10 Oct

Post mortem, la nouvelle enquête de Jérôme K. Jérôme Bloche par Dodier

Et revoici Jérôme K. Jérôme Bloche avec une nouvelle enquête sur les bras. Et un revenant sur les bras ! Dans le rôle du revenant, le père de Babette, que tout le monde croyait mort depuis des lustres. Il ne l’est pas manifestement et débarque dans leur vie sans prévenir, à la recherche d’un toit et d’un repas chaud. L’effet de (mauvaise) surprise passé, Babette réagit et met ce père non désiré dehors. Jérôme, lui, à d’autres soucis en tête. Certaines paroissiennes de l’église Notre-Dame de Clignancourt ont reçu une lettre anonyme leur intimant l’ordre de remettre un chèque de plusieurs centaines d’euros au curé de la paroisse pour la restauration de l’orgue. Sous peine de voir divulguer quelques-uns de leurs péchés capitaux…

30 ans pile poil de vie commune. 30 ans à partager leurs aventures, d’abord dans le journal Spirou puis en album. C’est beaucoup. C’est énorme. Et malgré toutes ces années, pas l’once d’un nuage, d’une fâcherie, d’une trahison. Alain Dodier aime Jérôme K. Jérôme Bloche comme au premier jour. Et l’inverse est sûrement vrai ! Un scénario simple mais parfaitement ficelé, un graphisme agréable et des personnages attachants, ce nouvel opus est une franche réussite, confirmant Jérôme K. Jérôme Bloche comme l’une des meilleures séries de l’univers… et au-delà ! EGuillaud

Découvrez l’interview de l’auteur ici.

.Post mortem, Jérôme K. Jérôme Bloche (tome 23), de Dodier. Editions Dupuis. 12 euros.

07 Oct

Après « Amato », Denis Lapière et Aude Samama signent « A l’ombre de la gloire » ou le destin croisé de deux gloires des années 30

Victor Perez et Mireille Balin ! Ces deux personnages ne vous disent peut-être rien. L’un et l’autre ont connu leur heure de gloire dans les années 30. Victor Perez dans la boxe en devenant champion de France puis champion du monde de poids mouche en 1931. Mireille Balin en jouant les femmes fatales au cinéma, notamment dans Pépé le Moko ou Gueule d’amour. Peu de points communs entre le pauvre juif tunisien d’un côté et la belle parisienne blanche et catholique de l’autre. Pourtant, leurs chemins vont se croiser un soir de fête. Ils s’aimeront un temps, sincèrement, puis reprendront chacun le cour de leur vie avant d’être finalement rattrapés par la guerre et de connaître une fin tragique…

A l’Ombre de la gloire est une histoire authentique, le portrait croisé de deux êtres radicalement différents, pour ne pas dire opposés, simplement réunis par cette recherche obsessionnelle de la gloire, l’un à la force de ses poings, l’autre par la douceur de ses formes. Le scénariste Denis Lapière à qui on doit quelques albums majeurs comme Le Bar du vieux français, L’Impertinence d’un été ou encore Page noire , s’est appuyé sur les biographies réelles de Victor Pérez et de Mireille Balin pour construire le squelette de cette histoire, imaginant, inventant les incontournables parts d’ombres. La mise en images est signée Aude Samama. Cette jeune femme a déjà travaillé avec Denis Lapière sur l’album Amato en 2009 (Futuropolis) et avait déjà fait forte impression par sa technique, peignant directement sur la planche, sans crayonné, et par les ambiances qu’elle parvient à créer, notamment ici sur les combats de boxe. Un récit d’une très grande sensibilité ! EGuillaud

A l’Ombre de la gloire, de Denis Lapière et Aude Samama. Editions Futuropolis. 20 euros

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Pour aller plus loin, je vous conseille la lecture de l’interview réalisée par l’express.fr et la consultation du site de Aude Samama

06 Oct

En exclusivité, l’interview de l’Argentin Jorge González pour son album « Chère Patagonie »

Argentin d’origine, espagnol d’adoption, Jorge González s’est fait connaître en France avec « Bandonéon » paru chez Dupuis il y a deux ans. Il revient avec « Chère Patagonie », un ouvrage de 280 pages d’une densité dramatique et d’une richesse graphique tout à fait exceptionnelles. Rencontre…

Jorge González (D.R.)


« Bandonéon » il y a deux ans, « Chère Patagonie » aujourd’hui, vos deux derniers livres publiés en France parlent de votre pays d’origine, l’Argentine, et de son histoire. Votre travail ne serait-il pas guidé par une certaine forme de nostalgie, de mélancolie ?

Jorge González. Il m’est impossible de ne pas ressentir, de ne pas réfléchir au lieu que j’ai quitté, à la vie que je ne vivrai jamais, du moins au quotidien. Résider dans un autre pays m’a, bien sûr, placé dans le rôle du spectateur vis-à-vis de mes racines et des racines des miens, et soudain je me suis vu fouiller là-dedans, à questionner mes vides. C’est un fantôme qui m’accompagne quotidiennement, la vie semble être un « non-lieu » et quand, en plus, tes repères se sont évaporés, tout devient plus complexe. De toute manière, avant d’arriver en Europe, je dirais même depuis mon enfance, j’ai une certaine facilité à fréquenter la mélancolie. Il y a une tristesse permanente qui circule autour des habitants de Buenos Aires et qui reste à jamais en eux.

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Peut-on savoir pourquoi vous vous êtes installé en Espagne ? En quelques mots, pouvez-vous revenir sur votre parcours ?


J.G. Je suis arrivé en Espagne il y a environ 18 ans. J’aimais l’idée de voyager (sans grande intention précise) et, en même temps, j’imaginais, à travers les revues que nous lisions à Buenos Aires, ce qui, une fois à Barcelone et à Madrid (la même langue aidant), serait le mieux pour présenter mes rares pages et essayer de vivre de ce que je croyais être la seule chose que j’avais entre les mains. J’ai mis du temps à trouver l’opportunité, au-delà d’un livre jeunesse que j’ai pu illustrer. Ce fut avec « Hard Story », sur un scénario de Horacio Altuna, que je me suis consacré totalement à la BD. Dès lors, j’ai complété mes projets avec des travaux publicitaires, ceux qui me faisaient vivre. Plus tard, je suis allé à Angoulême et j’ai pu projeter deux albums avec Glénat (« Le Vagabond » et « Hate Jazz »). Des années plus tard, j’ai gagné en Espagne le prix FNAC-Sins Entido avec « Fueye » (en France « Bandonéon »), et c’est à ce moment qu’a commencé ma relation avec Dupuis.

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Vous sentez-vous aujourd’hui plus Espagnol qu’Argentin ? Quel regard portez-vous sur votre pays d’accueil qui vit aujourd’hui une grave crise économique ?

J.G. Où que je vive, je ne cesse de me sentir Argentin, à ceci près, c’est vrai, que l’expérience de vivre dans un lieu qui n’est pas le tien te pousse à t’adapter et à développer d’autres aptitudes. C’est très étrange d’être dans un lieu que tu apprécies pour de nombreuses raisons, mais auquel tu n’appartiens pas. La langue aide à maintenir cette illusion. Au début, tu as l’impression que c’est un pays avec lequel tu as des points communs mais, après quelques mois, tu te découvres dans un monde très différent et dans un contexte européen dont tu sais peu de choses.

Je pense à toutes les crises que j’ai vécues dans mon pays et à toutes celles qu’a vécues l’Amérique latine : l’attitude face aux problèmes et la manière de les résoudre est toujours différente. Quoi qu’il en soit, chaque pays, chaque continent avance selon sa propre inertie. Et je ne crois pas qu’on regarde beaucoup autour pour apprendre, reprendre ou inventer d’autres chemins. L’Espagne doit trouver ses propres outils pour récupérer tout ce qu’elle est en train de perdre, peut-être devra-t-elle se briser, se rompre pour comprendre comment elle est arrivée là où elle en est arrivée.

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On vous présente comme un auteur contemporain incontournable, un virtuose du dessin. Il y a quelques années, on vous comparait à des gens comme Mattoti. Depuis, votre dessin a évolué. Comment qualifiez-vous aujourd’hui votre propre style ? Et de qui vous sentez-vous proche ?

J.G. Mon apprentissage visuel dans la préadolescence a commencé avec José Muñoz, Horacio Altuna, Juan Giménez, Moebius, Mattotti, Jordi Bernet, etc… Ce fut ma première impression, et c’est celle qui persiste en moi aujourd’hui. À la longue, j’ai découvert les précurseurs de cet art comme Herriman, McKay et Frank Robbins, et tout naturellement, je me suis imprégné petit à petit de la nouvelle génération (Ware, De Crecy, Blutch…) et d’autres domaines artistiques. Mon style est lié depuis un moment à ma manière d’être et de faire de « l’autothérapie », en privilégiant les esquisses, le trait le plus spontané et immédiat, et en redonnant du sens à « l’erreur ». Tout ce que nous faisons est autobiographique. Il peut se déguiser de mille manières, mais nous nous y retrouvons toujours tels que nous sommes, avec notre multitude de « moi » : ce qui se voit et ce qui ne se voit pas (les bruits, les odeurs et les atmosphères personnelles qui ne peuvent se décrire ni correspondre à un sens).

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Plus largement, quelles sont vos influences graphiques mais aussi picturales, cinématographiques… ?

J.G. En peinture : Goya, Van Gogh, Hopper, Ensor, Rothko, Turner… Au cinéma : Tarkovsky, Welles, Cassavetes, Fritz Lang, Buñuel, Scorsese, Herzog, Lynch… La photographie est arrivée tardivement entre mes mains : Berenice Abbott, William Klein,

Weegee… Dernièrement, je m’intéresse plus au théâtre, à comprendre les structures narratives et à lire des auteurs qui écrivent des dialogues incroyables comme Manuel Puig, Philip Roth, etc.

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De même, au niveau de l’écriture, quelles sont vos livres de chevet ?

J.G. J’ai beaucoup de mal à me limiter à quelques-uns. J’aime lire des essais et de la philosophie. Des auteurs comme Nietzche, Ciorán, Lao-Tsé, Foucault, Krishnamurti. Les « Nine Stories », de Salinger et « El perseguidor », de Cortázar. « La Conjuration des imbéciles », de Toole. « Poemas y Antipoemas », de Nicanor Parra, le « Martin Fierro », tout Borges, la poésie de Oliverio Girondo, tout Roberto Arlt… et, ces dernièrs temps, tout ce qu’a écrit Roberto Bolaño, en particulier « 2666 ».

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Lire la chronique de l’album

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La musique tient une importance considérable semble-t-il dans votre vie et dans votre production. Le tango dans « Bandonéon », le jazz dans « Hate jazz »… Quelle musique vous a accompagné tout au long de la création de « Chère Patagonie » ?

J.G. Ce sont mes amis de Sensorial qui ont créé la musique de l’album. Il me semble que leur composition organique cadre parfaitement avec chaque page. Elle est intégrée à l’application pour l’iPad. [voir le site de l’auteur, ndlr].

De toute manière, quand je dessine, j’écoute toute sorte de musique, la radio argentine et aussi le silence de temps en temps.

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Vous mettez en scène dans l’album des indiens, des colons, des missionnaires, des pionniers, des anarchistes, des commerçants… Vous évoquez le massacre du peuple indigène, le mouvement syndicalo-anarchiste, le massacre de Trelew, la répression de la junte militaire, le conflit mapuche et même les prémices du football… Quelle est votre intention initiale ? L’important pour vous est de raconter une fiction ancrée dans le réel ou de parler du réel à travers une fiction ?

J.G. « Chère Patagonie », selon moi, est un album qui traverse un état d’âme, le mien, une manière de ressentir une atmosphère précise. Au fur et à mesure que l’album avance, la narration s’intensifie. J’essaie de l’amener vers des situations surréalistes (grâce à Hernán González) et de voir comment tout se pourrit et se complexifie. Elle se fait plus extrême, traverse le Buenos Aires de 2001, où n’importe quelle histoire devient possible. Le délire fut tel qu’il a culminé dans quelque chose d’aussi surréaliste que le « Corralito » (1) bancaire. La réalité et la fiction s’entrelacent à tel point qu’elles se confondent, et on ne sait pas de façon certaine quelle est l’une ou l’autre.

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L’atmosphère générale de « Chère Patagonie » est singulièrement âpre, sombre, inquiétante, parfois hermétique. Pourquoi ce parti pris ? Pouvez-vous nous dire un mot de la technique employée pour le graphisme et les couleurs ?

J.G. Tout découle de mes envies de décrire cette atmosphère intérieure qui m’accompagne. « Chère Patagonie » fut une intuition et un grand prétexte pour me raconter. J’utilise des crayons à papiers, des cires, des pastels gras, et je me sers, à la fin, de Photoshop pour fusionner le noir et blanc et la couleur.

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Comme « Bandonéon », « Chère Patagonie » comporte deux parties distinctes. Et comme dans Bandonéon, la deuxième partie met en scène un retour au pays, ici celui de Alejandro Aguado, écrivain. Pouvez-vous nous parler de cet homme qui est aussi le scénariste de cette partie de l’album ? N’y a-t-il pas un peu de vous-même dans ce personnage ?

J.G. Je connaisssais Alejandro Aguado par Internet. Nous avons des goûts communs et, au fil du temps, nous avons échangé. Quand l’idée de « Patagonie » était déjà bien lancée, son histoire personnelle m’est venue en tête et ça m’a semblé naturel de lui offrir un espace. Son histoire me semble fascinante, je me reconnais en elle et m’y projette sans effort. J’ai organisé son scénario pour qu’il fonctionne avec le reste de l’album … J’aime ce choc, entre des moyens et des intentions narratives différentes. J’ai besoin de raconter des choses qui ont à voir avec une réalité tangible et documentée, qui se raconte avec un code identique à celui du « carnet de voyage ». Je trouve intéressant le contraste qui se produit entre les parties du livre.

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Graphiquement, cette deuxième partie est très différente. Les planches sont destructurées. Vous utilisez différentes techniques… Que souhaitez-vous provoquer chez le lecteur ?

J.G. Les dessins et l’écriture sont faits d’une manière qui n’a rien d’organisé. C’est une autre de mes façons de travailler, plus immédiate, qui n’a pas besoin d’être structurée en vignettes, quelque chose de plus « peint » et rapide. Je pense que les personnages ne peuvent pas communiquer entre eux et connaître déjà une partie de l’histoire, en se regardant avec objectivité et distance ; cela c’est le temps qui l’apporte. Les personnages de la première partie parlent au présent. Le dernier chapitre est un regard plus « objectif » sur un événement historique à travers une expérience réelle qui est arrivé à Alejandro Aguado et dans laquelle apparaît, par exemple, sa grand-mère Elizabeth, qui est présente dans toutes les parties de la fiction. Je pense que cela a à voir avec une esthétique plus de « carnet de voyage », quelque chose de plus personnel et immédiat, comme si quelqu’un te racontait une histoire tout en prenant un café et qu’il déborde.

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Quel a été l’album ou la rencontre décisive qui vous a amené à la bande dessinée ?

J.G. Sans aucun doute, « L’Éternaute » de Solano Lopez et Oesterheld. Il s’agit d’un livre que j’ai lu quand j’étais tout petit, peut-être prématurément, mais ce fût comme une « balle dans le foie » [un choc, ndlr], c’est mon point de départ. Au cinéma, il m’est arrivé la même chose avec « Apocalypse Now ».

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Quel regard portez-vous sur la BD contemporaine ?

J.G. Il y a beaucoup d’auteurs qui s’orientent vers la voie de l’expérimentation, l’exploration et le risque et c’est elle qui m’intéresse le plus, surtout dans l’attitude, au-delà des styles. Impossible de ne pas être surpris avec chaque livre de Chris Ware, de Blutch et de de Crécy. Et, heureusement, l’envie de raconter des histoires ne se perdra jamais.

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Quels sont vos projets ?

J.G. En ce qui concerne la BD, je dessine un scénario de Gani Jakupi intitulé « Retour au Kosovo », que Dupuis va également éditer. En attendant, je prépare avec mon ami Hernán González un autre livre de son propre cru : « Llamarada ». C’est sur le football argentin, depuis ses origines jusqu’à nos jours. Il s’inscrit un peu dans la logique de mes albums précédents sur le plan de la narration « chorale ». Je suis également en train d’illustrer des sonnets de Pedro Mairal, un auteur argentin, intitulés « El Gran Surubí ».

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Merci à Jorge González. © toutes illustrations Jorge González / Dupuis.

Interview réalisée par mail en septembre 2012 par Eric Guillaud

Traduction de Danielle Beaudry et remerciements à Adriana Flores

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(1) Corralito, mot qui désigne les mesures économiques restrictives prises par le gouvernement argentin pendant la crise de 2001


03 Oct

Christian Lax clôt sa trilogie consacrée au vélo avec « L’Ecureuil du Vel’d’Hiv »…

Paris, le 14 mai 1940. La capitale n’est pas encore occupée par les forces nazies mais ce n’est plus qu’une question de jours. Redoutant une cinquième colonne du Reich, les policiers français reçoivent l’ordre de rassembler au Vel’d’Hiv toutes les femmes allemandes réfugiées sur le territoire. Déjà le Vel’d’Hiv ! Deux ans plus tard, l’endroit est à nouveau le théâtre d’un épisode peu glorieux de l’histoire de France. Des milliers de Juifs, hommes, femmes et enfants, sont arrêtés, encore une fois par la police française, parqués dans des conditions terribles, avant d’être finalement déportés. C’est la fameuse Rafle du Vel’d’Hiv. Une véritable profanation pour les amoureux du lieu comme Sam Lancelin, l’un des meilleurs pistards de l’époque, surnommé L’Ecureuil par le public populaire du Vélodrome. Sam Lancelin n’accepte pas ce à quoi il assiste. Son frère non plus ne peut accepter. Eddie Lancelin, infirme, laissé de côté par un père drogué au jeu, veut lui aussi réussir. Comme son frère. Il se tourne vers le journalisme et travaille bientôt pour la presse de l’ombre, fustigeant les Nazis sous le pseudonyme de « L’Ecureuil »…

C’est le destin de ces deux jeunes frères plongés dans la période sombre de l’Occupation que nous raconte ici le scénariste et dessinateur Lax. C’est aussi, après L’Aigle sans orteils (2005) et Pain d’alouette (2009), une nouvelle histoire consacrée au vélo et plus précisément aux pistards de ce Vel’d’Hiv ô combien mythique pour tous les amoureux de la petite reine avant que son nom soit finalement associé à la tragédie du génocide juif. Un récit émouvant et passionnant, un graphisme à la Lax, racé, incisif, en tout point adapté à ce genre de récits historiques ! EGuillaud

L’Ecureuil du Vel’d’Hiv, de Christian Lax. Editions Futuropolis. 15 euros

L’info en +

Dans la première éditions de cet album, un cahier graphique avec commentaires et illustrations inédites de l’auteur nous invite à découvrir les coulisses du Vel’d’Hiv, les courses, le matériel des pistards…

01 Oct

Les Petites gens, un album de Vincent Zabus et Thomas Campi

C’est un quartier ordinaire. Avec des gens ordinaires. Des gens qui vivent et parfois survivent comme ils peuvent. Des petites gens en somme, avec leurs peurs, leurs blessures, et parfois même leurs rêves un peu fous. Tenez, Monsieur Armand par exemple, le libraire du coin. Depuis des années, il aime sa voisine mais n’ose lui déclarer sa flamme. Alors, il a préparé une lettre qu’il se décidera peut-être un jour à lui faire parvenir. Et que dire de ce petit Louis qui s’assoit tous les jours devant la porte du cimetière, où repose sa mère, sans jamais oser y rentrer ? Et de cette pauvre Lucie ? Des années et des années de ménage au noir et du jour au lendemain plus rien, plus de travail, plus un centime en poche et une logeuse qui réclame ses loyers. Non, ces gens là n’ont à priori rien d’extraordinaire. Pourtant, leur quotidien est surprenant pour qui sait observer…

Une chose est certaine, le scénariste Vincent Zabus, lui, à le sens de l’observation très développé. Il aime les gens, ça se sent, et il aime les regarder, les approcher, les comprendre, dépasser les apparences pour révéler la vérité,  leur vérité. Auteur chez Dupuis du « Monde selon François » et de « Agathe Saugrenu », Vincent Zabus est un explorateur de l’humanité, du quotidien, des sentiments. Avec cette histoire magnifiquement mise en images et en couleurs par l’Italien Thomas Campi, il pose un regard tout en finesse et en tendresse sur la vie. Un très très bel album ! EGuillaud

Les Petites gens, de Vincent Zabus et Thomas Campi. Editions Le Lombard. 14,99 euros (en librairie le 5 octobre)

Le site de Thomas Campi

26 Sep

Choker, un Blade Runner à la sauce Ben McCool et Ben Templesmith

Les affaires de Johnny « Choker » Jackson ont beau être florissantes, son ex-boulot de flic lui manque sacrément. Aussi, lorsque le patron de la police locale, Milton Ellis, lui propose de récupérer son insigne, son arme et dans le même temps sa licence d’emploi de la brutalité, il lui était forcément difficile de refuser. Adieu l’agence Jackson Investigations, retour au bercail et tant pis si l’uniforme est désormais un peu trop juste pour lui. On s’encroute vite dans le civil ! Tant pis aussi si son nouvel équipier, une équipière, a plus d’une tueuse que d’une représentante de la loi. Mais voilà, il y a un petit service en contre-partie. Johnny Jackson est chargé de traquer Hunt Cassidy, un baron de la drogue qui vient juste de s’échapper de la prison. Et ce n’est vraiment pas un cadeau…

Après le loup-garoutesque Bienvenue à Hoxford, Ben Templesmith nous revient avec un polar, glauque, déjanté, violent à souhait et légèrement futuriste signé de l’Anglais Ben McCool. Le scénario est en béton armé et, visuellement, Ben Templesmith nous régale une nouvelle fois avec des planches d’une esthétique impeccable et bluffante, un graphisme alliant dessin et peinture le tout retravaillé numériquement et rehaussé de couleurs vives. Une touche de beauté dans un monde de brutes ! EGuillaud

Choker, de Ben Templesmith et Ben McCool. Editions Delcourt. 14,95 euros

24 Sep

Un polar dans le Pigalle des années 50 signé Loustal et Götting

D’un geste mécanique, forcément dérisoire, l’homme passe un morceau de chiffon sur ses lunettes avant de les poser sur son nez et de rédiger une lettre d’adieu. Quelques secondes plus tard, l’homme se suicide. On apprendra plus tard que cet imprimeur d’Auxerre venait d’être ruiné par un certain Robert Mondcamp, un escroc de Pigalle. En arrivant sur Paris, Antoine, se promet de venger son père. Il s’arrange pour approcher Mondcamp et se faire embaucher par lui le temps de quelques petites embrouilles. Plongé dans le monde de la nuit et de la petite arnaque, Antoine se demande s’il aura finalement le courage de tenir sa promesse…

On ne présente plus Jacques de Loustal, pas plus que Jean-Claude Götting. Tous deux mènent depuis les années 80 une carrière parallèle particulièrement féconde. Ils se trouvent réunis ici autour d’un polar, Loustal aux pinceaux, Götting à la plume, un polar qui transpire le Paris des années 50, le Pigalle de la nuit, des petits escrocs et des prostituées. Les atmosphères, le graphisme très pictural, les personnages de premier et de second plan, les lumières, les textes off… tout concourt à faire de cet album un petit chef d’oeuvre du genre. Coup de cœur ! EGuillaud

Pigalle 62.27, de Götting et Loustal. Editions Casterman. 15 euros

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L’info en +

A noter dans vos agendas, deux expositions autour de cet album se tiendront à Paris, à la galerie Barbier & Mathon du 11 au 31 octobre, et à Bruxelles, à la galerie Champaka, du 3 au 21 octobre.

22 Sep

Un peu de bois et d’acier, le nouvel album de Christophe Chabouté

Des jeunes, des vieux, des amoureux, des clochards, des comédiens, des musiciens, des intellectuels, des ouvriers, des sportifs, des actifs, des retraités, des gourmands, des chiens aussi, et beaucoup de passants indifférents qui s’arrêteront peut-être un jour. S’ils avaient des yeux, voilà ce que les bancs publics pourraient voir. Et s’ils avaient des oreilles, ils entendraient toutes les histoires du monde. Christophe Chabouté en a ici imaginé quelques-unes, des joyeuses, des tristes, des fugaces, des tenaces, des histoires qui appartiennent au quotidien. « J’avais envie de rendre important le futile… », confie l’auteur, « mettre en avant ces petits détails anodins, tellement communs et insignifiants que l’on ne les voit plus… essayer de rendre assourdissant le bruit d’une feuille morte qui tombe, guetter le léger et le frivole, et tenter de rendre l’ordinaire extraordinaire… ».

Et de fait, sur plus de 300 pages, Christophe Chabouté nous offre comme un long plan séquence dans lequel se jouent une multitude de portions de vies, des scénettes toutes teintées de poésie, de tendresse, d’humanité et de joie de vivre. « Contrairement à de précédents livres où mes histoires laissent généralement  un goût amer et où l’humour est grinçant, j’avais envie pour celui-ci de décrocher de petits sourires au lecteur, à la manière d’un Tati, faire preuve d’une certaine légèreté, d’humour tendre, arriver à ce que le drôle ne soit pas caustique mais touchant… ». Après les magnifiques Henri-Désiré Landru, Terre Neuvas et Construire un feu, tous parus aux éditions Vents d’Ouest, Christophe Chabouté poursuit l’édification d’une oeuvre singulière, très personnelle, qui donne la priorité à l’imaginaire. EGuillaud

Un peu de bois et d’acier, de Chabouté. Editions Vents d’Ouest. 30 euros

17 Sep

Mégabras ou le super-héros façon Guillaume Bouzard

Guillaume Bouzard, auteur de bandes dessinées de son état, est un garçon d’ordinaire plutôt gentil. On pourrait même dire un garçon serviable, attentionné. Mais depuis quelques temps, Guillaume ne se contrôle plus. Les petites contrariétés le mettent vite dans une colère noire et, surtout, transforment son bras droit en mégabras hyper-musclé. Imaginez une transformation genre « Hulk » mais sans la peinture verte et affectant qu’une partie du corps. Maintenant, pour Guillaume, la question est simple : que faire de ce super-pouvoir ? Changer de métier et devenir maçon ? Et pourquoi pas docker ? Non, il faut mettre ce bras au service de la veuve et de l’orphelin. Dorénavant, Guillaume sera un super-héros…
Ce n’est pas la première fois que Guillaume Bouzard se met en scène dans ses albums (voir The Autobiography of me too aux Requins marteaux), ce n’est pas non plus la première fois qu’il parle de super-héros (voir Plageman l’homme-plage, publié chez 6 pieds sous terre) et enfin ce n’est pas la première fois qu’il parle de bras (voir Le Bras qui bouge chez Fluide Glacial). Cet album serait-il pour autant un concentré des obsessions de l’auteur ? Une seule chose est sûre, Mégabras est un concentré d’humour… brutal ! EGuillaud

Megabras, de Bouzard. Editions Fluide Glacial. 14 euros

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