07 Déc

La Délicatesse : Cyril Bonin adapte avec bonheur le roman de David Foenkinos

album-cover-large-31530

Pour ceux qui connaissent la rudesse d’adapter en BD un roman qui plus-est multi-récompensé, voici un exemple de réussite totale. La Délicatesse, de David Foenkinos, trouve sous le trait de Cyril Bonin un supplément de finesse et de justesse dans les sentiments qui ne peut que laisser béat d’admiration…

Elle s’appelle Nathalie. Lui, François. Ils se sont rencontrés dans la rue et filent le parfait amour. Pas une ombre à l’horizon, l’avenir, le monde, leur appartient. Jusqu’au jour où François meurt accidentellement. Nathalie sombre dans un chagrin abyssal, hermétique au monde extérieur, aux sollicitations masculines, figée sur son amour perdu. Et puis, et puis, un homme traverse sa vie. Et en premier lieu son bureau. Il travaille dans la même entreprise qu’elle. Il est même sous ses ordres. Markus est suédois et un peu bizarre. Ou plus exactement surprenant. Elle qui pensait que la vie s’était arrêtée avec la mort de François découvre que la légèreté, l’amour, le bonheur… sont encore en elle, sont encore possibles.

Un concentré d’émotions. Voilà ce qu’est La Délicatesse de Cyril Bonin, parfaitement le genre de bouquin qui vous colle à l’esprit pendant des jours et des jours après sa lecture. Images, textes, dialogues, personnages, couleurs… tout est au service de ce récit intimiste qui a déjà fait les beaux jours de l’édition et du cinéma. Un travail remarquable, l’un des plus beaux albums de cette fin d’année. Mais rien d’étonnant venant de Cyril Bonin dont on a déjà pu saisir l’immense talent, notamment à travers son diptyque Amorostasia, actuellement en cours d’adaptation pour le cinéma. Un auteur à suivre de très près !

Eric Guillaud

La Délicatesse, de Cyril Bonin d’après le roman de David Foenkinos. Editions Futuropolis. 17€

© Futuropolis / Bonin

© Futuropolis / Bonin

03 Déc

Chroniques de Noël : Une vie de géant ou la légende du golem revisitée par Anke Kuhl

9782822214612_cgAïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Un géant d’argile. Voilà ce à quoi Olli et Ulla ont donné naissance par un bel après-midi au bord de la rivière. Un géant d’argile pas franchement décidé à jouer les sculptures éphémères. Une petite nuit et hop, direction la ville la plus proche où notre bon gros géant va se faire remarquer en semant le chaos. Rien de très méchant mais des maladresses qui vont le rendre persona non grata jusqu’au moment où il trouve enfin à se rendre utile…

Avec ce premier livre traduit en français, l’Allemande Anke Kuhl revisite la légende du golem, créature humanoïde de la mythologie juive qui aurait inspiré nombre de personnages de l’imaginaire moderne tels que Frankenstein ou Superman. Un beau petit livre au graphisme séduisant pour les plus jeunes.

Eric Guillaud

Une vie de géant, de Anke Kuhl. Éditions Jungle! Kids. 9,95€

29 Nov

Hip Hop Family Tree : l’épopée du hip hop racontée en BD par Ed Piskor aux éditions Papa Guédé

hip-hopune-tt-width-470-height-680-crop-1-bgcolor-000000-nozoom_default-1-lazyload-1-except_gif-1C’est une nouvelle qui devrait réjouir tous les amoureux de la culture hip hop, la saga de l’auteur américain Ed Piskor consacrée à la l’histoire de ce mouvement né dans le Bronx dans les années 1970 est enfin disponible en France…

Je ne suis pas un grand connaisseur du hip hop, pas vraiment un fan d’ailleurs, mais je suis toujours subjugué par la richesse de cette culture et sa proximité évidente avec la bande dessinée. Les deux univers se retrouvent dans cet ouvrage signé Ed Piskor, un auteur américain que certains d’entre vous ont peut-être découvert en France avec l’album Wizzywig paru chez Dargaud en 2013, album où il était question d’un hacker en série.

Changement de sujet avec Hip Hop Family Tree qui raconte ni plus ni moins l’épopée du hip hop, en commençant par le début, les soirées de Dj Kool Herc dans un South Bronx en ruine. Nous sommes au milieu des années 70, DJ Kool Herc invente la technique du « Merry-go-Round » (jouer avec deux disques identiques sur deux platines différentes) et le monde de la musique s’en trouve transformée.

Le rap est né. Et ses pionniers ont pour noms Grandmaster Flash, Grandwizard Theodore ou encore Afrika Bambaataa, le fondateur de la Zulu Nation, une organisation internationale quoi joua un rôle primordial dans la diffusion du hip hop à travers la planète en prônant la paix, la connaissance, la sagesse dans un New York confronté aux gangs.

Au fil des pages, Ed Piskor nous parle de cette culture hip hop naissante en Amérique et plus largement de la culture black et de la société américaine des années 70. On y croise beaucoup de stars du rap mais aussi du graff comme Fred Fab Five ou de la peinture comme Jean-Michel Basquiat, de la pop comme Deborah Harry (Blondie) ou encore du cinéma comme Malcom X.Couvertureblack music

Un livre très dense et passionnant à offrir avec un autre ouvrage portant lui-aussi sur la culture black, l’excellent Petit livre Black Music de Bourhis et Bruno chez Dargaud dont vous trouverez la chronique ici.

Eric Guillaud

Hip Hop Family Tree, de Ed Piskor. Editions Papa Guédé. 26€

© Papa Guédé / Ed Piskor

© Papa Guédé / Ed Piskor

27 Nov

La Casa, une édition anniversaire de la BD de Victor Hussenot chez Warum?

LaCasa-Warum2016-3DLa case, la casa, la maison, un espace restreint sur une planche de bande dessinée mais un terrain de jeu et d’aventure incroyable. Tout peut s’y produire, le monde entier peut la traverser, l’investir, en repartir. La preuve avec Victor Hussenot et cette bande dessinée publiée chez Warum?…

Dans cet album initialement paru en 2011, aujourd’hui réédité à l’occasion des 11 ans de la maison d’édition, les cases s’envolent, dégringolent, s’organisent, se désorganisent, apparaissent, disparaissent, s’animent, se meurent, se remplissent, se vident et donnent vie à des petites histoires qui flirtent avec l’humour, l’absurde. La case, cet espace limité par quatre traits, devient un personnage à part entière.

« Pour La Casa… », explique l’auteur dans une interview accordée à Du9.org et publiée dans les dernières pages du livre, « je voulais justement être libre, presque qu’il n’y ait pas d’histoire. Pourtant, il y a des personnages dessinés et imprimés sur du papier qui interagissent avec des cases, que font ils ? Cela m’intéressait de me dire qu’ils étaient là, dans la page, mais qu’aucune sorte de récit ne venait les emmerder. Je voulais voir ce qui se racontait tout seul, comme ça, en posant des personnages sur une planche blanche, comme si je leur disais : vas-y, débrouille-toi maintenant ».

En voyant ces pages, on pense tout de suite à Marc-Antoine Mathieu et notamment à sa série Julius Corentin Acquefaques qui n’a de cesse de revisiter, triturer, malaxer, renverser les codes narratifs. Et on a raison de penser à cet auteur même si Victor Hussenot développe un univers et une vison de la BD bien à lui. La Casa comme Julius Corentin Acquefaques explore les limites du médium bande dessinée. « L’OuBaPo m’a profondément touché, car j’ai vue dans les contraintes une manière de représenter visuellement des questions existentielles et temporelles avec la boucle (Morlaque) par exemple, un peu comme Escher que j’aimais beaucoup aussi ».

Cette réédition cartonnée offre de nouvelles pages couleurs ainsi qu’une longue interview de l’auteur. Pour ceux qui rêvent de faire exploser les cases !

Eric Guillaud

La Casa, Victor Hussenot. Editions Warum?. 18 €

PlancheS_46809

 

17 Nov

L’Invitation : la BD de Jim et Mermoux qui a inspiré le film de Michaël Cohen vient d’être rééditée

9782749308333_cgQuestion! Que faites-vous si votre meilleur ami tombe en panne de voiture à plusieurs kilomètres de chez lui, en pleine nuit, et vous appelle à l’aide ?

Réponse 1. Vous le laissez déposer un message sur votre répondeur, que vous consulterez tranquillement le lendemain matin ? Réponse 2. Vous décrochez et l’envoyez promener ? Réponse 3. Vous sortez de votre lit d’un bond, d’un seul, et partez à son secours ?

Entre ces trois solutions, Raphaël hésite et, finalement, privilégie l’amitié au repos bien mérité. Un effort surhumain d’autant que son pote de toujours, Léo, est à plus d’une heure de route. Mais arrivé sur place, Raphaël se rend compte que le fameux copain n’est pas du tout en panne… Non, Léo a tout simplement voulu tester la solidité de leur amitié. « A 3 heures du mat’, ça m’amusait de voir qui viendrait, qui viendrait pas… », dit-il ! Et Raphaël n’est pas le seul à avoir fait les frais de cette plaisanterie…

© Glénat / Jim et Mermoux

© Glénat / Jim et Mermoux

Cette histoire singulière a été inspirée au scénariste Jim par une expérience personnelle quand, il y a quelques années à la sortie d’un restaurant, sa voiture est lâchement tombée en panne. Coup de fil à un bon copain qui se défile. Deuxième coup de fil à une vieille copine qui sort de son lit et vient le dépanner.

« L’idée m’est restée en tête plusieurs années… », confie Jim,«m’effleurant régulièrement : et si j’appelais des copains à deux heures du matin pour voir réellement qui viendrait, qui ne viendrait pas ? Difficile de ne pas être tenté par l’idée; j’imagine les têtes enfarinées, sortir le champagne, se vanner au clair de lune… Ça m’amuse d’avance. Et puis, la peur de la déconvenue peut-être, la peur d’emmerder les gens que j’aime bien surtout, il m’a semblé que finalement je tenais peut-être là un plus joli départ de fiction que de vraie vie… ». 

© Glénat / Jim et Mermoux

© Glénat / Jim et Mermoux

Initialement publié en 2010, L’album est aujourd’hui rééditée à l’occasion de la sortie en salles du film de Michaël Cohen, L’Invitation, avec Nicolas Bedos dans le rôle principal.

Un roman graphique plein d’humour autour de l’amitié et de notre relation aux autres. Une très belle invitation… à la réflexion, traitée en partie comme une pièce de théâtre et superbement mise en images et en couleurs !

Eric Guillaud

L’Invitation, de Jim et Mermoux. Editions Glénat. 17,50 €

Prix Rodolphe Töpffer 2016 : Adam, Goerg, Zep, Campi, Guibert et Meurisse sélectionnés

PlancheS_52641Le jury 2016 des Prix Rodolphe Töpffer a sélectionné pour le Prix Töpffer Genève Peggy Adam (Plus ou moins…L’Hiver), Sacha Goerg (Nu), Zep (Un Bruit étrange et beau), pour le Prix Töpffer international, Thomas Campi (Macaroni !), Emmanuel Guibert (Martha & Alan), Catherine Meurisse (La Légèreté)

C’est la vingtième année que la ville de Genève récompense avec le Prix Töpffer international la meilleure bande dessinée en français parue dans l’année, et avec le Prix Töpffer Genève le meilleur album réalisé en 2016 par un(e) Genevois(e).

En 2015, les lauréats étaient Killoffer pour l’album « Killoffer tel qu’en lui-même enfin », Alex Baladi pour « Autoportrait (13.11.13 – 14.11.14) », Maurane Mazars pour « Acouphènes »

La proclamation des lauréats aura lieu le 9 décembre.

Plus d’infos ici

31 Oct

« Tsiganes » : une BD de Kkrist Mirror pour raconter l’histoire du camp d’internement de Montreuil-Bellay

Capture d’écran 2016-10-30 à 18.35.08« La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés ». Cette phrase ne date pas de l’après-guerre mais de 2016, du 29 octobre dernier pour être précis, une phrase extraite du discours de François Hollande sur le site même de l’ancien camp d’internement de Tsiganes de Montreuil-Bellay dans le Maine-et-loire. Il aura donc fallu 70 ans après la libération des derniers tsiganes internés pour que la France reconnaisse enfin leurs souffrances. 

Le camp de Montreuil-Bellay n’était pas le seul, il y en avait une trentaine en tout, mais il était le plus grand de France. Plus de 6500 hommes, femmes et enfants y ont été internés « pour le seul motif d’avoir été identifiés comme tsiganes par les autorités allemandes et françaises », précise l’archiviste-historienne Marie-Christine Hubert dans un dossier complet accompagnant l’album.

« On est pas des étrangers, ch’uis français comme toi, plus que toit p’têt ! », lâche un Tsigane au policier venu l’arrêter. Dans cet album en noir et blanc, au trait charbonneux et expressif, Kkrist Mirror raconte le quotidien de ces Tsiganes, la faim, le froid, les humiliations, la mort parfois. Il raconte aussi avec cette grande connaissance qu’il a de ces populations leur obstination à préserver leur identité et leur dignité. Et conserver l’espoir ! L’espoirs d’une libération qui n’interviendra finalement pas en 1945, comme on aurait pu s’y attendre, mais en 1946, quasiment un an après la fin de la guerre. Sous l’occupation comme à la Libération, les Tsiganes étaient encore considérés comme un danger pour la défense nationale et la sécurité publique !

Et ces scènes incroyables que Kkrist Mirror met en images dans sons livre, des collaborateurs et des soldats de l’armée allemande internés aux côtés des Tsiganes à la fin de la guerre.

Préfacé par Serge Klarsfeld, l’album de Kkrist Mirror est non seulement « exemplaire » comme l’écrit l’avocat et président des fils et des filles des déportés juifs de France, mais il est essentiel pour la mémoire collective, pour ce passé qu’on aurait aimé ne jamais voir et qu’on doit aujourd’hui assumer.

Eric Guillaud

Tsiganes, une mémoire française 1940 -1946, de Kkrist Mirror. Éditions Steinkis. 17€

© Steinkis / Kkrist

© Steinkis / Kkrist