Samedi 2 décembre au Mans, Benoît Hamon a lancé son mouvement. Des débats, une charte, des invités d’autres formations de gauche. Mais « Génération.s » reste un mouvement et pas un parti. Est-ce la bonne stratégie ? Et la méthode change-t-elle véritablement de la création d ‘une formation politique « classique » ? Eléments de réponse.
Benoît Hamon, lors de la création de son mouvement, samedi 2 septembre, au Mans. Photo AFP Jean-François Monnier.
« C’était vivifiant ». Christophe Lubac, un des porte-paroles du mouvement de Benoît Hamon en Haute-Garonne ne boude pas son plaisir. « Cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas réuni dans une telle ambiance pour débattre sereinement » reconnaît volontiers le maire socialiste de Ramonville. Même son de cloche du côté de Salah Amokrane présent aussi dans la Sarthe samedi 2 décembre. « Moi j’ai vraiment ressenti un état d’esprit, du plaisir à se remettre en politique, autour d’un projet commun » témoigne celui qui était le conseiller «justice sociale et égalité » de Benoît Hamon pour la Présidentielle.
Ce que Christophe Lubac retient avant tout de la journée du Mans, c’est la rédaction de la charte de Génération.s à laquelle 1500 personnes ont collaboré. « Cette charte s’inscrit dans un héritage : Jaurès, Blum, le mouvement ouvrier… Nous sommes socialistes et écologistes ». « La charte a été lue ligne par ligne, pendant deux heures, avec parfois des amendements et un vrai élan collectif. Un moment fort » retient Salah Amokrane.
Egalement invité samedi au Mans Manuel Bompard se veut plus nuancé. Pour le directeur des campagnes de La France Insoumise « c’était très classique ». « Nous sommes tous confrontés à cela, même La France Insoumise, qui, je le dis sans arrogance, a ouvert la voie en terme de création de mouvement plutôt que de parti ». Mais l’ancien candidat aux Législatives en Haute-Garonne ne veut pas avoir de propos négatifs à l’égard de Génération.s. « Plus il y a de gens qui s’engagent face à la politique du gouvernement, mieux c’est ».
Maintenant, élargir la base »
Et côté terrain, comment cela se passe ? « Il n’y a pas de véritable coordination régionale mais on sent qu’il y a une dynamique. C’est un mouvement, donc ça reste très libre » explique Christophe Lubac. Sous-entendu, comme personne n’est obligé de prendre une carte pour participer, le nombre d’adhérents n’est pas forcément représentatif. « Si on prend la Haute-Garonne, on a un bon noyau dur, principalement ceux qui se sont reconnus au moment de la Primaire et de la campagne Présidentielle » reconnaît Salah Amokrane.
Dans les colonnes de Libération ce lundi 4 décembre l’ex socialiste Pascal Cherki reconnait une faiblesse au mouvement : son homogénéité. Samedi, au Mans, « iI n’y avait pas beaucoup de couleurs dans le public, nous devons trouver le moyen d’élargir notre base ». L’analyse est partagée par Salah Amokrane : « On est effectivement sur une sociologie plutôt classe moyenne. La question de l’égalité dans tous ses aspects et d’une société française harmonieuse qui accepte son multiculturalisme c’est l’un de mes enjeux prioritaires. Maintenant il faut aller chercher les gens ».
Etre au PS et à Génération.s ? »
Le mouvement revendique nationalement 42 200 adhérents Mais alors pourquoi Génération.s réussirait là où le PS voire la gauche plurielle ont échoué ? « Il n’y a pas de vérité. Celui qui dit la détenir ment. Je dis simplement que nous sommes quatre générations en même temps, avec surtout des jeunes. Et ces jeunes ne se seraient pas forcément investis au PS, peut-être à tort d’ailleurs » explique Christophe Lubac.
Justement être encore au PS et adhérer à « Génération.s » compatible ? « Moi je suis encore au PS et inscrit dans le mouvement Génération.s. On concourt tous à faire gagner la gauche demain » affirme Christophe Lubac qui a compris que pour son 1er Fédéral, le plus important était de « reconstruire le PS », pas d’en chasser les militants. « Le PS se veut encore la maison commune » assure Sébastien Vincini.
« Alors qu’on travaille à la refondation et que certains camarades estiment utiles de regarder ailleurs, je refuse de prendre une position fermée » tempère-t-il. Et si Génération.s devient un parti ? « Bien entendu, il y aura une étape où il faudra clarifier. Mais à terme, personne ne gagnera seul » assure le patron du PS31.
Faire à nouveau gagner la gauche »
« Ce qui est aussi intéressant avec la création de ce mouvement c’est que certains, notamment au PS, clarifient leur position par rapport au gouvernement » reconnaît Manuel Bompard. Alors une question revient à l’esprit : combien des 7% de Benoît Hamon à la Présidentielle auraient pu voter Mélenchon ? L’ancien candidat LFI aux Législatives ne veut pas refaire le match. « On ne fait de la politique en regardant dans le rétro ». Alors quid d’un front uni de la gauche lors de prochains scrutins ?
« Nous sommes proches de Génération.s sur certaines idées comme la transition écologique, un combat que l’on peut mener ensemble » explique Manuel Bompard. D’ailleurs les mélenchonistes invitent les hamonistes à leur votation citoyenne pour sortir du nucléaire le 11 mars prochain, jour anniversaire de Fukushima.
Désunion Européenne »
En revanche, un gros point de divergence subsiste depuis la Présidentielle entre LFI et « génération.s » : l’Europe. Christophe Lubac qualifie de trop « nationaliste » la position de Jean-Luc Mélenchon. Manuel Bompard, lui, préfère voir une avancée sur la question chez Benoît Hamon. « Il s’est interrogé sur « jusqu’où peut-on rester ou sortir du jeu ». J’attends qu’il clarifie sa position. Est-il prêt à instaurer un réel rapport de force avec l’Union Européenne et sortir des déclarations d’intention non suivis d’effet de François Hollande » s’interroge le conseiller de Jean-Luc Mélenchon.
« Le collectif départemental (NDLR : de Haute-Garonne) va continuer à travailler avec tout le monde en proposant des débats ouverts » assure Christophe Lubac. Une alliance avec LFI ok mais pour quoi faire ? Notre question primordiale aujourd’hui c’est quelle maison commune veut-on créer pour faire regagner la gauche. Le mouvement c’est d’abord construire un socle commun. Un parti, c’est présenter des candidats aux élections. Ça, ça viendra en 2019 » conclut Christophe Lubac. En revanche, pas évident que les Européennes constituent le meilleur scrutin pour resserrer les troupes à gauche…
Patrick Noviello (@patnoviello)