Ce goût amer au fond de la gorge, cette aigreur qui monte et donne envie de crier. Nous l’avions déjà ressentie. C’était en mars 2012. Mohamed Mérah, celui qui était qualifié alors de « loup solitaire » abattait, lui aussi froidement, des enfants, des militaires, des êtres humains. « Aujourd’hui, qu’on ne nous parle pas de loup solitaire » s’emportait ce matin un criminologue sur France Info. Il a bien évidemment raison. La France semble désormais plongée, au-delà de l’Etat d’Urgence, dans une situation de terreur qui peut être amenée s’installer.
Oui nous avons peur, ne nous le cachons pas. Mais comme lors des évènements qui ont visé « Charlie Hebdo » et l’hypermarché Casher en janvier dernier, une certaine forme de solidarité nationale doit prendre le pas. A peine le temps de réfléchir sur les valeurs que doit brandir la République, que l’horreur nous oblige à nous pencher à nouveau sur ce qui doit faire les fondations de notre société. Les frontières vont se refermer, ici entre nous et l’Espagne notamment, une appréhension va s’insinuer et pourtant…
Si nous cessons de vivre, ils auront gagné. Mais désormais plus rien ne sera vraiment comme avant, avouons-le. De nombreuses voix s’élèvent pour parler de « guerre » sur notre propre territoire. La dernière déclaration de l’Etat d’urgence sur l’ensemble du territoire remonte à 1961 lors du putsch des généraux lors de la guerre d’Algérie. A Toulouse, nous avons vécu le plan Vigipirate « écarlate », les enfants interdits de récréation lorsque la cour de leur école donnait sur la rue. Nous avons passé des heures sous la menace d’un mystérieux « tueur au scooter », à nous retourner dans la rue, méfiants, lorsque qu’un deux-roues nous frôlait. Ce qui se passe aujourd’hui n’est donc hélas pas nouveau pour nous.
Alors évidemment pour l’instant, nous sommes faibles car tristes pour toutes les victimes parisiennes et leurs familles. Mais nous devons trouver en nous les ressources pour faire face. Et cela doit passer par la poursuite du processus démocratique. Aujourd’hui, la campagne est logiquement suspendue. Lors de l’affaire Mérah, nous étions en pleine bataille pour la Présidentielle, les candidats d’alors avaient su mettre leur adversité sous silence pour s’unir, notamment dans la cour de la caserne de Montauban lors de l’hommage rendu aux trois soldats assassinés et leur camarade grièvement blessé.
Maintenant, la donne est différente. Le scrutin régional est proche. Il aura lieu dans à peine trois semaines. Le risque évident est qu’il se nationalise mais, d’un autre côté, comment faire comme s’il ne s’était rien passé ? Les urnes devront également être certainement sécurisées, alors que les rues des villes seront remplies pour les achats de fin d’année. Ne parlons pas aujourd’hui des conséquences politiques que pourrait avoir le drame que nous venons de vivre. Le 1er tour arrive mais laissons-nous encore un temps de recueillement.
Patrick Noviello