Dans les chaumières « ordinaires », les rêves sont faits de sable fin et de cocotiers. De vacances éternelles et de gains au Loto. Chez les Sarkozy, les songes sont plus austères. Ils prennent la forme de courbes. De chiffres. Nicolas Sarkozy espère la fin d’un cauchemar. Depuis des lustres, il est étendu sur un lit d’orties. Semaines après semaines, de mauvais sondages agressent son épiderme. Depuis des mois, le président sortant espère un baume salvateur : la fin de l’hégémonie sondagière de François Hollande. L’espoir est devenu réalité. Deux études d’opinions mettent fin à une longue série noire. Nicolas Sarkozy devance son rival socialiste. L’avance est modeste. Un point. Ce qui correspond à la marge d’erreur d’un sondage. Ce résultat est surtout extrêmement laborieux. Un téléthon, des centaines de kilomètres aux six coins de l’Hexagone et cinquante mille militants dans un meeting géant ont été nécessaires. Peu importe. L’impact psychologique est fort. Un air de Requiem flottait sur l’Elysée. Un hymne à la Joie fait entendre sa petite musique. Devant les micros, Nicolas Sarkozy ne sort pas trompettes et tambours. En coulisse, c’est la grosse caisse. Il exulte. IFOP confirme sa stratégie. Marque une rupture. Après une rase campagne, Nicolas Sarkozy croît à une reconquête. Les sondages défavorables glissaient sur lui. Il ne les lisait pas (sic). Ne s’en souciait pas (sic). En revanche, les bons sonnent la charge. Dans son esprit, c’est le début de la Fin pour François Hollande. Cet enthousiasme est, en partie, justifié. Dimanche dernier, à Villepinte, il a sorti une munition performante. Perforante. Ses boulets rouges contre l’Europe du Libéralisme et de l’Immigration sont puissants. Ce tir de barrage (non à Schengen, non à la concurrence déloyale) lézarde les murs du FN. Et fait même trembler ceux du Front de Gauche. Une « euro-allergie » infecte profondément le corps électoral. Nicolas Sarkozy renforce ses défenses immunitaires en la stimulant. Le frémissement des sondages ressort de fibrations « telluriques ». Le candidat exploite la faille qui sépare l’Europe des couches populaires. Cela étant, la remontée de Nicolas Sarkozy n’est pas uniquement liée à une dynamique de campagne. Certes, le sortant marque des points pendant que son adversaire fait du surplace. Nicolas Sarkozy avance un thème fort alors que François Hollande piétine. Avec, par exemple, un superbe « piaffé » : la suppression du mot « race » de la Constitution. Néanmoins, le décalage entre l’activisme sarkozyste et la torpeur hollandaise, n’explique pas tout. En fait, Nicolas Sarkozy profite de la force de François Hollande. Le socialiste occupe une position ultra dominante. Au second tour, il écrase son concurrent. Neuf points le place largement en tête. Cette supériorité est handicapante. Elle affaiblit le « vote utile ». Le petit point récupéré, au premier tour, par Nicolas Sarkozy ne lui appartient pas totalement. Il est lié à un effet de « vases communicants ». Un Mélenchon qui monte, c’est un Hollande qui baisse. Et, au final, c’est un Sarkozy qui « décolle ». L’hirondelle de l’IFOP est donc loin d’annoncer un printemps. Une hirondelle qui, d’ailleurs, a les reins fragiles. Après sa publication, des études contraires ont fleuri. Mais, surtout, elle peut avoir un effet paradoxal. Face à un renforcement de Nicolas Sarkozy, le peuple de Gauche peut faire front commun. Cette hypothèse, parfaitement plausible, est mauvaise pour Jean-Luc Mélenchon. Mauvaise pour Nicolas Sarkozy. Bonne pour François Hollande. La situation politique actuelle est parfaitement évidente. Une évidence aussi vieille que le scrutin majoritaire : le Malheur des Uns fait la Victoire d’un Autre.