La réunion qui devait décider de la redistribution des dividendes (17,5 millions) réclamée par les actionnaires chinois (Casil, 49 ,9% des parts) a été reportée. Plusieurs avantages à cela. D’abord c’est le moyen de ne froisser personne. Ensuite les actionnaires publics opposés à cette redistribution de bénéfices auraient pu parler à presse et dénoncer le comportement du partenaire privé créant ainsi une division. Enfin, l’Etat détenteur de 10,1% d’actions aurait été obligé de se positionner.
« Des considérations extérieures à l’entreprise pourraient interférer avec les débats ». Ainsi le directoire de l’aéroport justifie, dans un communiqué, le report de son Assemblée Générale. La lettre ouverte du président du Conseil Economique et Social Régional au Ministre de l’économie fait-elle partie de ces considérations ? Quoi qu’il en soit Jean-Louis Chauzy n’a pas mâché ses mots dans son courrier daté de lundi envoyé à Emmanuel Macron.
Où sont passés les investissements promis ?
« Aujourd’hui, l’actionnaire majoritaire au conseil de surveillance veut puiser dans les fonds propres de la société pour la rémunération des actionnaires ». Et le président du CESR d’expliquer que ce serait dangereux pour l’équilibre financier de la structure et de dénoncer l’attitude des partenaires chinois : « Dans sa campagne de séduction des collectivités, des acteurs économiques et de l’Etat, le groupe chinois s’était engagé à investir dans différents projets, notamment dans les infrastructures…à ce jour rien n’est venu ».
Une fois cela noté noir sur blanc, ce que veut aussi Jean-Louis Chauzy, c’est que l’Etat se positionne. Il appelle le Ministre à ce que « l’Etat préserve les 10,1% de parts qu’il détient dans ce montage financier et qu’il soit tenu compte de cette situation des concessions pour les aéroports de Nice et Lyon ». Parce que l’enjeu véritable de ce débat est là. L’aéroport de Toulouse-Blagnac est pour l’heure un exemple unique en France de montage financier public-privé d’une telle infrastructure de transport.
Beaucoup de salive pour 9 millions
Lors de sa conférence de presse de ce matin, la présidente du conseil de surveillance de l’aéroport a mis l’accent sur le fait que les actionnaires chinois ne souhaitaient se reverser au final que 9 millions d’euros : « Vous ne trouvez pas que ça fait beaucoup de salive ? » ironise Anne-Marie Idrac. Seul hic pour un des actionnaires publics locaux « ce n’est pas une question d’argent mais de principe ! ». Sous-entendu, un partenaire fraichement arrivé ne peut se reverser des bénéfices qu’il n’a pas contribué à produire.
Toujours lors de cette conférence de presse Anne-Marie Idrac a qualifié de « perturbations exogènes » ce qui l’a décidée à ajourner l’AG : « Une AG n’est pas une tribune politique(…) Une AG n’est pas quelque chose qui se positionne sur la place publique. Ça ne se tient pas en plein vent ! » Mais qui visait-elle puisqu’aucun représentant des actionnaires n’a accepté de nous parler face caméra à ce jour, hormis elle ? Sauf que si cette AG s’était tenue et qu’elle faisait des mécontents, sans aucun doute les micros et caméras seraient apparus comme bienvenus pour certains. Est-ce cela que redoutait la présidente du conseil de surveillance qui pointe tout de même « certains représentants des collectivités qui font un autre débat » ?
Le jour où l’Etat ne sera plus là
Au-delà de cette question à trancher sur la redistribution des bénéfices, un autre point était à l’ordre du jour : « une réforme des statuts sur lesquels les collectivités et la CCI obtiendraient d’avantage de droits que du temps de l’Etat » avance Anne-Marie Idrac. Elle évoque même « une majorité de blocage des deux tiers dans toutes les circonstances et quoi qu’il puisse arriver à l’avenir, en particulier le jour où l’Etat ne sera plus là ». Seulement pour avoir cette majorité de blocage, il faut que tous les acteurs publics locaux s’entendent…
Or aujourd’hui, pour revenir à la polémique sur la redistribution des dividendes, c’est loin d’être le cas. Deux collectivités y sont clairement opposées : la Région et le Département de Haute-Garonne. Deux autres acteurs publics n’ont pas pris position : la Métropole toulousaine et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Toulouse. Une division qui aurait là encore pu éclater au grand jour s’il y avait eu A.G. « Et si nous sommes divisés, il sera évidemment plus facile pour l’Etat de donner raison aux actionnaires chinois en disant : « vous n’aviez qu’à vous mettre d’accord » » prévoient déjà certains.
Patrick Noviello