14 Sep

Nadia Pellefigue : « la majorité régionale est clairement de gauche »

De La Rochelle à l’Hôtel de Région. Le week-end dernier, Nadia Pellefigue a participé à la rentrée politique des Frondeurs. Une rentrée organisée dans la préfecture de Charente-Maritime, en présence des deux ténors de la gauche anti-Hollande : Arnaud Montebourg et Benoit Hamon. Le lendemain du rendez-vous de La Rochelle, lundi 12 septembre, l’élue d’Occitanie a retrouvé son agenda de vice-présidente du Conseil Régional en charge du développement économique. Un pied à La Rochelle et parmi les Frondeurs. Un autre dans les dossiers économiques régionaux et la majorité d’une ancienne ministre de Manuel Valls, Carole Delga. Ce sont les deux facettes de Nadia Pellefigue.

Comment Nadia Pellefigue a-t-elle vécu la rentrée politique des Frondeurs ? A la Région, Nadia Pellefigue défend le rôle des entreprises. Contradiction avec son positionnement à gauche du PS ? La vice-présidente du Conseil Régional a-t-elle des ambitions municipales à Toulouse ? Interview

Nadia Pellefigue, vice-présidente de la Région Occitanie. Photo : MaxPPP

Nadia Pellefigue, vice-présidente de la Région Occitanie. Photo : MaxPPP

Le Blog Politique. Quelle était l’ambiance à La Rochelle ?

Nadia Pellefigue. Conviviale et studieuse. Ces deux journées étaient avant tout des journées de travail et de débat. Elles se sont déroulées dans un esprit de responsabilité, de gravité même : nous sommes dans un moment politique important où la gauche française, dans son ensemble, se trouve confrontée à des choix qui conditionnent l’avenir de notre pays et de nos concitoyens. Face à l’extrême droite qui loin d’apporter des solutions aux problèmes réels des français, cultive les peurs pour augmenter son influence électorale et à une droite qui devient elle-même de plus en plus extrême dans ses propositions et réactions, il nous faut absolument proposer une alternative crédible à gauche, pour défendre nos valeurs : car c’est bien l’avenir de tout notre modèle républicain qui est en jeu. Nous avons donc proposés une méthode et un objectif : construire une plate forme programmatique commune pour une candidature unique à l’issue de primaires de toute la gauche.

Le Blog Politique. Vous êtes, depuis plusieurs années, un soutien de Benoît Hamon. Vous le soutenez dans sa candidature aux primaires ?

Nadia Pellefigue. Je défends effectivement depuis de nombreuses années, au sein de mon parti, un certain nombre d’idées dans des combats partagés avec Benoît Hamon qui, par son engagement, est un des plus connus porte-parole de mon courant de pensée. Il est par ailleurs un ami. Mais le choix de soutenir telle ou telle candidature aux primaires ne s’opère pas que sur la qualité des liens personnels. Il doit d’abord se faire sur un projet, et sur la capacité de le porter. Nous parlons ici de l’avenir du pays, pas de la préparation d’un congrès du PS ! Quatre candidats déclarés aujourd’hui à la primaire sont issus de la motion que je représente en Haute-Garonne (B.Hamon, G.Filoche, MN.Lieneman, A.Montebourg). Les divergences entres eux sont minimes. Il faut, comme ils l’ont fait à La Rochelle, qu’ils continuent de se parler afin que nous puissions d’ici deux mois n’avoir qu’une candidature issue de nos rangs.Nous nous battons pour une candidature unique de toute la gauche à l’élection présidentielle. Il serait donc pour le moins curieux que nous n’arrivions pas dans un premier temps à choisir déjà une seule candidature chez nous !

Nous nous battons pour une candidature de toute la gauche à l’élection présidentielle

Le Blog Politique. Benoit Hamon, comme Arnaud Montebourg, pense que François Hollande ne doit pas se présenter en 2017. Selon vous, qu’est-ce qui justifie cette disqualification de François Hollande ? Son bilan ? Son style ?

Nadia Pellefigue. Ils ont raison. Aujourd’hui, François Hollande n’a pas réuni les conditions politiques pour que sa candidature permette en 2017 à la gauche d’être victorieuse. Et je pense que de le dire ne doit pas être jugé à l’aune d’une pseudo loyauté au Président de la République, il s’agit là de lucidité quant à l’état de l’opinion publique. Souvent, quand la Gauche est au pouvoir, on dit qu’elle ne tient pas toutes ses promesses. Et c’est vrai que par le passé, sous François Mitterrand ou Lionel Jospin, il y a eu des manquements à nos engagements. Et, d’ailleurs, à chaque fois (1986, 1993, 2002) cela c’est soldé par un échec électoral. Mais aujourd’hui c’est autre chose. Il ne s’agit pas de promesses non tenues, il s’agit de politiques économiques et sociales qui sont à l’opposé de ce que la gauche a toujours défendu : le CICE, la déchéance de nationalité, l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites ! Et la Loi dite « Travail », la manière de la faire adopter en renonçant au dialogue social comme au débat parlementaire, son article 2 qui fait prévaloir le contrat sur la loi, est un contre-sens historique. Or, c’est tout le contraire qu’il faut faire : reprendre la marche de la réduction du temps de travail, redonner du pouvoir d’achat, créer de nouveaux droits pour les salariés en prenant en compte l’émergence de nouveaux modes de production, de nouveaux modes managériaux avec le développement de l’innovation, du numérique…Ce n’est évidemment pas une question de personne ou de style. François Hollande est un Président qui représente très honorablement sa fonction. Et les attaques contre sa personne ou personnalité supposée sont inacceptables. Simplement, il n’est plus en position de représenter nos idées.

Il ne s’agit pas de promesses non tenues, il s’agit de politiques économiques et sociales qui sont à l’opposé de ce que la gauche a défendu

Le Blog Politique. Pour vous l’échec du quinquennat de François Hollande est-il imputable à François Hollande ? à Manuel Valls ? Au contexte ?

Nadia Pellefigue. Ce quinquennat est d’abord l’héritage d’une situation dramatique économiquement, socialement, budgétairement de la politique menée par la droite et Nicolas Sarkozy. Nous avons eu tort d’insuffisamment dire la réalité à laquelle nous avons été confrontés en 2012. Le contexte international, les violences inédites auxquelles nous avons dû faire face sont aussi des éléments à prendre en compte. Comment assurer la sécurité quand vos prédécesseurs ont supprimé des milliers de postes de policiers, supprimé les outils précieux de renseignements ? Comment préparer l’avenir quand des postes d’enseignants, leur formation même, ont également été supprimés ? Mais nous sommes dans la Cinquième République. Et dans ce système c’est bien le Président de la République qui est responsable. C’est à dire qu’une fois élu, il peut faire, il fait, conformément ou non à ses engagements, à ceux de son parti ou même de sa majorité parlementaire. On l’a vu récemment avec le passage en force par le 49.3. C’est lui qui nomme son Premier Ministre. Lui qui le maintient ou le change. Cette constitution a vécu. Si l’on veut redonner confiance à nos concitoyens, il faut moderniser notre démocratie. Il nous faut changer de République.

Le Blog Politique. Vice-présidente à la Région, vous « gouvernez » avec une ancienne ministre de Manuel Valls et de François Hollande, Carole Delga. Il reste du Valls et du Hollande dans la gestion de la région par Carole Delga ?

Nadia Pellefigue. La Présidente Delga est une femme de gauche sincère et assumée. La majorité régionale est elle aussi clairement de gauche. Nous avons gagné les élections avec une liste d’union de la gauche PS/PCF/FG/EELV/PRG/NGS/POC, unique en France, et nous mettons en place des politiques régionales issues d’un programme commun. Carole Delga est une femme qui tient tous ses engagements et je peux vous dire que depuis son élection en janvier, la feuille de route qu’elle a donnée à ses Vice-Président-e-s et à sa majorité va tout a fait dans le sens d’une Région forte dans une République forte ! Notre drapeau commun c’est la Région Occitanie, Pyrénées-Méditerranée. Et nos valeurs sont communes.

La présidente Delga est une femme de gauche sincère et assumée

Le Blog Politique. Au sein du parti socialiste, vous incarnez la « gauche du PS » et, en tant que vice-présidente du conseil régional en charge du développement économique  vous déclarez «  ce sont les chefs d’entreprises qui font la richesse ». D’un côté un positionnement Hamon et de l’autre un discours avec un relent Macron-Valls. Pourquoi ?

Nadia Pellefigue. Je ne comprends pas bien votre question. Bien sûr que les chefs d’entreprises font la richesse. Qui peut nier cette évidence ? Par contre, dire « Vive l’entreprise ! », c’est idiot. C’est comme dire « Vive les poissons ! ». Chez les poissons, il y a des requins et des sardines.Les chefs d’entreprises initient et portent des projets qui font la richesse. Mais ils ne sont pas les seuls. Ils vous le diront : il n’y a pas de richesse produite sans les millions de salariés de ce pays. Sans même les fonctionnaires qui eux aussi, à la place qui est la leur, génèrent les conditions à la production de la richesse : formation, recherche, sécurité… Tous contribuent par leur effort au travail, leur impôt, leur consommation, à la croissance et à la richesse d’un pays. Moi je n’oppose pas les uns aux autres.Et je sais distinguer parmi les entreprises celles qui sont des TPE, des PME, qu’il nous faut aider dans leur développement, dans la mobilisation de capitaux alors même qu’elles sont chaque jour confrontés à la frilosité du secteur bancaire traditionnel. Macron est un banquier, je suis une élue locale en contact avec les femmes et les hommes pour lesquels nous nous devons de faire en sorte que l’action politique, l’action publique, favorisent le maintien et la croissance de l’activité dans notre territoire.

Bien sur les chefs d’entreprises font la richesse. Par contre, dire « Vive l’entreprise, c’est idiot

Le Blog Politique. Les municipales sont encore loin. Mais votre nom circule. Toulouse en 2020, ça vous tente ?

Nadia Pellefigue. Il ne vous a pas échappé que je suis une femme de combat. Le prochain n’est pas celui-ci. C’est celui de 2017 pour lequel je souhaite une gauche forte de ses valeurs et de son unité. En tant que Vice-Présidente de la Région au Développement Economique, à l’innovation, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche, je m’intéresse tous les jours à Toulouse. Les dossiers dont j’ai la charge sont souvent reliés à la capitale régionale ; une des toutes premières villes universitaire, industrielle, d’innovation et de recherche d’Europe. C’est passionnant. J’adore mon mandat qui me permet aussi via ces sujets de m’occuper du quotidien et de l’avenir des habitants de notre belle et désormais très grande région. Les Toulousaines, les Toulousains en font partis et j’en suis !

Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)