L’affaire agite les couloirs de l’Hôtel de Région et même la majorité régionale. Le Conseil Régional a sélectionné une entreprise de communication pour un marché public. Rien d’extra-ordinaire. Mais l’identité de l’heureux bénéficiaire soulève une tempête. La société de communication en question est l’ancien employeur de l’actuel directeur de cabinet de Carole Delga.
Dans une autre vie, Laurent Blondiau a mis son carnet d’adresse et son expérience auprès de Georges Frêche, au service de la société Wonderful. Avant de diriger le cabinet de Carole Delga, Laurent Blondiau a été le directeur en charge des relations institutionnelles de l’agence de com’ de Montpellier. Une agence qui va donc travailler pour le Conseil Régional. Ce recrutement déchaîne des commentaires violents. Laurent Blondiau est sur la sellette. « Il se croit tout permis et il est sans limite » déclare furieux un élu régional. « Ce sont des méthodes de frêchiste » lance un autre. Un responsable régional a encore en mémoire un autre marché qui a déchainé, récemment, la presse nationale : « Ce n’est pas possible. On sort juste du marché avec La Dépêche et on remet une couche avec une boulette« .
Quels sont les contours de ce dossier brûlant ? Vrai conflit d’intérêt ou simple maladresse ?
Décryptage
Hôtel de Région Occitanie à Toulouse. Photo MaxPPP
La Commission d’Appel d’Offre (CAO) vient d’envoyer les lettres aux concurrents sélectionnés. Le Conseil Régional d’Occitanie a ouvert un marché pour sa communication. Il s’agit d’un marché « d’assistance d’agence ». Ce genre de marché est fréquent dans les collectivités locales. Il s’agit d’utiliser des prestataires extérieurs pour créer un nouveau support de communication ou simplement fournir une prestation. Le marché du Conseil Régional d’Occitanie comporte 4 lots et chaque lot est « multi-attributaire ». En clair, chaque lot est attribué à plusieurs fournisseurs. Ce premier point est important. Il signifie que l’ancien employeur de Laurent Blondiau n’est pas le seul bénéficiaire du marché. Wonderful a été retenu sur le lot numéro 2 : « création ». La société montpelliéraine (qui a ouvert récemment une agence sur Toulouse) va partager le lot avec 3 autres agences.
Il s’agit d’un marché d’un an et renouvelable 3 fois. Le montant n’est pas vraiment connu. Il s’agit d’un marché « sans maximum, ni minimum« . Autrement dit, la rémunération peut évoluer en cours d’exécution. Néanmoins, comme le précise le directeur de la communication de la Région, Thierry Charmasson : « Attention cela ne veut pas dire « open bar », évidemment. Nos budgets sont limités ». La direction de la communication est rattachée au cabinet de la présidente de Région et donc à Laurent Blondiau. L’ancien salarié va rémunérer son ancien employeur. Mais sur des lignes comptables fléchées et sans pouvoir dépasser le budget. C’est bien le minimum.
Evidemment, la vraie question, au delà du financement, est de savoir s’il est judicieux de faire travailler Wonderful ?
Pour Thierry Charmasson, la réponse est évidente : « Il n’y avait strictement aucune raison de l’écarter. Il nous fallait retenir plusieurs agences et Wonderful fait partie d’une des plus grosses agences de la Région. Dans la dizaine d’agences retenues, on ne pouvait pas passer à côté« .
Sur le fond, le directeur de la communication de la Région a raison. Wonderful est connue et reconnue dans le milieu des agences de communication. Elle a bonne réputation et c’est un acteur majeur du marché de la communication en Occitanie. Il serait injuste de disqualifier (par principe) une entreprise parce qu’elle a des liens avec un responsable du Conseil Régional. Ce serait même contraire aux intérêts de l’institution régionale : pourquoi se priver d’une professionnel compétent ? De plus, d’un point de vue juridique, il n’existe pas de barrière. Un ancien responsable administratif doit respecter un délai de latence avant de rejoindre une entreprise privée qui était dans son giron. Mais, s’agissant de Laurent Blondiau, ce schéma ne s’applique pas. Le directeur de cabinet ne quitte pas le « public » pour « pantoufler » dans le privé. C’est l’inverse. Laurent Blondiau arrive d’une boite de com’ et il débarque dans la sphère du conseil régional.
Comme le précise un avocat spécialisé : « dès lors que Laurent Blondiau n’a pas d’intérêt dans cette boîte au moment de la passation du marché, il n’existe pas d’interdiction« . Contacté par France 3 Midi-Pyrénées, Laurent Blondiau n’a pas souhaité s’exprimer. Mais, selon nos informations, le directeur de cabinet de Carole Delga était un « simple » salarié de Wonderful. Il ne disposait pas d’un statut d’associé et de parts dans l’entreprise.
Malgré tout, l’affaire Wonderful pose problème. Il suffit d’entendre les réactions au sein des services et du côté des conseillers régionaux pour percevoir la maladresse du recrutement de Wonderful. En politique, on peut avoir raison sur le fond et commettre un vrai « faux-pas » sur la forme.
Au niveau de l’institution régionale, c’est également (terriblement) maladroit. La fusion des deux anciennes régions (Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées) est loin de se dérouler sans effusion.
Délocalisations sur Montpellier. Mobilité perçue comme une mobilité forcée. Valse des postes et mutations express. Sentiment de maltraitance chez les agents et dans les services. Dans ce contexte, l’attribution d’un marché à Wonderful est une bonne affaire pour l’agence de communication montpelliéraine. Mais ce n’est pas un bon point pour celui qui chapeaute l’administration régionale : Laurent Blondiau.
Laurent Dubois (@laurentdub)