambodge d’avant Pol Pot et la France des banlieues. D’un côté, l’auteur met en scène un jeune garçon cambodgien qui découvre, non sans quelques difficultés, la vie de moine bouddhiste, une vie faite de méditation, de jeûne, de mendicité, d’abnégation, d’amour… alors que les Khmers rouges s’emparent du pays et font couler le sang. Retour en France pour la seconde partie de l’histoire avec un autre jeune garçon, au quotidien beaucoup plus proche du nôtre, un jeune garçon qui tombe amoureux d’une certaine Aline, réfugiée cambodgienne…
Pour l’auteur, l’idée de raconter la vie d’un moine novice dans le Cambodge d’avant Pol Pot est venue à la lecture de cette pensée d’un moine taoïste chinois : « La nuit dernière, j’ai rêvé que j’étais un homme et maintenant, je me demande : suis-je un papillon qui a rêvé qu’il était un homme, ou suis-je un homme qui rêve, pour le moment, qu’il est un papillon? ». « Ce fut… », explique Freddy Nadolny Poustochkine, « la genèse de ce livre. Le rapport étroit rêve/réalité, cette fine et fragile limite m’a toujours fasciné. Ensuite, au fur et à mesure de l’écriture et des recherches, à mesure que mon récit s’affinait, des souvenirs personnels sont venus à moi, et particulièrement un, comme un flash, qui a propulsé mon histoire en lui donnant un envol assez inattendu. C’est le souvenir d’une petite fille de mon âge, à l’époque de l’école primaire, une camarade de classe arrivée en cours d’année, d’un pays lointain et inconnu pour moi jusqu’alors, le Cambodge. Elle fut ma camarade de classe mais aussi ma voisine de palier, comme raconté dans l’histoire ». Construit autour de l’apprentissage de la vie confrontée à la dure réalité historique, La Colline empoisonnée est un récit singulier, tant dans le fond comme on l’a vu que dans la forme. Freddy Nadolny Poustochkine explore ici une forme narrative assez proche de celle employée par Ludovic Debeurme pour Lucille, album également paru aux éditions Futuropolis. Un traitement au lavis, des planches sans vignettes, deux à six illustrations par page, un récit assez long, un rythme lent, une approche contemplative… Mais ne vous y trompez pas, derrière l’apparente douceur du récit, c’est l’insouciance de l’enfance, mise à mal par la violence du monde, qui est ici illustrée ! E.G.