29 Juil

Régionales, accord PS-PRG : Manuel Valls entre dans la valse

L’accord entre le PS et le PRG débouche sur un quatuor. Quatre personnalités, deux socialistes et deux radicaux se partagent la tête d’affiche des régionales. Carole Delga et Damien Alary pour le PS, Sylvia Pinel et Didier Codorniou s’agissant du PRG forment un double binôme. Problème. Le quatuor vire au tiercé. Le socialiste Alary ne veut pas s’effacer derrière Sylvia Pinel et demande des garanties s’agissant d’une présidence déléguée. Matignon entre dans la danse. Manuel Valls réfléchit à une réforme législative qui consacrerait un poste aujourd’hui inexistant. Le poste de président délégué.

Manuel Valls, premier ministre

Manuel Valls, premier ministre

Un accord chèrement payé

Lundi 27 juillet, 16 heures. Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Michel Baylet présentent l’accord national entre le PS et le PRG pour les régionales de décembre prochain. Après des semaines de tractations, les deux partenaires officialisent (enfin) rue de Solférino, au siège national du PS, un accord. Jean-Michel Baylet se dit « très heureux » et parle d’un « bon accord ». Le patron du PRG déclare : « nous avons trouvé les bons équilibres dans toutes les régions ».

Deux heures plus tard, toujours rue de Solférino, le bureau national du PS se réunit.

La réunion débute vers 18 heures. Mais la présentation de l’accord avec le PRG interviendra seulement 2 heures et demi après. La première partie est consacrée aux questions budgétaires et aux dossiers économiques. Martine Aubry et plusieurs ministres sont autour de la table. C’est seulement à la fin de ce long chapitre que Jean-Christophe Cambadélis et Christophe Borgel (numéro 3 du PS et en charge des négociations avec le PRG) évoquent l’accord présenté à la presse quelques heures auparavant.

Ils insistent sur l’absolue nécessité d’un accord.

Impossible pour le PS de partir seul. Comme le dira, plus tard, un membre du Bureau National : « on ne peut pas aller au front sans un partenaire de gauche ». Le poids des députés PRG est également évoqué et Christophe Borgel ajoute dans la balance, s’agissant de Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussilon, le groupe de presse de Jean-Michel Baylet. Ce qui lui vaudra d’ailleurs une remarque ironique de la députée des Hautes-Alpes et leader de la motion « La Fabrique », Karine Berger.

Au cours des échanges, d’après un membre du Bureau National, Jean-Christophe Cambadélis reconnaît un fait :

«  je l’ai (NDRL l’accord) payé cher ».

Une région doit encaisser une facture particulièrement « salée » : Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon.

Comme le précise un responsable national du PS : «  dans les autres régions, le PRG a 4 ou 5 places, parfois une seule ». Du côté de Toulouse et Montpellier, ce sont 18 places qui sont réservées. Le PRG avait 16 sortants. Il augmente donc son quota. Il faut ajouter 3 têtes de listes départementales (4 ont été demandées), une 1ere vice-présidence pour la ministre radicale, Sylvia Pinel et une 4eme vice-présidence pour le maire PRG de Gruissan, Didier Codorniou.

Evidemment, ces dernières « places » sont totalement virtuelles. La distribution des postes dépend des résultats électoraux et sont suspendus à une éventuelle victoire. Mais, globalement, dans les rangs socialistes, on trouve que Jean-Michel Baylet a réussi un vrai hold-up.

Un socialiste précise un point essentiel. « En 2010, les radicaux ont eu 16 élus mais avec un Martin Malvy (ancien ministre et président sortant en Midi-Pyrénées) qui faisait 40 points au 1er tour et qui finit comme président le mieux élu de France ».

Au PS, personne ne croit possible de rééditer un tel score. Le PRG obtient plus de places qu’en 2010 alors que les socialistes auront probablement moins d’élus. Dans l’esprit de nombreux socialistes, c’est un gros morceau pour un gâteau qui s’annonce maigre.

L’immense majorité (pour ne pas dire la totalité) des socialistes est favorable à un accord avec le PRG. Mais l’immense majorité (pour ne pas dire la totalité) des socialistes (qui acceptent de s’exprimer sur le sujet) trouve l’accord signé exorbitant.

Ainsi le député (PS) de l’Aude, Jean-Marc Perez est tout à fait favorable à un accord avec le PRG. Mais il ajoute :

« cet accord est politiquement indispensable, électoralement sans effet et bouche l’horizon après le 1er tour ».

L’opinion du parlementaire languedocien est partagée par ses camarades. Pour les élus socialistes, le PRG ne vaut pas autant de places et surtout le contenu de l’accord complique sérieusement les négociations-fusions au soir du 1er tour. Les radicaux ayant mis la barre très haut que va-t-il rester à proposer à Europe-Ecologie ?

De plus, en interne, les candidats socialistes vont devoir céder des places. Au final, après le 2nd tour, la liste PS-PRG pourrait se réduire à 40% de socialistes. Cela annonce des grincements de dent. Dans chaque département, il va falloir libérer des places pour les radicaux, demain pour les Ecolos et autres ralliés du 2nd tour.

Au delà des ambitions froissées, l’accord avec le PRG coince surtout au niveau du président (sortant) du Languedoc.

Un quatuor dans les cordes. Manuel Valls joue les accordeurs

Selon deux sources, l’accord PS-PRG prévoit « noir sur blanc » que Damien Alary sera le numéro 2 dans la (future) gouvernance de la (future) Grande Région. Cependant, ce même accord accorde une 1ere Vice-Présidence à Sylvia Pinel.

Une 1ere vice-présidence fait de la ministre radicale le numéro 2 de la région et Damien Alary doit être le numéro…2 de cette même région.

Deux numéros deux, ce n’est pas possible. Pour débloquer la situation une seule option : inventer une sorte de 1bis. En langage politico-administratif, cela s’appelle un président délégué.

Petit détail, la loi ne prévoit pas l’existence de président délégué dans les Conseils Régionaux. Comme le précisait « Midi-Pyrénées Politiques » dans un précédent article, à l’heure actuelle, le poste de président délégué est une coquille vide. Damien Alary est parfaitement conscient de cela :

« je n’accepterai pas un poste qui n’existe pas. ».

Mais, visiblement Manuel Valls travaille à une solution : une modification de la loi. Les textes ne prévoient pas de présidence déléguée, il « suffit » de modifier les textes. Damien Alary a bien compris que c’est la seule issue possible pour lui :

« je ne veux pas de promesse mais des certitudes. Une concrétisation juridique dans un texte de loi serait une solution. C’est une question nationale (NDLR l’existence d’une présidence déléguée) qui se pose dans plusieurs régions ».

Le président du Languedoc a eu longuement Manuel Valls au téléphone. Matignon travaillerait à cette option. Une option qui permettrait de concilier une 1ere Vice-Présidence Pinel tout en respectant la promesse faite à Damien Alary. Evidemment, ce projet de loi s’appliquerait à l’ensemble des régions et ne serait pas baptisée « loi Alary ». Mais l’inspiration viendrait bien du Languedoc et de l’imbroglio créé par les accords PS-PRG.

Kleber Mesquida confirme la possibilité d’un « véhicule législatif pour l’automne ». Le député (PS) et président du département de l’Hérault déclare : « le véhicule législatif est trouvé car à l’automne le Parlement doit se pencher sur la question de la coordination des territoires ».

Cet après midi, Damien Alary devait avoir longuement Matignon au téléphone.

Demain, jeudi 30 juillet, Damien Alary doit faire une conférence de presse. Le président du Languedoc doit notamment faire des annonces sur la répartition des services de l’Etat entre Toulouse et Montpellier. Il a obtenu des garanties de Manuel Valls. Il en profitera peut être pour donner des nouvelles sur le projet de loi qu’il a inspiré.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine. Manuel Valls se sera vraiment investi dans les régionales en Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon. Il a organisé, à Matignon, une réunion pour dissuader le maire de Montpellier, Philippe Saurel, d’entrer en dissidence face à Carole Delga. Et maintenant il se penche sur le sort de l’accord régional conclu entre le PS et le PRG

 

Laurent Dubois