C’est non et finalement c’est oui. Le 26 novembre dernier, Sylvia Pinel annonce sa candidature à l’élection présidentielle. Cette décision (issue d’une convention du PRG) repose sur un refus : pas question de participer à la primaire. Moins d’un mois après, le 14 décembre, la présidente des radicaux de gauche est candidate à…la primaire.
Cette marche arrière marque un cap. Le PRG a toujours pratiqué les « vrais-faux » départs du gouvernement ou les « vraies-fausses » candidatures à des scrutins. Mais c’est la première fois que les grandes manœuvres concernent une élection présidentielle. Pourquoi ? Comment expliquer le retournement express du parti de Sylvia Pinel ? Réponse(s).
Sylvia Pinel, présidente du PRG. Photo : Xavier Leoty/AFP
Les coups d’éclats et de bluff, les pirouettes et les virages sur l’aile ne sont pas réservés au PS. Mais les radicaux de gauche ont un vrai talent en la matière. Véritable orfèvre, Jean-Michel Baylet a plusieurs fois actionné la ficelle d’un départ du gouvernement. C’est devenu une marque de fabrique. Mécontentement autour de la réforme territoriale, grincement de dents au sujet d’un accord électoral, à chaque fois, c’est la même technique et le résultat est identique. Le PRG menace de faire cavalier seul et finit par rentrer dans le rang.
Le PRG de Sylvia Pinel reprend la formule. Après avoir claquer la porte de la primaire, les radicaux de gauche décident de participer à cette même primaire. Cette décision est une décision de Sylvia Pinel. Pour sauver les apparences, la présidente du PRG évoque et invoque le choix des militants. En réalité, dans le micro-parti PRG (plus que dans tout autre parti), c’est la direction qui tranche et la base valide. C’était parfaitement évident et criant à l’époque de Jean-Michel Baylet. Cela reste vrai avec Sylvia Pinel.
Un vote « sous contrôle »
Preuve de ce « centralisme démocratique », le vote ratifiant la participation à la primaire s’est déroulé à mains levées et avec une (grosse) majorité de pouvoirs : 85 présents et 213 votes. Plus de la moitié des votants n’ont pas participé au vote. D’ailleurs, selon nos informations, aucune vérification ou contrôle des pouvoir n’a été effectué. En réalité, le vote était acquis avant de se dérouler. Des coups de téléphones et arrangements de couloir expliquent la faiblesse des participants. Inutile de se déplacer, les jeux sont faits. Pour Guilhem Porcheron (ancien candidat à la présidence du PRG), « pour des délégués venir à Paris, cela suppose du temps et des frais, les gens le font que si il y a un véritable enjeu ».
Le 8 décembre, une semaine avant la réunion du comité directeur, Sylvia Pinel a annoncé la couleur dans un courrier adressé aux militants :
Nous avons initié une candidature indépendante en considérant, dès juin dernier, que les primaires de la gauche, en présence d’un Président sortant, étaient une anomalie. Cette hypothèse est désormais caduque.
La lettre de Sylvia Pinel se contente, d’ailleurs, de formaliser une position exprimée, le 6 décembre, lors du bureau national. En réalité, le participation à la primaire est dans les tuyaux depuis plus d’une quinzaine de jour. Le retrait et le ralliement étaient réglés bien avant le vote du comité directeur. Un comité directeur qui, d’ailleurs, n’est pas statutairement compétent pour se prononcer sur la position du parti. Peu importe la forme, sur le fond le PRG s’est aligné sur la ligne de sa présidente.
En définitive, la seule véritable question est : pourquoi Sylvia Pinel s’engage dans la primaire ?
La réponse a été donnée à la tribune du comité directeur par le 1er vice-président exécutif, Guillaume Lacroix. Le PRG est en pleine négociation avec le PS pour les législatives.
La primaire : une monnaie d’échange et plus si affinités
Un deal avec Manuel Valls. Une monnaie d’échange pour obtenir le retrait du PS sur la 2eme circonscription du Tarn-et-Garonne. Le revirement du PRG alimente toutes les hypothèses. Elles ont une part de vérité. La proximité de Jean-Michel Baylet, Sylvia Pinel et Guillaume Lacroix avec Manuel Valls est de notoriété publique. D’ailleurs, la présidente du PRG ne cache pas son sa conviction. Sylvia Pinel est convaincue de la victoire de Manuel Valls. S’agissant des législatives, Guillaume Lacroix a clairement mis dans la balance (lors d’une intervention devant le comité directeur) la participation à la primaire et les négociations pour les législatives. Le numéro 2 du PRG a mis en garde : pas de primaire plomberait les tractations.
En revanche, il existe également un paramètre extra-politique. Selon plusieurs sources, Sylvia Pinel est convaincue qu’elle a un rôle à jouer dans la primaire. Dans ses interventions au sein du PRG, la présidente du parti insiste sur son profil : une femme jeune, la seule femme à la tête d’un parti en France, ses racines modestes. Le lendemain de sa candidature à la primaire, Sylvia Pinel a pu vérifier que sa candidature ne passe pas inaperçu. Seule candidatE de la primaire, la présidente du PRG a eu droit à de nombreux titres dans la presse nationale. Des titres qui mettent en avant un fait : Sylvia Pinel féminise une primaire jusqu’alors exclusivement masculine.
Avant de changer d’opinion, Sylvia Pinel qualifiait les primaires de « parodies » et « simulacres ». Sa conversion évite que les primaires soient, en plus, caricaturales.
Le verdict des urnes, en janvier prochain, mesurera le poids de l’équation personnelle de Sylvia Pinel. Au temps de sa candidature présidentielle, il y a moins d’un mois, les sondages créditaient Sylvia Pinel de 0% d’intentions de vote. Il existe une marge de progression. La « magie » de la primaire peut opérer et transformer une candidature Pinel en capital électoral. Mais, d’une certaine manière, ce n’est pas l’essentiel. Quelle que soit l’issue du scrutin, le PRG aura obtenu la bienveillance du PS.
Laurent Dubois (@laurentdub)