Wizzywig n’existe pas, ce livre n’est pas le récit de sa naissance à son emprisonnement pour hacking aux Etats-Unis. Et pourtant chacun des détails de cette histoire fait écho à des éléments d’actualité sur le piratage informatique (les affaires Manning, Snowden…). Le dessinateur américain Ed Piskor a réussi à faire sonner vrai, très vrai ce Portrait d’un Hacker en série.
Enfant solitaire, Kevin Phenicle a un seul ami : Winston Smith. Toute l’histoire est racontée du point de vue de cet ami devenu animateur sur une radio indé : comment Kevin a pris le pseudo de Boingflop, comment il a truqué son premier ticket de bus, comment il a passé ses premiers appels téléphoniques longue distance gratuitement en sifflant ou en composant des séries de chiffres (en référence à celui qui est considéré comme le premier des hackers John Draper alias Cap’n Crunch, marque de céréales où il a trouvé un jouet sifflet utilisable sur le réseau Bell). De l’enfance d’un gamin avide d’expériences à l’adolescence d’un élève qui découvre les possibilités des premiers ordinateurs personnels, ce vrai faux documentaire retrace toutes les étapes de ce surdoué. Un récit en noir et blanc sobre et tout en retenue, quels que soient les tracas ou les violences que Kevin traverse.
Aujourd’hui souvent associés aux cybercriminels, Ed Piskor, l’auteur américain de cet album, nous rappelle à juste titre que seule l’expérimentation était le moteur des premiers hackers. Pas encore subversifs, ni tout à fait rebelles…juste des bidouilleurs en quête d’innovation, qui cherchent à dépasser les limites de la technologie, le sens originel du mot hacker.
Entre internet et liberté individuelle, ce récit pose la question de ces rapports de plus en plus conflictuels, en rassemblant dans un seul personnage des éléments biographiques de 6 hackers qui ont vraiment existé. Entre autres : Kevin Poulsen, connu pour être entré dans l’ARPAN, réservé à l’armée, aux grandes écoles et grandes entreprises, ancêtre de notre internet ; Robert Tappan Morris, auteur d’un des premier virus, le ver Morris ; ou encore Kevin Mitnick, recherché pendant 6 ans par le FBI et accusé d’avoir volé des logiciels et de s’être introduit dans des systèmes protégés.
Il est bon de se souvenir que grâce à l’esprit de recherche qui les anime, nous leur devons entre autres rien moins que les ordinateurs personnels, les RFC des standards qui permettent le fonctionnement d’internet, le wifi, les logiciels libres, le navigateur Firefox …
Au final, un album dense de 280 pages qui dépeint sur plusieurs décennies la société américaine dans sa course à la sécurité. Une chronique entre réalité et fantasme qui consacre un jeune auteur, à lire et à suivre assurément.