Un député En Marche de la Haute-Garonne se présente comme un ancien cadre dirigeant d’une multinationale. En réalité, Michaël Nogal était un « simple » salarié du service de communication.
Michaël Nogal. Député de la Haute-Garonne. Photo MaxPPP/Isorel
Sur le réseau professionnel Linkedln ou dans la presse, Michaël Nogal met en avant son statut d’ancien responsable des relations institutionnelles d’un grand groupe agroalimentaire. Selon nos informations, lors de sa candidature à l’investiture, l’actuel député de la Haute-Garonne a également insisté sur son parcours au sein de l’équipe dirigeante d’Orangina Suntory France. Face aux instances nationales du parti « macroniste », Michaël Nogal, a évoqué son activité dans un groupe présent sur les 4 continents et fort de 42 000 collaborateurs.
Un tel pedigree ne manque pas de poids. Un profil de « top manager » correspond à l’ADN de La République En Marche. La « culture d’entreprise » est ouvertement revendiquée et de nombreux Marcheurs sont issus de l’encadrement de grandes entreprises. Le fait de valoriser un CV de cadre dirigeant présente un autre avantage s’agissant du cas particulier de Michaël Nogal. L’actuel député de la Haute-Garonne est un des plus jeunes élus de la nouvelle Assemblée. Un pedigree prestigieux permet de « contrebalancer » un manque d’expérience et d’incarner un vieux proverbe : la valeur n’attend pas le nombre des années.
« Mini » salaire pour un poste de « direction »
Problème, la mise en scène n’est pas vraiment conforme à la réalité des faits. Michaël Nogal vient de déclarer ses revenus pour ses années Orangina Suntory France à la Haute Autorité Pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Les sommes en question représentent, pour les années 2015 et 2017, 3750 euros brut annuel. Michaël Nogal précise que ces sommes correspondent à deux mois de travail. L’ex salarié a travaillé 1 an et 4 mois pour la multinationale spécialisée dans les boissons. Les 2 fois 3750 euros sont les premiers et les derniers versements d’un contrat de travail qui débute en décembre 2015 et s’achève en janvier 2017.
Le plus important est le montant de la rémunération mensuelle : 2903 euros net.
C’est un bon salaire surtout pour un jeune salarié. Un jeune salarié qui, de surcroît, ne peut pas monnayer le diplôme d’une grande école de commerce ou de communication. Orangina Suntory France recrute parmi les diplômés d’HEC ou de Sciences Po, des anciens élèves de Sup de Co. Michaël Nogal a fait sa scolarité dans une établissement privé, l‘ISCOM.
L’ancien collaborateur d’Orangina a côtoyé les cénacles socialistes. Avant d’intégrer l’entreprise, Michaël Nogal a notamment été l’assistant parlementaire de l’ex numéro 2 du PS, Christophe Borgel. C’est d’ailleurs le parrainage avec cette figure socialiste, qui lui permet de décrocher un poste à l’exposition universelle de Milan et, « à titre dérogatoire et exceptionnel« , la médaille du Mérite Agricole.
Grace à ce parcours, Michaël Nogal peut « vendre » à Orangina un carnet d’adresse, des entrées dans le milieu politique, une expérience d’un peu plus d’un an dans une agence de communication et 6 mois dans les arcanes d’une exposition universelle.
Le parcours du jeune député est plutôt réussi. Un militant politique, qui ne passe pas par l’ascenseur d’une grande école et qui finit par décrocher un contrat dans un grand groupe, c’est une vraie trajectoire. Mais, au regard des règles du marché du travail, ce profil ne permet pas de décrocher la lune : intégrer, à 25 ans, le top management d’une multinationale.
Dans ces conditions, le salaire, proche des 3000 euros net, est plus que convenable. Selon un professionnel de la communication, le salaire pour un communiquant junior se situe dans une fourchette entre 1500 et 2200 euros. Mais, en revanche, elle ne cadre pas avec les déclarations de Michaël Nogal sur un poste de manager. Surtout dans un grand groupe international.
Selon le magazine Challenge, la rémunération brute annuelle d’un responsable de la communication dans une grande entreprise est de 133 600 euros. Le salaire mensuel moyen (en net) est de 11 333 euros.
Les revenus déclarés par le député de la Haute-Garonne sont très nettement inférieurs à ce seuil. L’ancien salarié d’Orangina a peut-être mal négocié son embauche et a cassé les prix du marché. Si c’est le cas, l’ancien « directeur » des relations institutionnelles (en charge selon ses dires du lobbying) a été le manager le moins bien rémunéré de France.
A moins que l’explication de cette « bizarrie » ne se trouve ailleurs.
Un « simple » poste de chargé de communication
Une source confirme les évidences inscrites dans les chiffres communiqués par Michaël Nogal à la HATVP. Le jeune député a été stagiaire au sein du groupe Orangina Suntory France. Mais cette même source indique que le stage a débouché sur un contrat de travail. Contrairement aux affirmations de Michaël Nogal, il ne s’agit pas de la direction des affaires institutionnelles et encore moins d’un travail de lobbyste. Et pour cause. Orangina Suntory France n’emploie pas de lobbystes. Le groupe recourt uniquement à des prestataires extérieurs réputés et expérimentés.
Michaël Nogal a vu rouge lorsque son passé de lobbyste a été rappelé dans la presse. Mais, en vérité, il n’a pas pu exercer une fonction qui n’existe pas dans l’organigramme du groupe dont il a été le salarié.
Avant de démissionner pour se consacrer à la politique, Michaël Nogal travaillait, selon nos informations, au sein d’un service composé de deux adjoints, un pour la presse et un autre s’agissant des relations institutionnelles. Il a été recruté dans un service dirigé par la directrice des Relations Extérieures et du Développement Durable, Héloïse Tarraud. Il a, d’ailleurs, laissé un bon souvenir de son passage dans l’entreprise et sa démission (sous forme de rupture conventionnelle) a surpris sa hiérarchie.
Selon nos informations, après son départ, Michaël Nogal a maintenu un contact avec son ex-employeur. La direction d’Orangina est plutôt satisfaite de compter dans son entourage un vice-président de la commission Economique. Cela peut toujours être utile. Mais, s’agissant de l’ancien poste occupé par le nouveau député aucun doute : un salarié, sans responsabilité managériale ni budget à gérer ou équipe a coaché.
Cette version des faits est conforme à la rémunération déclarée par le parlementaire : 45 000 euros annuel brut pour 2016. Cette rémunération correspond à un salaire mensuel net de 2888 euros. C’est un salaire supérieur à la rémunération d’un chargé de communication junior. Mais on est très largement en dessous d’un salaire pour un cadre dirigeant.
Michaël Nogal ne s’est pas inventé un diplôme. Il n’a pas menti sur son passage dans un grand groupe. Il a simplement « gonflé » son CV.
C’est un simple « pêché » d’orgueil. Mais il fait tâche lorsque l’on appartient à un parti qui vante le renouvellement des pratiques politiques. Comme l’immense majorité des députés de la nouvelle majorité, Michaël Nogal doit son élection à une étiquette Macron. Les électeurs n’ont pas été séduits par un parcours professionnel. Il était inutile d’en rajouter.
Toute cette affaire a, comme le dirait Emmanuel Macron, un côté « croquignolesque ».
Michaël Nogal est rattrapé par ses propres déclarations à la Haute Autorité.
Des déclarations publiques et consultables en ligne. Ca s’appelle un « effet boomerang ».
Laurent Dubois (@laurentdub)
Réponse de Monsieur Mickaël NOGAL (en application de l’article 6 IV de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique et son Décret d’application n°2007-1527 du 24 octobre 2007) à l’article intitulé « le député En Marche ! Michaël Nogal a gonflé son CV »
« Après plusieurs expériences professionnelles dans le domaine de la communication notamment, j’ai été embauché, au mois de décembre 2015, par la société Orangina Suntory France en qualité de responsable des relations institutionnelles. Je n’ai pas effectué de stage au sein de cette entreprise.
J’étais chargé de représenter l’entreprise dans ses relations avec les fédérations professionnelles, pouvoirs publics et élus et travaillais directement avec les membres de son comité de direction.
Ainsi que plusieurs salariés de l’entreprise Orangina Suntory France l’ont spontanément écrit sur les réseaux sociaux à la suite de la publication d’un démenti par mes soins, j’ai occupé un poste à responsabilité au sein de cette entreprise.
En revanche, contrairement à ce qui est indiqué dans l’article litigieux, je ne me suis à aucun moment présenté comme ayant été un « cadre dirigeant » de cette entreprise ou comme y ayant occupé un « poste de direction ».
Sur ma candidature à l’investiture En Marche ! pour les élections législatives 2017, sur ma déclaration d’intérêts et d’activités à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) ainsi que sur mon profil Linkedin, j’ai uniquement mentionné avoir occupé le poste de responsable des relations institutionnelles au sein de la société Orangina Suntory France, conformément à ce qui figure sur mon contrat de travail et sur mes bulletins de salaire.
Je n’ai donc nullement « gonflé mon CV ». Les déclarations que j’ai faites en lien avec le poste que j’ai occupé au sein de la société Orangina Suntory France sont strictement exactes ».