27 Nov

Sivens : « bye, bye » l’argent européen

L’Europe fait barrage. Bruxelles se penche sur le projet de Sivens. Le dossier est désormais entre les mains de la Commission. Le respect d’une directive « eau » est sur la sellette. La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, réaffirme la nécessité d’un ouvrage dans la vallée du Tescou. Mais l’intervention des instances communautaires bloque les fonds européens. Début de la fin ? Péripétie temporaire ? Gérard Onesta exprime son point de vue. Un point de vue « partial ». L’élu régional est écologiste. Hostile au projet. Mais son point de vue est loin d’être « partiel ». L’actuel vice-président à la Région a été pendant des années le vice-président du Parlement Européen. Gérard Onesta connaît bien les arcanes Bruxelloises.

 

Gérard Onesta- vice-président EELV de la Région

Gérard Onesta- vice-président EELV de la Région

-Midi-Pyrénées Politiques : D’après vous, qu’est-ce qui explique l’intervention de la Commission ?

Gérard Onesta : « Hommage au Collectif (du Testet). Hommage à ceux qui ont tenu bon. Si le Collectif n’avait pas défendu mètre par mètre le site de Sivens et, si malheureusement, un gamin n’avait pas perdu la vie, la Commission ne serait pas intervenu avant 2 ou 3 ans. Je connais le fonctionnement de la Commission. C’est parce que l’on parlé de Sivens dans les médias que Bruxelles a bougé ».

-Midi-Pyrénées Politiques : Pas de lobbying des Verts auprès de la Commission ?

Gérard Onesta : « Il y a eu des relais via le Parlement Européen, nos élus régionaux et nationaux. Mais la cause principale de l’intervention de la Commission c’est la médiatisation. Les commissaires ont entendu parlé de Sivens. Ils se sont saisis du dossier ».

-Midi-Pyrénées Politiques : Une procédure est ouverte. Mais, d’après vous, le « verdict » va tomber dans combien de temps ?

Gérard Onesta : « Ce n’est que mon pif politique. Mais je me dis que s’ils se sont saisis relativement rapidement du dossier ce n’est pas pour trancher dans quelques années. Mais plutôt dans quelques mois. Encore une fois, c’est une simple intuition ».

-Midi-Pyrénées Politiques : L’intervention de la Commission marque un coup d’arrêt au projet ?

Gérard Onesta : «  L’ouverture d’une procédure d’infraction c’est « bye, bye » l’argent européen. La perte du financement européen c’est un coup dur et peut être même fatal au projet. C’est un quart du budget qui disparaît. Je suis catégorique. Pour les deux millions européens c’est cuit. Ils ne les auront pas (les conseillers généraux du Tarn, maitres d’œuvre du projet). Il n’y a plus de carotte européenne. Et, en plus, c’est un coup de bâton avec un risque de condamnation de la France ».

-Midi-Pyrénées Politiques : L’entrée en scène de la Commission va-t-elle influencer la position de Ségolène Royal ?

Gérard Onesta : « Ségolène Royal a désormais une porte de sortie supplémentaire. Elle sait que la responsabilité de l’Etat français peut être recherchée. Cela peut déboucher sur des pénalités financières. Elle va tout faire pour s’en prémunir. De plus la Commission vise la directive sur l’eau. Je n’imagine pas une seule seconde qu’elle n’en tire pas toutes les conséquences ».

Propos recueillis par Laurent Dubois

18 Nov

Départements : le changement c’est maintenant?

Après Augustin Bonrepaux en Ariège, Pierre Izard s’apprête à passer la main en Haute-Garonne. Et après lui d’autres ? Les élections de mars prochain promettent donc de faire émerger de nouveaux présidents dans un contexte très agité pour les départements.

 

Pierre Izard ne briguera pas un nouveau mandat pour la présidence du Conseil général de Haute-Garonne.

Pierre Izard ne briguera pas un nouveau mandat pour la présidence du Conseil Général de Haute-Garonne.

Rien d’officiel mais une certitude administrative : Pierre Izard n’a pas déposé sa candidature paritaire avant-hier soir minuit comme le processus de désignation interne l’impose. Le PS 31 a donc pris acte de la décision du président du Conseil Général de Haute-Garonne de ne pas se représenter.

 Une page qui se tourne

« Une page de l’histoire de la gauche en Haute-Garonne qui se tourne » dit le Premier Fédéral. On peut même parler d’un chapitre voire d’un tome tant la présidence Izard fut longue. Conseiller général depuis 1967, il avait pris la direction du département en 1988. Alors qui pour lui succéder ? Trop tôt pour le dire. Des prétendants sont en lice mais à l’heure actuelle c’est un peu pour eux la devise du « premier qui bouge a perdu ». Pas un mot donc des Jean-Michel Fabre, Georges Méric ou encore Jean-Jacques Mirassou. Chacun sait ce que parler aujourd’hui peut lui coûter…

 

Ne pas se dévoiler trop tôt, c’est en ce moment la règle d’or des socialistes. La campagne sera rude. Le parti de gouvernement mise sur un rajeunissement des têtes d’affiche et sur un renouvellement des candidats. Exemple en Haute-Garonne seuls 21 des 39 sortants se représenteront. Mais est-ce que cela suffira à donner le change face à un gouvernement et une politique de plus en plus impopulaires ?

 Quels enjeux ?

Rappelons tout de même que les départements de gauche de notre région (tous hormis l’Aveyron) possèdent de solides majorités, parfois même écrasantes comme en Ariège. Deux d’entre eux sont détenus par le PRG, Hautes-Pyrénées et Tarn et Garonne. Dans ce dernier, Jean-Michel Baylet, battu aux Sénatoriales (donc par la volonté des grands électeurs), devra mener une campagne des plus stratégiques.

 

Le patron des Radicaux De Gauche se targue d’avoir été celui qui a sauvé les départements ruraux lors des négociations de son parti avec le gouvernement. Un trophée à son tableau de chasse qui pourrait lui permettre de récupérer  pour le prochain scrutin les soutiens qui lui ont fait défaut aux Sénatoriales.

 

A gauche, les défections sont donc désormais actées, reste maintenant à connaître quelles seront les forces en présence pour les élections départementales des 22 et 29 mars prochains. Du côté de la droite, l’espoir de conquérir de nouveaux sièges est largement avoué, celui de viser la conquête d’un département reste plus ténu.

 

Patrick Noviello

13 Nov

Qui est Ben Lefetey, le leader des anti-barrage de Sivens ?

Tête de Turc des pro-barrages. Porte-drapeau des anti-Sivens. Ben Lefetey attire les micros et attise les rancœurs. L’ancien pâtissier, fils de paysan normand, est l’interlocuteur incontournable des médias. Il incarne la lutte contre le projet de Sivens. Pour certains, c’est un agitateur professionnel. Un activiste qui souffle sur les braises. Pour d’autres, c’est un militant connaissant son dossier et le monde agricole. Un interlocuteur constructif. Ben Lefetey accepte de lever le voile sur son parcours, ses intentions. Au delà des questions sur sa personnalité, le militant Europe-Ecologie avance des propositions alternatives pour une sortie de crise.

Ben Lefetey © MaxPPP

Ben Lefetey © MaxPPP

Midi-Pyrénées Politiques : Comment vous êtes vous retrouver au cœur de la lutte contre le barrage de Sivens ?

Ben Lefetey. Je suis arrivé dans le Tarn, il y a deux ans. Après un séjour de huit ans et demi en Asie ou je me suis occupé de tourisme équitable. Avec ma famille, nous avons décidé de rentrer en France et nous avons choisi le Tarn parce que des amis habitent à côté de Rabastens. En plus, on souhaitait être proche d’une grande ville, Toulouse, sans être à Toulouse. Gaillac était un bon choix. Je ne connaissais pas Sivens. Un jour, j’ai trouvé un tract sur le pare-brise de ma voiture. J’ai travaillé 13 ans dans des ONG nationales. Notamment à Greenpeace France. J’avais donc une sensibilité. Je ne pouvais pas rester indifférent. Je me suis dit : on continue les projets agricoles dépassés.

Midi-Pyrénées Politiques : Avez vous un passé politique ? Notamment du côté de l’extrême gauche ?

Ben Lefetey. Non. Je n’ai jamais milité dans un mouvement d’extrême-gauche. Au NPA ou ailleurs. Je n’ai jamais milité dans un parti politique. Sauf depuis l’an dernier ou j’ai adhéré à Europe-Ecologie.

Midi-Pyrénées Politiques : Vous n’avez donc jamais fait le coup de poing dans des manifestations violentes ? Pas de passé d’activiste ?

Ben Lefetey. J’ai été salarié pendant 13 ans de Greenpeace et d’autres ONG dont « Les amis de la Terre ». J’ai été formé à Greenpeace aux actions « coups de poing ». Mais des actions non-violentes et symboliques. J’ai vu et subi la violence des forces de l’ordre. Notamment dans une manifestation en région parisienne avec le DAL (Droit Au Logement). Mais je n’ai jamais basculé dans la violence. « Utiliser la violence pour gagner » n’a jamais été ma théorie. D’ailleurs cette théorie n’a jamais fait la démonstration de sa réussite.

Midi-Pyrénées Politiques : C’est vous qui avez fait venir les Zadistes qui occupent le site de Sivens ?

Ben Lefetey. Non. J’ai même dissuadé en février 2013 des Zadistes de venir.

Midi-Pyrénées Politiques : Avez vous des ambitions politiques ? Vous serez candidat à des élections ?

Ben Lefetey. Avant mon départ pour l’Asie, j’ai passé plus de dix ans dans des ONG qui sont des contre-pouvoirs. On n’obtient pas de changement significatif en tant que contre-pouvoir. J’ai participé à la rédaction d’un livre blanc sur « la politique de développement durable en France » sous le gouvernement Raffarin. Il a fini à la poubelle. Alors oui.

Midi-Pyrénées Politiques : Le dossier de Sivens est devenu un dossier politique. Avec notamment l’intervention de Ségolène Royal. Comment jugez-vous la première réunion qui s’est déroulée au ministère de l’Ecologie ?

Ben Lefetey. Le bilan est très positif. C’est l’instauration d’un dialogue. Nous avons discuté de la méthode. Pas du fond. Tout le monde était forcément d’accord. Lors de la seconde réunion (qui s’est déroulée ce jeudi 13 novembre), nous allons soulevé la question du coût, du financement. Prochainement, nous allons demander que soient associés les 200 agriculteurs de la vallée du Tescou.

Midi-Pyrénées Politiques : Vous parlez de dialogue. Dans le cadre de négociations, êtes vous prêt à faire un geste et à évacuer une partie du site de Sivens ?

Ben Lefetey. C’est aux pouvoirs publics de voir à quelles conditions les Zadistes peuvent partir. Ils doivent prendre contact avec eux. Je l’ai dit à un conseiller de Ségolène Royal. D’ailleurs il faut associer les Zadistes aux réunions avec les autres acteurs du dossier. Les Zadistes sont des lanceurs d’alerte. Ce ne sont pas des voyous, des assistés et des casseurs. Le noyau dur c’est 30 ou 40 personnes. Et contrairement à ce que l’on prétend, elles sont originaires de Midi-Pyrénées. Il y a beaucoup de Tarnais parmi eux. De Gaillac, Castelnau de Montmirail.

Midi Pyrénées Politiques : Quelles sont vos propositions alternatives ?

Ben Lefetey. Il faut trouver de l’eau pour la vallée du Tescou. Il faut regarder la quantité et pour qui. Une fois cette évaluation faite, il faut regarder si il ne faut pas financer des réserves au niveau des fermes.

Midi-Pyrénées Politiques : Et si le création de réserves ne suffit pas ? Un barrage ?

Ben Lefetey. Oui. S’il reste encore des besoins, construire une retenue en amont ou en aval du site actuel. Mais je pense que la création de réserves individuelles suffira. En revanche, il est impossible et impensable de faire des travaux sur le site où est mort Rémi Fraysse. C’est devenu un lieu de sépulture.

Midi-Pyrénées Politiques : Les pro-barrages descendent dans la rue samedi. Une réaction ?

Ben Lefetey. On est complétement dans l’irrationnel. Il s’agit de manifester soi-disant pour défendre la démocratie. Mais ceux qui manifestent veulent imposer par la force un projet retoqué par des experts. Les associations n’ont pas été entendues. Les avis défavorables émis contre le projet ont été méprisés. Le prétendu respect de la démocratie locale invoqué par les manifestants a été bafoué.

Propos recueillis par Laurent Dubois

05 Nov

Sivens : dossier politique

Réunion au Ministère de l'Ecologie, hier soir. AFP PHOTO / ERIC FEFERBERG

Réunion au Ministère de l’Ecologie, hier soir. AFP PHOTO / ERIC FEFERBERG

Comme de l’eau retenue, il stagne…. Ni abandon, ni reprise des travaux, le projet de barrage de Sivens est à l’arrêt. A l’issue de la réunion organisée au Ministère de l’Ecologie par Ségolène Royal, pas de décision définitive donc. A quoi pouvait-on s’attendre d’autre ?

Certains de mes confrères se sont bien agités hier en fin d’après-midi croyant un abandon possible, mais je ne préfère ne voir là que la crainte d’une nouvelle réaction épidermique d’un gouvernement totalement imprévisible.

Non finalement Ségolène Royal aura choisi la retenue (NDR : selon l’expression consacrée, n’y voyez aucun rapport avec sa préférence quant au projet). Et voilà qu’elle promet l’envoi de trois nouveaux experts : hydrologue, agronome et biodiversité. La vallée du Testet aura décidément été examinée sous toutes les coutures.

Et le grand public de se demander : « mais ça avait pas été fait tout ça déjà ? Si si… Ce qui conforte Jacques Valax Conseiller Général du Tarn dans sa position : « si le travail pour lequel j’ai été élu ne sert à rien, je rends mon tablier ! »

Le cœur du débat politique porte sur deux conceptions de la manière de porter des dossiers comme celui de Sivens. D’un côté des élus écologistes et Front de gauche qui demandent à ce que le citoyen soit plus écouté et qui se retournent vers l’Etat pour demander un moratoire.

De l’autre la majorité des élus départementaux qui disent avoir justement suivi la procédure légale imposée par l’Etat pour mener le projet et qui aujourd’hui expliquent que si le citoyen doit être plus entendu, c’est à l’Etat de le décréter. Ce sera tout l’enjeu du débat que nous allons impulser ce samedi 8 novembre dans « La Voix est Libre » dans le cadre de notre polémique de la semaine.

 

Patrick Noviello

04 Nov

Ségolène Royal et Sivens : un simple tour de table

Fin de la réunion. Ségolène Royal vient de présenter à la presse son compte rendu. Pendant plus d’une heure, la ministre de l’Ecologie a reçu les acteurs du dossier Sivens. Les premières réactions sont mitigées. Le ressenti des participants est franchement négatif.

Ségolène Royal. Photo @AFP

Ségolène Royal. Photo @AFP

Du côté d’Europe Ecologie, le bilan est plutôt positif.

Guillaume Cros, président du groupe EELV à la Région estime qu’ « a priori on n’est pas dans une situation bloquée. Ce que l’on pouvait craindre ». Il retient surtout l’hypothèse de la création d’une retenue en amont. L’élu écologie avait plutôt en tête une alternative en aval. Mais il va réfléchir à cette piste.

Au final, Guillaume Cros continue «  à demander l’arrêt du projet ». Néanmoins, il précise immédiatement : « l’intervention de Ségolène Royal permet d’espérer une issue ».

Le point noir concerne l’appel à une évacuation de Sivens. Guillaume Cros est catégorique. La ministre demande la fin de l’occupation du site. L’élu écologiste estime que c’est « totalement irréaliste. Pour déloger les Zadistes, il faut renvoyer les gendarmes ».

Du côté des participants le ressenti est franchement négatif Un des invités salue l’ambiance sereine et la liberté d’expression. Néanmoins, pour lui, cette réunion se résume à un simple tour de table, sans échange. Un autre participant estime même qu’il entendu lors de la conférence de presse de la ministre des choses qu’il n’a pas entendu pendant la réunion.

Pierre Verdier (président de la commission développement durable du Conseil Général du Tarn) est plus modéré. Le conseiller général précise : « il ne faut pas trop attendre d’une première réunion. Nous avons pu exposer la position du conseil général ». Il repart « un peu frustré ».

 

Laurent Dubois