Doit-on laisser une chance à la paix et unir ses forces face aux intégristes même s’il s’agit de parler avec les représentants d’un dictateur ? Ou au contraire doit-on ne pas bouger d’un iota au risque de voir le terrorisme et la guerre progresser ? Voilà la problématique que pose l’initiative prise par Gérard Bapt de se rendre à Damas.
Le député de Haute-Garonne s’est rendu, sans y être mandaté officiellement mais « en ayant prévenu l’Elysée », en visite en Syrie. « Une visite privée » précise-t-il avec un « engagement moral » de ne pas rencontrer Bachar al-Assad. Un président syrien qualifié de « boucher » par Manuel Valls mais aussi par la direction du PS qui compte « sanctionner » Gérard Bapt. Comment ? « Il parait qu’il y aurait une commission de déontologie » précise, dubitatif, le député sur notre plateau.
Ce lundi, c’est Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée qui lui demande de démissionner de la présidence de groupe d’amitiés France-Syrie. Les socialistes n’ont-ils pas mieux à faire en ce moment que de juger un député, président du groupe d’amitié France-Syrie, parce qu’il s’est rendu….en Syrie ? Interrogé sur sa riposte après ces réactions scandalisées, Gérard Bapt répond sur France Inter qu’il va « discuter avec le gouvernement », sa majorité « à l’encontre de laquelle il ne souhaite pas aller ».
Mais revenons au cœur du sujet. « Il y a urgence à trouver un cessez-le feu pour la population syrienne » dit l’élu de Haute-Garonne. Et quand les journalistes lui demandent encore une fois si c’est une raison pour dialoguer avec le régime d’al-Assad, il cible Daech et retourne la question : « Dites-moi quelle est l’organisation qui menace le plus la paix dans toute la région et aussi les citoyens européens ? »
A défaut de donner tort ou raison aux députés qui se sont rendus en Syrie, cette initiative nous interroge sur la question plus large de la diplomatie. Est-elle la solution absolue ? Jusqu’où doit-elle être poussée quand l’un des interlocuteurs est présenté comme « infréquentable » ? Pour Gérard Bapt, « La diplomatie n’est pas seulement un choix moral distinguant le bien du mal ».
François Hollande l’a dit lui-même lors de sa dernière conférence de presse semestrielle : la France ne peut envoyer ses soldats partout. Alors si on ne souhaite pas intervenir militairement et qu’on n’utilise pas la diplomatie jusqu’au bout, que fait-on ? On sanctionne le premier qui bouge ?
L’autre question qui me semble être posée est la suivante : pourquoi le PS et le gouvernement font tant de barouf autour d’un voyage qui aurait pu (du ?) rester inaperçu ? C’est d’ailleurs le plus souvent dans l’anonymat et la discrétion que bon nombre de conflits sont résolus ou de liens se sont renoués sur la scène internationale. Les américains qui ont déjà des émissaires dans la région ne font pas tant de bruit.
Alors Gérard Bapt a-t-il fauté et trahi les siens ? C’est à eux de le dire. A-t-il eu tort ou raison d’ « aller parler avec le diable » pour reprendre l’expression d’un de ses collègues parlementaires qui était du voyage ? En tout cas, il a eu le courage de défendre ses idées, envers et contre tous, ce qui n’est pas si courant de nos jours en politique.
Patrick Noviello