28 Mai

Dans « Zadig », Emmanuel Macron évoque les Hautes-Pyrénées et le Lot pour parler de la France

Dans une interview accordée à la revue « Zadig », le Président évoque sa vision de la France et fait pas mal de référence à la région Occitanie. De ses vacances passées dans les Hautes-Pyrénées (pas seulement d’enfance chez sa grand-mère) à son attachement particulier au Lot. Extraits….

Emmanuel Macron au Pic du Midi le 26 juillet 2018. Photo Bob Edme MAXPPP

Un pouvoir trop centralisateur dirigé par un Président trop parisien, voilà souvent les deux reproches contre lesquels ont dû s’ériger les chefs d’Etat Français. Eric Fottorino et François Vey prennent donc soin dès l’entame de la rencontre de poser la cartographie de l’ancrage d’Emmanuel Macron.

Et ce dernier d’évoquer « une carte sensible entre deux pôles que sont Amiens et les Pyrénées ». Les Hautes-Pyrénées et Bagnères-de-Bigorre décrites comme « mon autre centre de gravité ». « A Campan, sur le col, vivent encore quelques-uns de mes meilleurs amis » raconte le Président avant de déclarer solennellement « Mais j’ai vu Bagnères-de-Bigorre s’arrêter ». Et Emmanuel Macron d’évoquer la désindustrialisation :

Puis, d’un seul coup, la ville s’est comme figée. Les jeunes ont de moins en moins trouvé d’emplois, ils sont partis. Je revenais chaque été et retrouvais la même ville. Elle s’était arrêtée dans sa prospérité, avant de se relancer avec le thermalisme qui draine une population plus âgée. » Emmanuel Macron dans « Zadig »

Les journalistes de Zadig lient alors dans leur questionnement les sorts des deux villes de cœur du Président, Amiens et Bagnères-de-Bigorre. Dans les deux cas, le créateur d’En Marche a  « connu une France inquiète ». Et évoquant à nouveau les Pyrénées :

J’ai alors connu les premiers cousins qui galèrent dans leur recherche d’emploi, qui ne retrouvent rien-aussi parce vivant dans les Pyrénées, ils ne veulent pas bouger de la vallée. (…) Une partie de ma famille pensait que tout continuerait comme avant. Quand l’activité s’est arrêtée, le choc a été total ». Emmanuel Macron dans « Zadig »

Désertification de certaines zones, sentiments d’abandon, autant de terreau fertile au mouvement des Gilets Jaunes qui va germer puis enflammer le pays. Les auteurs de l’entretien évoquent alors le livre-programme d’Emmanuel Macron, « Révolution ». Le Président dit y avoir évoqué plusieurs France.

Nous sommes une addition de pays  qui ont chacun leurs rapports historiques, je dirais même telluriques : dans les Hautes-Pyrénées, d’une vallée à l’autre, les habitants, les représentations sont très différents… » Emmanuel Macron dans « Zadig »

Pour essayer d’écouter à nouveau ce pays grondant, l’ancien énarque va alors organiser le grand débat. Parmi les villes où il ira l’animer : Souillac dans le Lot. Ce département n’a pas été choisi par hasard à l’image de « ces lieux qui peuvent nous faire comprendre, mieux que d’autres ce que nous sommes » l’interrogent Eric Fottorino et François Vey.

Il y a des villes et des départements où l’on peut prendre le pouls des choses. J’aime particulièrement, le Lot, Figeac, Cahors… Ce département a formidablement résisté, il a reconquis une activité industrielle, tout en gardant un grand rapport à l’histoire-avec des figures historiques incroyables comme Maurice Faure-, et on y retrouve une forme de ruralité heureuse. Je pense à Saint-Cirq-Lapopie. Breton y a eu cette phrase admirable qui dit tout de l’ancrage choisi : « j’ai cessé de me désirer ailleurs ». Ce sont des lieux qui permettent de comprendre ce qui est accepté en France et ce qui ne l’est pas. » Emmanuel Macron dans « Zadig »

Une évocation qui semble déjà résonner comme un air de campagne…présidentielle.

Patrick Noviello (@patnoviello)

Interview complète à retrouver dans le dernier numéro de la revue « Zadig » : « Ma France », grand entretien avec Emmanuel Macron par Eric Fottorino et François Vey.

07 Mai

10 mai 81 : la France de Mitterrand par l’historien aveyronnais Pierre-Marie Terral

C’est en rédigeant sa thèse sur le Larzac que Pierre-Marie Terral a commencé à rassembler des archives. Puis, il a décidé de raconter l’ancien président par les lieux où il est passé mais aussi ceux qu’il a voulu éviter. « Ni un « Mitterrand pour les nuls », ni « oui oui » », un ouvrage qui résonne aussi à un an de la Présidentielle.

François Mitterrand le 10 mai 1981 au soir de son élection au « Vieux Morvan » à Château-Chinon, ville dont il fut le maire PHOTO GERARD PROUST MAXPPP

« C’est Gérard Deruy, l’ancien maire de Millau qui a commencé à me parler de lui et à me faire faire passer des documents, puis Alain Fauconnier (NDR : ancien sénateur et maire de Saint-Affrique) » se souvient Pierre-Marie Terral. « Tous me racontaient un Mitterrand intime qui, sous couvert de meeting, avait en fait un lieu à venir visiter, comme l’orgue de Vabre l’Abbaye. On le lui avait décrit comme similaire à celui de Jarnac lieu de son enfance » explique le professeur de lycée.

Un Larzac qu’il connut bien

Quand Mitterrand débarque sur le Larzac en 1974, pour participer à un rassemblement, il essuie des jets de pierres et de bouteilles par des militants d’extrême-droite. « Ces lieux où il est pris à partie, il les décrit remarquablement bien dans « la paille et le grain » » raconte Pierre-Marie Terral.

Et pour cause, il les connaît déjà. Il y est venu l’été précédent, en promenade, avec Anne Pingeot, notamment du côté de La Couvertoirade. « C’est en découvrant les « Lettres à Anne » que je m’en suis rendu compte » explique l’auteur de « François Mitterrand : un roman français ».

Le sens de la formule

L’historien n’oublie pas le sens de la formule de la figure socialiste. « Quand en 1982, une fois élu, il revient à Rodez où il est acclamé par ses mêmes paysans du Larzac, il leur lance : « nous nous devons une victoire réciproque » ».

Ce livre montre l’habileté qu’avait Mitterrand à «être de partout », lui qui a sillonné toute la France. Un aspect qui a séduit (et inspiré) François Hollande. Le dernier Président Socialiste signe d’ailleurs la préface de l’ouvrage. Un ouvrage qui expose donc les lieux où Mitterrand est passé ou a vécu mais aussi ceux qu’il a voulu éviter.

Une habileté à être « de partout »

« Il est remarquable de noter les détours qu’il a été capable de faire pour ne pas remettre un pied à Vichy ». Autre lieu évité soigneusement : l’observatoire. Le Président socialiste va aussi plus systématiquement visiter les villages et les églises que les cités où veut le traîner Pierre Joxe.

Le livre raconte aussi une certaine vision de la France. Un pays que le promoteur de « La force tranquille » et des villages à clochers va voir évoluer malgré lui. « Par conservatisme, il a été réticent à certains aménagements routiers ou autoroutiers pour ne pas voir changer des paysages, lui qui aimer voyager en micheline mais qui a inauguré le TGV » explique Pierre-Marie Terral.

Pierre-Marie Terral, auteur de « François Mitterrand, un roman français »/Photo DR

Alors à un an de la prochaine présidentielle, que nous apprend ce portrait en format paysage ? « Avec Mitterrand, on voit comment pendant des décennies, on peut être tourné vers un objectif, devenir Président. Aujourd’hui, on arrive à accéder à cette fonction en quelques mois, grâce à des réseaux et au numérique, sans avoir forcément parcouru la France » analyse l’historien aveyronnais.

« François Mitterrand, un roman français » de Pierre-Marie Terral, Mareuil Editions