28 Avr

Sortilèges et manipulations, Tif et Tondu (tome 11), de Will et Desberg. Editions Dupuis. 24 euros.

Voici voilà donc le onzième volume de l’intégrale consacrée aux aventures de Tif et Tondu. Les quatre titres réunis cette fois, initialement publiés entre 1987 et 1991, sont dans l’ordre d’apparition le poétique Magdalena, le diptyque « politique » constitué des Phalanges de Jeanne d’Arc et de La Tentation du bien, et enfin Coups durs, lui-même compilation de trois récits courts. Dans le cahier graphique qui accompagne ce recueil, vous apprendrez que Will, lassé par ces héros qu’il anime depuis la fin des années 40 et surtout occupé par de nouveaux projets plus adultes dans la collection Aire libre (Jardin des désirsLa 27e lettre et L’Appel de l’enfer), est alors décidé à passer le relais. Denis Lapière au scénario et Alain Sikorski au dessin prendront la suite jusqu’en 1997 offrant aux jeunes lecteurs six récits supplémentaires que nous retrouverons dans les deux derniers volumes de l’intégrale à paraître prochainement. E.G.

American tragedy, L’Histoire de Sacco & Vanzetti, de Florent Calvez. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Sacco & Vanzetti ! Deux noms qui résonnent en nous, qui nous semblent familiers. Et pourtant, combien d’entre nous savent encore aujourd’hui qui étaient réellement Sacco et Vanzetti ? Poème, film, chanson, livre… l’histoire de ces deux hommes, deux anarchistes d’origine italienne exécutés sur la chaise électrique en 1927 du côté de Boston aux Etats-Unis, a fait le tour du monde plusieurs fois. Dès leur condamnation pour braquage et meurtre, sans preuves formelles, des comités de défense se sont créés un peu partout. Mais il faudra attendre 1977, 50 ans plus tard, pour que les deux hommes soient réhabilités.

C’est cette histoire passionnante que met en images American tragedy. Avec un graphisme proche de celui utilisé pour Reanimator, un de ses albums précédents, et une atmosphère générale très sombre, Florent Calvez s’attache à décrire l’affaire le plus froidement possible, peut-être un peu trop. Reste que cette histoire et par conséquent cet album nous permettent de replonger dans une période de l’histoire particulièrement agitée mais où l’on pouvait encore mourir pour des idées et pas forcément de mort lente comme le chantera plus tard Georges Brassens. Une histoire qui a quelque chose d’universelle ! E.G.

Plus d’infos sur le site wikipedia

Co-mix Art Spiegelman, une rétrospective de bandes dessinées, graphisme et débris divers. Editions Flammarion. 30 euros.

Absolument magnifique et totalement indispensable ! Les éditions Flammarion, déjà responsables du somptueux MetaMaus publié en janvier de cette année, proposent ce mois-ci une monographie d’Art Spiegelman à l’occasion de l’exposition qui lui est consacrée au Centre Pompidou jusqu’au 21 mai. Art Spiegelman, le célèbre auteur de Maus, prix Pulitzer 1992, couronné Grand prix de la ville d’Angoulême en 2011, président de l’édition 2012, est l’un des plus grands représentants du Neuvième art. Son album sur la Shoah a ouvert de nouvelles voies à la bande dessinée et fait entrer celle-ci dans l’âge adulte, reconnue depuis comme un art qui peut aussi trouver sa place dans les musées.

Cette monographie revient donc sur cet album mythique mais également sur les travaux antérieurs de l’auteur et ceux plus récents, couvrant de fait une large période de création, depuis les années 70 jusqu’à nos jours. On y trouve de nombreux inédits, des planches originales, des dessins, des croquis, des couvertures de magazines, et même des reproductions de ses derniers travaux dans des domaines aussi étonnants que la danse, l’opéra et les vitraux.

Ouvrage collectif, dirigé par l’artiste lui-même, Co-mix Art Spiegelman nous offre un panorama exceptionnel de son oeuvre, depuis ses premiers pas dans le milieu underground américain jusqu’à la consécration. E.G.

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L’info en +

L’exposition se tient au Centre Pompidou jusqu’au 21 mai avant d’être présentée à Vancouver, Cologne et New York.

Plus d’infos sur le site du Centre Pompidou

25 Avr

Le journal Spirou aux couleurs de la France

Spirou en bleu blanc rouge ! Paru ce mercredi 25 avril, le magazine de bande dessinée belge se donne pour ambition de sauver la France. En couverture, une Marianne fait la manche sous les affiches de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, nos deux derniers candidats à la présidentielle. Plus loin, une ambulance du Samu arrive avec notre célèbre groom au volant. Pas de panique, la solution pour s’en sortir serait dans les pages du magazine. Une solution simple et déjà testée dans le numéro spécial Sauvez la Belgique paru en juillet 2011 : la franche rigolade ! EG

20 ans ferme, de Sylvain Ricard et Nicoby. Editions Futuropolis. 17 euros.

20 ans ferme ! Voilà ce à quoi Milan vient d’être condamné pour sa participation à un braquage. Pas besoin d’avoir fait une grande école pour comprendre que ce jeune homme de 20 ans ressortira de prison pour ses 40 ans. Peut-être un peu avant s’il obtient une remise de peine pour bonne conduite. Mais la prison n’est pas un monde de bisounours. Milan, comme tous les taulards avant lui et après lui, devra jouer des coudes et des poings pour faire sa place, se faire respecter. Nous sommes au milieu des années 80, Milan entame une longue descente en enfer avec pour quotidien les humiliations, la promiscuité, les luttes de pouvoir entre prisonniers, les violences, les séjours en quartier disciplinaire, l’arbitraire de certains gardiens, les injustices, les incessants transferts. Non, chacun le sait, le monde carcéral n’est pas à l’image de ce qu’il devrait être, un endroit où l’on enferme et prépare en même temps à la réinsertion. Et même si Milan se doutait bien avant d’y mettre les pieds que l’endroit n’a rien du club med, le jeune homme va tout au long de son incarcération s’opposer et se battre avec ses moyens pour améliorer le sort des taulards…
Ce récit, poignant, passionnant, criant de vérité, est basé sur le témoignage d’un ancien détenu, Milko, aujourd’hui président de Ban Public, l’Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe. C’est son quotidien qui est donc ici raconté avec une objectif clair. Le scénariste Sylvain Ricard explique : « Cette histoire pose juste la question du rôle de la prison dans notre pays, des solutions que la société se doit d’apporter aux problèmes inhérents à son fonctionnement, à ses échecs et à ses devoirs vis-à-vis de tous les citoyens ». Et à défaut d’apporter des solutions, cet album interroge, nous interroge, sur ce territoire de la nation qui devrait être l’incarnation parfaite des lois ! E.G.

09 Avr

La Douceur de l’enfer (tome 2), de Olivier Grenson. Editions Le Lombard. 16,45 euros.

San Francisco, avril 2005. Martha Summer est sous le choc ! Deux représentants du gouvernement viennent de lui annoncer que le corps de son défunt mari venait d’être identifié et allait être transféré pour recevoir les honneurs militaires. Martha Summer est d’autant plus sous le choc qu’elle est aujourd’hui une femme âgée et fragile et que son mari a disparu pendant la guerre de Corée il y a un peu plus de cinquante ans ! Invitée à se rendre à Séoul pour la cérémonie, Martha n’aura malheureusement pas le temps. Sur son lit de mourante, elle demande à son petit fils de la représenter. Billy Summer accepte la mission mais ne s’attend absolument pas à la découverte qu’il fera sur place. Le mari de Martha, son grand-père donc, n’est pas mort. Il vit en Corée du Nord. Et ce ne sera pas là sa seule surprise…

Suite et fin de cette aventure signée Olivier Grenson. L’auteur de Carland Cross, de La Femme accident ou encore et surtout des aventures de Niklos Koda nous entraîne en Corée pour le dénouement. Et quel dénouement ! Quelles révélations dans ce second tome ! A la fois responsable du dessin et du scénario, Olivier Grenson se révèle un auteur complet particulièrement talentueux. Habituellement adepte d’un graphisme réaliste très travaillé, il parvient ici à laisser filer son trait et à donner un aspect plus jeté à l’ensemble, notamment dans les scènes de guerre. « Avec cet album… », confie-t-il, « je voulais me libérer du beau dessin, de certaines retenues, même si le naturel revient au galop. Lâcher les choses, c’est un véritable combat, pour moi » . Un diptyque entre douceur et enfer ! E.G.

08 Avr

Trilogie avec dames, de Will et Desberg. Editions Dupuis. 30 euros.

Une maquette rafraîchie au niveau de la couverture et un dos rond : voilà pour les modifications apportées à cette nouvelle édition. Pour le reste, Trilogie avec dames est identique à la version publiée en 2007. Les amoureux de Will y retrouveront donc les trois histoires qui ont marqué un tournant dans la carrière de l’auteur à la fin des années 80 et au début des années 90 : Jardin des désirs, La 27e lettre et L’Appel de l’enfer. Trois histoires légèrement coquines, voire érotiques ou libertines, qui s’affichaient d’emblée à cent lieues de l’atmosphère relativement policée de la série Tif et Tondu dont il avait la lourde charge d’assurer la mise en images depuis 1949. Même graphiquement, l’auteur avait souhaité une rupture. On ne dessine pas Tif ou Tondu comme on dessine les femmes. Et c’est tout naturellement qu’il opta pour des couleurs directes. « Les femmes sont des créatures trop belles… », disait-il,  « pour être traitées en noir et blanc… Je rêvais de les mettre en couleurs, de les parer de mille feux, puis de les entraîner dans mon jardin nocturne ».

Nocturne ou secret, le jardin de Will était en tout cas un jardin merveilleux, peuplé de somptueuses créatures qu’il reproduisait sur les murs de sa maison avant de finalement choisir de nous en faire profiter. Mort en 2000, l’auteur est aujourd’hui encore considéré comme l’un des piliers de l’école de Marcinelle (Spirou), un auteur classique qui osa remettre son travail en question à soixante ans passés ! E.G.

Bravo les brothers, de Franquin et Jidéhem. Editions Dupuis. 24 euros.

C’est un petit bijou que les éditions Dupuis ont exhumé de leurs archives. Un bijou signé André Franquin et Jidéhem, intitulé Bravo les brothers. Certains me feront remarquer très justement que ce récit a déjà été publié en album, mais jamais dans un tel écrin et avec autant d’attention. Cette nouvelle édition à dos rond propose en effet une version recolorisée et remasterisée. Mais ce n’est pas tout ! L’histoire d’une vingtaine de pages est accompagnée d’un dossier réunissant les planches originales en fac-similés, des dessins inédits et les commentaires planche à planche de José-Louis Bocquet et Serge Honorez.

Bravo les brothers serait dit-on l’histoire préférée d’André Franquin, peut-être parce qu’elle réunit trois personnage emblématiques de son oeuvre, à savoir le tandem Spirou et Fantasio dont il a repris la destinée en 1946, et le mythique garçon de bureau Gaston Lagaffe, pure création de l’auteur contrairement aux deux précédents. Et c’est une histoire à 100 à l’heure qui nous est ici contée, une histoire qui nous plonge au coeur de la rédaction du journal Spirou. Pour fêter l’anniversaire de Fantasio, Gaston Lagaffe a eu la fabuleuse idée d’acheter un trio de singes savants à un cirque en faillite… Une histoire aussi folle que bestiale à découvrir ou à redécouvrir toutes affaires cessantes ! E.G.

04 Avr

Le Dernier homme, L’extravagante comédie du quotidien (tome 3), de Grégory Mardon. Editions Dupuis. 18 euros.

Grégory Mardon est de retour. Et avec lui un personnage récurrent dans son oeuvre, comme Antoine Doinel dans celle de François Truffaut (voir Corps à corps, Incognito…), un personnage trentenaire, cette fois célibataire et timide. Maladivement timide ! Au point d’être totalement paralysé à l’idée même d’aborder une femme. Combien de fois est-il ainsi passé à côté d’une belle aventure ? Trop. Beaucoup trop. De quoi le regretter amèrement quand la solitude se fait sentir et que sa sexualité se limite à la visite de quelques sites de charme sur le net. Mais un beau jour, Jean-Pierre décide de passer à l’action, de devenir enfin maître de son destin, de sa vie amoureuse. Le voilà donc distribuant à de jeunes inconnues croisées dans la rue un petit mot leur proposant de le rencontrer. Et ça marche ! Matilda, Valérie, Véréna, Isabelle, Elisa, Jennifer, Kadidia, Gladys, aaahh Gladys… et d’autres encore dont on ne connaîtra jamais le prénom répondent positivement à sa proposition. Jean-Pierre à maintenant l’embarras du choix. Et la difficulté est de se décider pour l’une ou l’autre…

Après Les Poils et C’est comment qu’on freine, Grégory Mardon poursuit son exploration de L’Extravagante comédie du quotidien, titre de cette fameuse trilogie aujourd’hui bouclée, avec toujours autant de singularité, de personnalité, de tendresse, de drôlerie, de poésie, de légèreté et de gravité aussi à certains moments. Son trait toujours aussi juste, élégant, souple, nous rappelle forcément le travail d’un Blutch ou encore celui du tandem Dupuy-Berberian. Un récit à la fois intimiste et universel sur la solitude, l’amour, les hommes, les femmes, la vie en somme. Un album à dévorer  ! E.G.

02 Avr

L’affaire Sugaya, de Hiroshi Takano et Kenichi Tachibana. Editions Delcourt. 7,95 euros.

L’homme qui sort de la prison de Chiba en ce matin du 4 juin 2009 est attendu par des dizaines de journalistes. Rien d’étonnant, Toshikazu Sugaya – c’est son nom – vient de passer des années en prison pour une série de meurtres sordides qu’il a avoué mais pas commis. Une erreur judiciaire. La plus grande erreur judiciaire du Japon ! Et parmi les journalistes présents ce jour-là se trouve celui qui est à l’origine de la révision de son procès et donc de sa libération : Kiyoshi Shimizu. Il n’a jamais cru en sa responsabilité. A l’époque des faits, le journaliste était sur la piste d’un tueur en série jusqu’au moment où Toshikazu Sugaya passa aux aveux… sous la torture. Profitant d’un programme spécial et ambitieux lancé par son entreprise, la chaîne de télévision NTV, Kiyoshi Shimizu entreprit une longue et minutieuse contre-enquête qui aboutit donc à la réouverture du  dossier Sugaya et à la démonstration du dysfonctionnement de la justice japonaise.

C’est une histoire vraie que racontent Hiroshi Takano, habitué des récits engagés et politiques, et Kenichi Tachibana que l’on présente comme l’un des mangakas les plus prometteurs de sa génération. Une histoire vraie et captivante à découvrir dans son sens de lecture original. E.G.