Guerre d’influence et bataille autour des investitures à En Marche dans le Tarn. La maire (DVD) d’Albi est la candidate d’une partie du Mouvement. Mais une élue municipale, estampillée En Marche, est également en piste et bénéficie du soutien de personnalités de la majorité présidentielle.
Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi Photo : France3
Philippe Folliot, député du Tarn et président d’Alliance Centriste, estime « qu’il est beaucoup trop tôt pour s’exprimer sur cette question car LREM comme Alliance Centriste n’ont pas arrêté leurs positions. En tout état de cause une décision collective sera prise dans quelques semaines pour Albi comme pour Castres ». Le référent départemental d’En Marche, Raphaël Bernardin, est sur la même ligne : « pas de positionnement actuel sur Albi ».
En attendant, depuis plusieurs semaines, les grandes manœuvres sont lancées.
Le sponsor de la députée Verdier-Jouclas
Contacté par France 3 Occitanie, Marie-Christine Verdier-Jouclas, ne souhaite pas répondre. Mais, selon nos informations, la députée est très active sur le dossier. Plusieurs sources internes à En Marche évoquent un lobbying intense en faveur de la maire (sortante) d’Albi. Marie-Christine Verdier-Jouclas présente cette option comme le seul choix possible. Un membre de son entourage estime que la parlementaire a conscience de ses limites. Si Paris et les instances nationales d’En Marche formulent un autre choix, elle se pliera à la décision.
Le soutien de Marie-Christine Verdier-Jouclas repose sur des raisons objectives. Depuis son élection la députée cherche à asseoir (avec le soutien de Pierre Verdier) son leadership politique sur le département. Son activisme sur les municipales albigeoises est également lié à une volonté : travailler avec la maire de la ville préfecture.
Pour justifier son choix, Marie-Christine Verdier-Jouclas, peut mettre en avant le profil de son candidate ou plutôt la composition de son conseil municipal. Stéphanie Guiraud-Chaumeil est sans étiquette. Mais, surtout, elle a des Marcheurs dans son équipe. Le torchon brûle avec l’un d’entre eux, Bruno Crusel. Sa reconduction sur la liste, en 2020, est remise en question. Mais il reste deux membres d’En Marche ! (Sylvie Bascoul-Vialard, Naïma Marengo) aux côtés de Stéphanie Guiraud-Chaumeil.
Un point peut toutefois gripper une investiture En Marche. La garde rapprochée de Stéphanie Guiraud-Chaumeil (notamment son 1er adjoint Michel Franques) est membre du parti de Laurent Wauquiez. Pendant la présidentielle, Stéphanie Guiraud-Chaumeil était au premier rang d’un meeting de François Fillon. Bref, la maire d’Albi penche à droite. Cette inclinaison agace une partie des Marcheurs albigeois. Des Marcheurs qui sont majoritairement des ex-socialistes.
Au delà des susceptibilités politiques et des sensibilités partisanes, la côté « droitier » de Stéphanie Guiraud-Chaumeil pose un problème tactique. Une investiture En Marche peut-elle conduire à la constitution d’une liste LR ? Selon un membre de la droite locale, la question embarrasse les membres LR de l’équipe municipale : « ils sont très e…ils ne veulent pas perdre la mairie ».
Un proche de Laurent Wauquiez estime que la présence de LR sur une liste estampillée En Marche n’est pas une difficulté. « Le vrai problème, c’est pour les têtes de liste LR qui se retrouveraient avec une étiquette En Marche, ça ce n’est pas possible. En revanche, des Républicains sur une liste En Marche ce n’est pas choquant. On a toujours pratiqué l’ouverture et la diversité sur nos listes municipales ».
En réalité, le vrai obstacle a un ticket « Guiraud-Chaumeil/En Marche » est interne. Le choix de la députée Verdier-Jouclas se heurte à une candidature issue des rangs d’En Marche : Muriel Roques-Etienne.
La concurrence d’une candidature interne à En Marche
A Toulouse, les velléités locales se heurtent à l’absence d’un candidat naturel. Des députés de la Haute-Garonne et le référent départemental veulent constituer une liste face à Jean-Luc Moudenc. Dans le Tarn, le terrain est a priori déblayé. En Marche dispose d’une candidature interne. Muriel Etienne-Roques est une « historique » du mouvement. L’élue municipale a adhéré à En Marche dès sa création, plusieurs mois avant l’élection d’Emmanuel Macron.
Avant et après sa démission du poste d’adjoint à la mairie d’Albi, Muriel Etienne-Roque a participé à la vie du mouvement « macroniste ». Suppléante du député Philippe Folliot, l’élue albigeoise est également très présente sur la 1ere circonscription. Une circonscription qui intègre la cité albigeoise. Une investiture de Muriel Etienne Roque bénéficie également de points d’appui. Dans l’appareil départemental du parti, l’élue En Marche peut bénéficier du soutien (indirect) du référent départemental (Raphaël Bernardin) et du secrétaire général du mouvement (Jean-Paul Pradalié). Ces deux responsables sont proches du député Jean Terlier. Le représentant de la 3ème circonscription ne s’implique pas vraiment dans les municipales albigeoises. Mais il entretient des relations cordiales avec Muriel Roques-Etienne.
L’élue albigeoise bénéficie également du soutien du sénateur, Philippe Bonnecarrère. Il existe une vraie proximité politique entre l’ancien maire d’Albi et Muriel Roques-Etienne.
Ce « parrainage » a toutefois une contrepartie. Elle transforme l’investiture de Muriel Roques-Etienne en duel à distance. Philippe Bonnecarrère est désormais en guerre ouverte avec celle qu’il a installé à la maire d’Albi. Le fait de défendre la candidature de Muriel Roques-Etienne réactive et renforce le conflit avec Stéphanie Guiraud-Chaumeil.
Au final, l’issue viendra de Paris. En Marche est une structure hyper-centralisée. Les acteurs locaux peuvent jouer de leur influence. Mais la décision finale appartient au staff Macron. Le conseiller politique du chef de l’Etat, Stéphane Séjourné, joue un rôle central. Il a d’ailleurs été « approché » par la député Verdier-Jouclas. Mais le résultat relève quasiment de la « boite noire ». Difficile de mesurer l’impact du lobbying des uns et des autres.
A priori, Muriel Roques-Etienne peut compter sur le sens de la diplomatie et la finesse politique de Philippe Bonnecarrère. Elle bénéficie également du poids politique du président d’Alliance Centriste, Philippe Folliot. Mais, en face, elle trouve le tempérament de « bulldozer » de la députée Verdier-Jouclas. La députée tarnaise agace parfois son président de groupe parlementaire, Richard Ferrand, et ses collègues députés. Ils lui reprochent principalement une « agitation » tous azimuts : cascades d‘amendements qui ne sont pas ensuite défendus, exigence d’intervention sur l’apprentissage alors que Marie-Christine Verdie-Jouclas n’appartient pas à la commission compétente à savoir les affaires sociales…
Malgré tout, Marie-Christine Verdier-Jouclas fait profiter sa candidate, Stéphanie Guiraud-Chaumeil, de son statut de parlementaire de la majorité. Ce n’est pas rien.Est-ce suffisant ?
A suivre.
Laurent Dubois (@laurentdub)