17 Oct

Un printemps à Tchernobyl, le nouveau récit de voyage du Breton Emmanuel Lepage

« Dans ce métier, seul à gratter sur ma planche, j’ai souvent l’impression de voir le monde à travers une vitre, d’être « à côté », cette foi-ci le monde, je le sentirai dans ma peau ! Bien sur, c’etait risqué… mais tellement excitant ! J’allais découvrir des terres interdites où rôde la mort ». Ainsi parle Emmanuel Lepage à la veille de se retrouver au coeur des ténèbres, sur les lieux du premier accident nucléaire majeur : Tchernobyl. L’auteur de Muchacho chez Dupuis ou de Voyage aux îles de la désolation chez Futuropolis n’avait que 19 ans au moment de la catastrophe. 19 ans et peut-être une certaine forme d’insouciance. Mais lorsque 22 ans plus tard, en 2008, l’association Dessin’Acteurs lui propose de témoigner par son média, la bande dessinée, du quotidien de tous ces hommes, femmes et enfants qui vivent autour ou dans la zone contaminée, Emmanuel n’hésite pas un instant. Non pas par conviction antinucléaire mais plutôt pour se confronter au désastre. L‘occasion en tout cas pour lui de réaliser pour la première fois un reportage en dessin. « Je ne serai pas seulement témoin du monde mais « impliqué » ! Acteur ! Militant, quoi ».

Et le voilà débarqué au beau milieu de ce désastre, à tenter de dessiner, d’immortaliser, d’imaginer ces 2600 km2 de zone contaminée, ces 3 grandes villes et 86 villages évacués, ces 200 000 personnes déplacées, ces morts, ces malades, ces forêts enterrées…

L’oeil rivé sur le dosimètre qui régulièrement s’affole, Emmanuel pénètre plusieurs fois dans la zone interdite, protégé d’un simple masque en tissu et de gants en plastique. Dans l’urgence, il croque ici un abris bus abandonné et envahi par la végétation, là les réacteurs de la centrale et plus loin les anciennes coopératives agricoles, les cimetières de camions et d’hélicoptères contaminés, les rues et immeubles de la ville de Pripiat… mais aussi les gens, ordinaires, anciens liquidateurs miraculeusement vivants, paysans et autres qui vivent autour de la zone, parfois à l’intérieur.

Un printemps à Tchernobyl, réalisé au retour de cette expérience, n’est pas un témoignage militant, ni journalistique. C’est le témoignage d’un artiste, d’un auteur de bande dessinée qui pensait se frotter à la mort et rencontre finalement la vie. Son dessin évolue avec son idée de Tchernobyl, très noir au début, il prend des couleurs dans les dernières pages. C’est le printemps ici aussi même si la terre est et restera encore longtemps contaminée ! Un regard singulier mais aussi une réflexion. L‘album de 160 pages nous interroge sur la catastrophe et sur ses conséquences mais aussi sur la place d’un artiste comme Emmanuel dans un tel endroit et plus largement dans la société. Un album magnifique et utile pour nous et les générations à venir ! EGuillaud

Un printemps à Tchernobyl, d’Emmanuel Lepage. Editions Futuropolis. 24,50 euros

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L’info en +

Parallèlement à ce récit en bande dessinée, les éditions La Boîte à bulles publient un carnet de voyage réalisé par Emmanuel Lepage et le peintre Gildas Chasseboeuf intitulé Les fleurs de Tchernobyl (17 euros).