L’ouvrage est présenté comme « la première véritable enquête sur le mouvement macronien et ses représentants ». Une enquête dans laquelle sont forcément évoqués ou cités certains députés de notre région.
« Le problème avec les costumes, c’est qu’ils anonymisent encore plus les inconnus ». La première phrase du livre est assassine mais plante bien le décor. Comme la plupart des députés LREM présents ce jour de juin 2017 dans les jardins de l’Assemblée Nationale, Manon Rescan est toute nouvelle, elle aussi, mais comme journaliste au service politique du Monde. Elle vient de raconter la campagne présidentielle et va maintenant suivre La République En Marche pour ses premiers pas au pouvoir.
Elle consacre aussi une partie de son livre à la campagne des Législatives. Elle évoque notamment « un panel parfait », « digne d’une campagne de pub Benetton », le 6 avril 2017 sur le plateau de l’Emission Politique de France2. Figurent parmi ses premiers candidats officiels au poste de député, Elisabeth Toutut-Picard, future parlementaire de Haute-Garonne ou encore Mireille Robert qui sera élue dans l’Aude.
Cette deuxième campagne, après celle de la Présidentielle, sonne déjà la fin pour certains pionniers du mouvement. « Qu’importe qu’il y ait sur la circonscription un comité local d’En Marche avec d’autres aspirants à l’investiture » fait remarquer la journaliste quand elle évoque la candidature de Bruno Bonnell à Villeurbanne face à Najat Vallaud Belkacem. Plus proche de nous, on se souvient des fondateurs d’EM 32 qui ont quitté le navire, écoeurés, avant même que l’aventure de la gouvernance du pays ne commence vraiment.
Nouveau monde ? Pas vraiment…
En Marche, la politique autrement ? Pas vraiment si l’on en croit l’auteur qui dénonce un « renouvellement en trompe-l’œil ». Lors de sa première année à suivre l’Assemblée, elle se dit notamment frappée par « la quantité de membres du Parti Radical de Gauche » qu’elle rencontre dans les rangs de la majorité. Parmi eux, le député de l’Aveyron Stéphane Mazars. « Dans sa vie, cet élu nouveau monde ne s‘est pas contenté d’être sénateur. Auparavant, il fut adjoint au maire de Rodez, candidat aux législatives en 2012 sous l’étiquette PRG-Modem et conseiller départemental de l’Aveyron ».
Cité également comme « recalé du Parti Socialiste » ayant intégré LREM, M’Jid El Guerrab que nous avions connu ici alors qu’il avait intégré le cabinet de l’ariégeois Jean-Pierre Bel quand ce dernier était Président du Sénat. Manon Rescan s’appuie enfin sur le sociologue Luc Rouban qui « conclut que sur les trois cent huit députés La République en Marche élus en juin 2017, les deux tiers ont déjà eu une expérience politique ou « para-politique » ».
« Ils n’ont pas les codes », un agent de l’Assemblée Nationale
Pour les vrais nouveaux en revanche, la campagne n’est pas forcément une partie de plaisir. « Les premiers visages des futurs députés En Marche qui se font connaître sont en effet ceux de ces femmes tétanisées sur les plateaux télé, qui perdent leurs moyens, bafouillent, ânonnent et deviennent la risée des réseaux sociaux ». Dans cette veine, la deuxième partie de l’ouvrage s’intitule « les amateurs de la République ». « Je ne sais pas ce que je trouve le plus risible commente l’auteur : ces députés qui se comportent en touristes dans le Palais de la République ou cette institution déboussolée par des fenêtres ouvertes et des trognons de pommes (semés dans le jardin) ».
Pour les guider dans leurs nouvelles fonctions, ces débutants peuvent toutefois s’appuyer sur celui qui est surnommé dans le livre « le caporal-chef », Richard Ferrand, qui « a conservé une pointe d’accent aveyronnais ». Interdiction de déposer des amendements en son seul nom, relecture de toutes les questions écrites avant leur dépôt, limiter ses contacts avec les journalistes… Les troupes sont semble-t-il tenues par celui qui opte pour « la loi du bâton ».
« Ne pas confondre renouvellement et prétention », Monique Iborra
Un « caporal-chef » qui va ensuite lâcher la bride à ses troupes pour briguer le perchoir. Et malheur à ses imprudents concurrents à ce poste, à l’image de Yaël Braun-Pivet ! La présidente de la commission des lois ne sera pas épargnée y compris dans son propre camp comme l’atteste cette petite phrase de Monique Iborra. « La situation politique aujourd’hui mérite aussi de l’expérience… ne pas confondre renouvellement et prétention » assénera la députée de Haute-Garonne pour légitimer la candidature de Richard Ferrand pas vraiment symbolique du « nouveau monde ».
Certains talents émergent toutefois comme la députée de l’Essonne Amélie de Montchalin dans le style « contrôleurs de gestion » comme les classifient l’auteur. « Elle fait l’unanimité de la socialiste Valérie Rabault (NDR : présidente du groupe PS et députée de Tarn et Garonne) qui a tressé ses louanges dans un portrait pour l’Obs, à l’ancien président de la commission des finances Gilles Carrez. Elle les a tous bluffés par sa capacité, non seulement à apprendre vite la mécanique législative, mais aussi, assure Valérie Rabault, à transformer la technique budgétaire en discours politique ».
« Transformer la technique budgétaire en discours politique », Valérie Rabault
Inexpérience politique, un « ni de droite ni de gauche » qui quoi qu’il en soit peut être source de division, les « soldats de la macronie » ne s’illustrent effectivement pas par leurs idées. « Bon nombre de députés sont même convaincus que l’idéologie est un poison dans lequel ils ne doivent pas tremper leur lèvres (…) Eux dont les valeurs se sont durement affrontées par le passé ».
La journaliste ne se résout toutefois pas à « juger sévèrement ces députés débutants ». Certains n’espéraient-ils pas comme l’élu de Haute-Garonne, Sébastien Nadot venu du mouvement de Robert Hue, que « la politique ne devait plus être une profession mais l’affaire de tous » ? Comme l’auteur, il constate des querelles d’ego parmi certains de ses collègues ambitieux. « On vit probablement une nouvelle génération Mitterrand » soupire le prof de sport.
« Une grande trahison » pour Sébastien Nadot
Lui « a renoncé à être un bon petite soldat de la macronie ». Sa rupture avec LREM est racontée dans le chapitre intitulé « une grande trahison ». « Il y a eu un changement des personnes, une féminisation sans précédent mais sur les pratiques où sont les nouveautés ». Et il sait de quoi il parle, lui qui a voté contre le projet de loi de budget 2019 et qui a déposé une proposition de résolution demandant une commission d’enquête sur les ventes d’armes de la France à l’Arabie Saoudite.
L’ouvrage s’achève sur un épilogue consacré aux gilets jaunes, « une terrible remise en question » pour les macronistes. L’auteur évoque les actes de vandalisme et intrusions dans leurs lieux de résidence dont ont été victimes certains députés LREM comme Mireille Robert dans l’Aude. « Avec son accent du Midi, ses rondeurs et son franc-parler, Mireille Robert, quoique femme de vigneron, avait tout pour montrer que la Macronie n’était pas qu’une famille politique urbaine, CSP+ et prônant la start-up nation. Mais ce ne sont pas ces femmes qui écument les plateaux télé pour incarner le pouvoir ».
Patrick Noviello (@patnoviello)
« Les grandes illusions-Enquête sur les soldats de la macronie », Manon Rescan, Robert Laffont