Mardi 10 novembre, le ministère de l’Intérieur a enregistré la candidature de Dominique Reynié. D’après nos informations, cette décision ne repose pas sur une analyse juridique. C’est une validation politique, prise au plus haut niveau de l’Etat. Celui de Matignon et de Manuel Valls.
Une note technique est en cours de rédaction, dans les services de la place Beauvau, depuis le lundi 9 novembre. Elle n’était pas terminée au moment de l’officialisation de la candidature de Dominique Reynié, le 10 novembre en fin d’après-midi.
Fin du suspens. Depuis le 22 octobre et les révélations du site de France3 Midi-Pyrénées, le doute planait sur « l’inégibilité » du candidat Républicain. Officiellement le dossier est clos. Mais l’affaire est loin d’être terminée. Le mercredi 11 novembre, le lendemain de l’officialisation de la candidature de Dominique Reynié, le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde déclare, dans les colonnes d’un quotidien régional : «d’autres (NDLR : membres de l’UDI) voulaient le poursuivre devant les tribunaux en raison du caractère discutable de son éligibilité ».
Drôle d’ambiance. La préfecture est censée avoir « soldé » les doutes en se livrant à un examen rigoureux du dossier Reynié. Quelques heures après le verdict, la suspicion refait surface.
On peut toujours réduire les propos du président de l’UDI à de l’acharnement politico-médiatique. Mais un fait est troublant. Le ministère de l’Intérieur n’a pas pu appuyer sa décision sur une expertise juridique.
D’après nos informations, ce n’est pas le préfet qui a pris la décision. D’ailleurs, c’est une bonne chose pour lui. Un haut responsable de droite a eu la maladresse d’avoué : « Je connais bien Mailhos, il va arranger cela et nous trouver une solution ». Le fait que Paris ait pris la main va éviter un procès d’intention au préfet de Région.
L’affaire Reynié a pris une dimension nationale depuis la fin de la semaine dernière.
Un échange téléphonique entre Manuel Valls et un responsable régional de premier plan a eu lieu. Mais le dossier est véritablement «remonté » à Paris le lundi 9 novembre.
La procédure était prévisible. Et même normale.
Ce qui l’est beaucoup moins, c’est que la validation de la candidature Reynié ait été faite sans que l’expertise juridique soit achevée. Le préfet de Région aurait dû s’appuyer sur une note technique de Beauvau. D’après un ancien haut fonctionnaire, « jamais le préfet n’aura pris la décision sans se couvrir. La décision a été prise par sa hiérarchie et, vu la nature du dossier, le ministre de l’Intérieur n’a pas tranché sans en avoir référé à Valls ».
Bref, les considérations d’opportunité et politiques ont pris le dessus.
Il faut dire qu’elles étaient lourdes. Une invalidation de Dominique Reynié aurait pu priver la droite d’une participation aux Régionales. En effet, le dépôt d’une nouvelle liste était impossible. Le guichet de la préfecture est fermé depuis le 9 novembre midi.
Evidemment, une gestion en amont aurait évité cette impasse. Depuis une quinzaine de jours toute la presse nationale et régionale parle de l’affaire Reynié. De nombreuses pièces sont sur la place publique. Il était parfaitement possible d’anticiper et d’éviter une situation ubuesque.
Dominique Reynié (Photo : MaxPPP)
Un candidat est soupçonné d’être inscrit frauduleusement sur les listes électorales. Mais, sans avoir expertisé le dossier, on le laisse participer à un scrutin qui concerne des millions d’électeurs, sur un territoire aussi étendu que l’Autriche.
Malgré des clignotants au rouge, les pouvoirs publics ont attendu la toute dernière ligne droite pour ouvrir le dossier Reynié. Un dossier qui pourrait conduire 4 millions d’électeurs à revoter et qui pourrait coûter plusieurs millions d’euros à l’Etat en frais électoraux.
Sans parler d’un terrible discrédit sur les deux principaux partis du pays : un gouvernement socialiste totalement dépassé et qui laisse « passer » et des Républicains « frivoles » incapables de contrôler le sérieux de ses candidats. Belle idée pour faire monter un FN !!
Sur le fond, le dossier n’est pas évident.
Le cas Reynié est inédit. A la différence des autres élections, le scrutin des Régionales se déroule sur des bases départementales. Une éventuelle déclaration d’inégibilité (par les tribunaux, après le scrutin) serait limitée à Dominique Reynié. C’est la thèse d’un haut responsable de la droite et de plusieurs personnalités socialistes.
Mais, pour plusieurs avocats, un membre du Conseil d’Etat et d’autres responsables politiques, le fait que Dominique Reynié soit une tête de liste régionale va forcément influencer le scrutin et conduit fatalement (conformément à une jurisprudence constante) à une annulation de l’élection.
Dominique Reynié risque de passer à la postérité dans les manuels de droit électoral.
Ces incertitudes n’auraient pas dû se conclure par un : « on laisse passer et on verra en cas de recours ». Elles devaient conduire à l’application d’un principe de précaution avec une véritable expertise.
Heureusement, il reste un filet de sécurité. Manuel Valls peut toujours appeler un à un tous les requérants qui pourraient porter l’affaire Reynié en justice.
Il peut commencer par téléphoner au sénateur Jean-Pierre Grand. Le parlementaire a toujours déclaré publiquement qu’il sera le premier à déposer un recours, le 14 décembre au matin.
Laurent Dubois