03 Avr

Fred a rejoint Philémon sur la lettre A

Fred de son vrai nom Frédéric Othon Aristidès - Dargaud

Les éditions Dargaud nous font part du décès de Fred, Othon Aristidès, hier soir à l’âge de 82 ans. Il était depuis plus de 60 ans l’un des plus grands artistes, un créateur et un poète hors du commun. Aujourd’hui, l’ensemble de la bande dessinée est en deuil. Les éditions Dargaud, ainsi que tous les auteurs, s’associent à l’immense tristesse de sa famille.

Celui qui vivait à Paris venait de publier le dernier album de sa série la plus connue Le Train où vont les choses, le tome 16 de Philémon.

En mars et avril 2011, la galerie Martel, à Paris, a présenté une grande exposition consacrée à ce monstre sacré de la bande dessinée, Fred. Le père de « Philémon » et du « Corbac au basket » nous plonge dans un univers enchanté, qui a bercé les jeunes années de millions de personnes. Parmi ses amis, le dessinateur Bilal et Thomas Dutronc qu’il a connu enfant quand il écrivait des chansons avec son père Jacques Dutronc, comme Le fond de l’air est frais.

Pour revoir le reportage de France Télévisions :

Voici sa biographie publiée par Dargaud. Une autre façon de la découvrir est de picorer au hasard dans son oeuvre : chaque planche a bien souvent un lien avec sa vie…

Othon Aristidès, dit Fred, naît le 5 mars 1931 à Paris. Tout môme, il remplit des cahiers entiers de bandes dessinées bourrées de « fôtes d’ortografe ». Il publie son premier dessin humoristique dans le courrier des lecteurs d’un journal pour enfants. Un peu plus tard, il fait ses premiers pas vers l’absurde, l’envers du décor et le dérapage contrôlé en dévorant Edgar Poe, Charles Dickens et Oscar Wilde.

Fred - editions Dargaud

Vers 18 ans, il fait timidement le tour des rédactions. À sa grande fierté, il finit par placer un dessin à Ici-Paris ; à sa grande déception, sa signature est coupée. À son retour de l’armée, il dessine pour France Dimanche, Paris Match, Le Hérisson et Quartier latin, un modeste journal vendu à la sauvette par Georges Bernier, connu plus tard sous le nom de Professeur Choron. C’est avec le même Georges Bernier et François Cavanna (rencontré à Ici-Paris) que Fred crée Hara-Kiri en septembre 1960. Promu directeur artistique, il exécute les soixante premières couvertures, touche un peu à tout, s’aperçoit qu’il aime bien écrire, et revient à la bande dessinée avec Les Petits Métiers, Le Manu-Manu, Tarsinge, l’homme Zan et Le Petit Cirque.

En 1966, après six mois de labeur, il propose quinze planches d’une nouvelle histoire au journal Spirou, qui les refuse : le dessin n’est pas bon, l’histoire non plus… À la lecture des mêmes planches, René Goscinny, alors rédacteur en chef de Pilote, s’enthousiasme et publie La Clairière des trois hiboux, premier épisode des aventures de Philémon. Mais cette fois-ci, ce sont les lecteurs qui n’apprécient pas le dessin. Fred décide donc de s’en tenir à l’écriture ; il propose toute une série de scénarios qui seront mis en images par d’autres – ce qui ne l’amuse pas du tout… sauf quand il imagine Time is Money pour Alexis. Et puis il commence à ruminer dans ses moustaches l’idée d’envoyer Philémon sur les lettres de l’océan Atlantique – idée qui lui est venue dans son bain : où va-t-on quand on se laisse aspirer par le tourbillon de la baignoire qui se vide ? (Fred trouve toujours ses idées dans son bain. Quand l’idée ne vient pas, il prend cinq bains par jour ; il est donc très propre…) Il écrit le scénario, le fait lire à Goscinny et déclare assez fermement qu’il veut le dessiner lui-même. Goscinny accepte, et la grande aventure de Philémon, dont le quinzième album paraîtra en 1987, commence.

Dans les années 1970, tout le monde s’arrache Pilote, même Jacques Dutronc qui demande à Fred de lui écrire des chansons. Fred tente le coup avec une fraîcheur absolue, à l’instinct : Le fond de l’air est frais entre très vite au hit-parade. Devenus copains, ils composent ensemble deux livres-disques pour enfants : La Voiture du clair de lune et Le Sceptre. En 1993, après quelques expériences autoéditées, dont le magnifique Magic Palace hôtel, Fred imagine pour l’imagerie Pellerin d’Épinal La Magique Lanterne magique, puis pour Futuropolis un superbe portfolio intitulé Manège. C’est alors que Le Matin de Paris lui offre une pleine page hebdomadaire qu’il occupe avec Le Journal de Jules Renard lu par Fred, une histoire qui sera publiée en 1988 chez Flammarion.

En 1991, Fred signe trente-cinq scénarios de courts-métrages, réalisés, entre autres, par Daniel Vigne (Le Retour de Martin Guerre), Jacques Ruffio et Gérard Zingg. Tournés en trente-cinq millimètres dans des conditions extrêmement luxueuses – pour deux minutes de pellicule, ils partent par exemple à trente personnes dans le désert avec des Land Rover –, courts films sont des merveilles de poésie et d’humour. Pris au jeu, Fred signe ensuite pour Gérard Zingg le scénario d’un long-métrage, L’Autobus de la haine. Le projet est malheureusement abandonné.

Le petit Cirque de Fred - Dargaud

Après Philémon – réédité en trois gros volumes dans une édition millésimée en mars 2011 – , Fred explore d’autres univers et signe plusieurs albums considérés (à juste titre) comme des chefs-d’œuvre : L’Histoire du corbac aux baskets, L’Histoire de la dernière image et L’Histoire du conteur électrique. À la fin de l’année 2010, Dargaud regroupe d’ailleurs ces trois albums dans un coffret, auquel est ajoutée l’Histoire du Magic Palace hôtel, pour la première fois mise en couleurs !Deux recueils de dessins d’humour – Le Noir, la couleur et lavis et Fredissimo – voient également le jour. Mais Fred se fait rare ; il se prête pourtant au jeu de la confidence dans une rubrique régulière, « Un magnéto dans l’assiette de Fred », publiée dans La Lettre (l’officiel de la BD). Cet auteur majeur de la bande dessinée a tant de choses à raconter que Dargaud lui consacre une biographie ; l’ouvrage, intitulé L’Histoire d’un conteur éclectique, sort au mois de mars 2011.

Rédigée par Marie-Ange Guillaume, cette monographie de deux cents pages rassemble de nombreux documents inédits, dont les toutes premières pages du prochain Philémon, un épisode auquel Fred travaille depuis plusieurs années. En attendant la sortie de ce nouvel album, Dargaud réédite toute la série sous la forme de trois intégrales, mais présente aussi une nouvelle édition du superbe Petit Cirque. Cette version, remasterisée à partir des originaux et agrémentée de quatre pages supplémentaires, paraît en janvier 2012, à l’occasion de la grande exposition rétrospective que le festival d’Angoulême consacre à Fred. En février 2013, Fred publie son dernier Philémon, Le train où vont les choses, le tome 16 de la série qu’il avait commencée vingt-cinq ans plus tôt.

Mais l’aventure n’est pas finie : le producteur Roger Frappier travaille en ce moment à l’adaptation cinématographique de la série, ce que l’auteur avait, jusqu’à présent, toujours refusé. En mai 2013 paraîtra Un magnéto dans l’assiette de Fred, un recueil de l’ensemble des entretiens présentés dans La Lettre.

Le petit Cirque de Fred - Dargaud

Fred fait partie des géants de la bande dessinée et a influencé toute une génération d’auteurs. Dans chacune de ses œuvres – de Philémon au Petit Cirque – l’auteur accomplit un numéro de funambule dans lequel son génie éblouit. Son langage résolument novateur, son inventivité, son imagination foisonnante ont ouvert une nouvelle voie à la bande dessinée.

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26 Mar

Philémon – Le Train où vont les choses …t16 de Fred – Dargaud

Philémon - Le Train où vont les choses - Fred/Dargaud"

« Si le train où vont les choses est immobilisé, les choses ne vont plus où elles devraient aller ! »

La métaphore est belle, autant que l’imaginaire de son dessinateur. Voilà 26 ans que le parisien Fred avait mis sur pause les aventures de Philémon. Un quart de siècle sans nouvelle du héros au pull rayé et enfin son ultime histoire arrive en gare.

Depuis 1965, Philémon, le héros lunaire, a passé sa vie dans le monde des lettres, celles de l’ O C E A N  A T L A N T I Q U E, qui sont autant d’îles autonomes dans un monde avec deux soleils. L’auteur raconte que l’idée lui vint en s’évadant dans la contemplation des cartes de géographie qui ornaient les salles de classe de son enfance. Avec une tendresse rêveuse et une poésie psychédélique, Philémon, au fil des albums, a surmonté une à une les épreuves depuis sa chute au fond d’un puits, première étape de son aventure.

Un puits sans fond que le dessinateur connait trop bien. Quinze albums, un par lettre de l’ O C E A N  A T L A N T I Q U E. Le cycle semblait achevé après Le Diable de Peintre, paru en 1987. Pourtant Fred avait dessiné depuis vingt premières pages d’un seizième tome, jamais terminé car il a cumulé les épreuves comme le suggère avec subtilité sa biographe Marie-Ange Guillaume, qui signe une préface pour cet ultime album : « quelques problémes de santé l’ont fait dévier (coté âme) ce qui nous a donné l’extraordinaire Histoire du Corbac aux Baskets (à relire pour en savoir plus) … et puis d’autres problèmes de santé sont venus se greffer (coté corps) et Philémon à continué d’attendre ». Il revient avec une loco à pattes, la Lokoapattes qui carbure à la vapeur d’imagination et tire le train où vont les choses. La machine s’est embourbée à l’image de son dessinateur, faute de nouvelles idées. Il lui est aussi impossible de retourner dans le tunnel imaginaire, l’entrée est perdue, et gare, l’araignée du matin y a tissé sa toile.

Philémon - Le Train où vont les choses - Fred/Dargaud

Fred - Dargaud

C’est là que, pour retomber sur ses pattes et retourner sur l’île du A de l’océan Atlantique, le dessinateur tire sa révérence sur une boucle en forme de ruban de Möbius, un salto arrière du dessin qui laisse songeur et dubitatif … le fond de l’air est frais, effraie … Bien vite heureusement un désir irrépressible nous saisi de relire l’histoire à son commencement. Cela titillera celles ou ceux qui avaient choisi ce seul ou premier ami (Philemon en grec) . Signe supplémentaire s’il était nécessaire de la pérennité de l’oeuvre de ce drôle de moustachu, la qualité de son dessin demeure du premier à cet ultime album …

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La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Le fond de l’air est frais – Jacques Dutronc en collaboration avec Fred

Pour découvrir les premières planches de l’album :

Dargaud

Le point de vue de la presse spécialisée :

Les Inrocks Planete BD Actua BD BDgest 20minutes