Un homme du Nord au cœur du Sud. Laurent Blondiau est originaire de Lille mais, depuis plus de dix ans, l’ex-journaliste de L’Huma a planté ses racines dans les lieux de pouvoir de Toulouse et Montpellier. Ancien homme de communication de Georges Frêche, Laurent Blondiau a vécu la campagne des européennes de José Bové, les municipales à Nîmes et Béziers, deux élections régionales sur les bords de la Garonne et du Lez. Depuis janvier dernier, il dirige le cabinet de Carole Delga et se retrouve en première ligne pour un chantier inédit : la construction d’une des plus grandes régions de France.
Sa nomination a surpris. Le choix d’un communicant qui n’a pas sa carte au PS a étonné certains. Surtout au Parti Socialiste. Son passage dans les rangs du PCF et son pedigree « frêchiste » agacent parfois. Un élu régional, qui n’est pas de droite, ironise : « Stalinien et Frêchiste, cela fait beaucoup !« . Au delà des impressions, et des a priori qui est Laurent Blondiau ? Quel est son parcours passé et son rôle actuel ? Comment est-il arrivé aux côtés de Carole Delga et quelle place occupe-t-il dans la nouvelle présidence de région ? Portrait.
Proche de Georges Frêche ou « fréchiste » ?
« Je ne suis pas étonné. Laurent transpire la politique. Il bascule de nouveau dans l’opérationnel ». Le jugement émane d’un spécialiste. Frédéric Bort connait Laurent Blondiau depuis les années 2000. C’est surtout un vieux compagnon de route. L’ancien lieutenant de Georges Frêche est maintenant au milieu des vignes, dans son domaine viticole de Christol. Mais, pendant plus de dix ans, Frédéric Bort a partagé le quotidien de Laurent Blondiau. A l’époque, Laurent Blondiau et Frédéric Bort débutent leurs journées par un exercice plein d’adrénaline : la lecture de la presse et la découverte des sorties médiatiques tonitruantes de Georges Frêche.
Avec Carole Delga, Laurent Blondiau n’a pas droit au même régime.
La présidente de Région invoque régulièrement l’héritage de Georges Frêche. Mais le véritable « frêchisme » s’est éteint avec l’ancien maire de Montpellier. Il est enterré sur un lopin de terre tarnais, dans le village natal de Georges Frêche. Laurent Blondiau ne connaîtra plus, les colères homériques, les polémiques nationales au sujet de harkis qualifiés de « sous-hommes » ou de la composition de l’équipe de France de foot (« Neuf black sur onze »). Carole Delga a un profil beaucoup plus lisse. Mais ce qui reste à Laurent Blondiau, c’est le grand bain des jeux d’influence.
L’homme qui dit non et qui protège Carole Delga
S’agissant de la présidence Delga, Laurent Blondiau est servi. Et même gâté. Dans la (nouvelle) grande Région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées le jeu politique mélange « billard à plusieurs bandes » et « puzzle version arc-en-ciel ». Pour gouverner Carole Delga doit concilier trois majorités : le PS, les Radicaux de Gauche et « Nouveau Monde ». Dans cette tour de Babel politique, Laurent Blondiau joue le rôle du gardien des clés. Il ouvre et parfois ferme les portes. Comme le précise Guillaume Cros, un des vice-présidents « Nouveau Monde », « Laurent Blondiau protège Carole Delga. C’est l’homme qui dit non« .
Au temps de Georges Frêche (à l’Agglo puis à la Région), Laurent Blondiau est une « digue ». Comme le souligne Frédéric Bort, « dans les discours fleuves de Georges Frêche, il y avait entrée, plat, dessert et fromage. On y trouvait tout et les médias retenaient des choses que Georges Frêche n’avaient pas vraiment dites ou qui étaient répercutées d’une façon qui ne lui convenait pas. C’était le rôle de Laurent de veiller à cela ».
Jamais très loin de Carole Delga (Photo : MaxPPP)
Avec Carole Delga, le job de Laurent Blondiau est plus politique. Il reste un homme de communication. Mais il doit servir d’interface avec les différentes composantes de la majorité régionale. Il dispose d’un atout : sa proximité avec le président du groupe PS, Christian Assaf. C’est lui qui a présenté Laurent Blondiau à la candidate Delga. Celui qui n’est pas socialiste et qui ne compte pas adhérer au PS peut compter sur les bons offices du député PS de l’Hérault. Christian Assaf, qui est également adjoint du numéro 3 du parti socialiste, Christophe Borgel.
La proximité entre Laurent Blondiau et Christian Assaf dépasse d’ailleurs le cadre de l’hémicycle régional. La compagne de Laurent Blondiau est la collaboratrice du député Assaf au groupe PS de la Région. Un fin connaisseur de la vie politique régionale parle également d’un tandem pour préparer les prochaines municipales à Montpellier. Le député-conseiller régional bénéficierait des conseils avisés et d’un travail de fond de Laurent Blondiau.
De L’Huma à Georges Frêche
Au delà de ses entrées au PS, Laurent Blondiau peut également compter sur…Laurent Blondiau. Dans une autre vie, il a tenu la plume dans les colonnes d’un monument du PCF : L’Huma. Après des études d’histoire à Toulouse et une expérience syndicale à l’UNEF, Laurent Blondiau devient Laurent Flandre et signe (sous ce pseudo) des papiers. Chef de rubrique à Paris puis correspondant local à Toulouse et Montpellier, Laurent Blondiau alias Laurent Flandre fréquente, par « profession » et conviction, la gauche non socialiste.
C’est d’ailleurs la connaissance des réseaux « rouges » qui lui vaut d’être remarqué par Georges Frêche. Le journaliste Blondliau apporte à Georges Frêche une ouverture médiatique et des entrées dans les rédactions. Mais l’ex-président de l’AGET-UNEF et collaborateur du quotidien communiste offre également une fenêtre sur la « gauche de la gauche » à une époque ou le maire de Montpellier étend son pouvoir en dehors des murs de sa municipalité.
Dix plus tard, le directeur de cabinet de Carole Delga a toujours cet atout dans sa manche.
Souvenirs d’anciens camarades de fac
Lors de la campagne des régionales, Laurent Blondiau a un accès facile avec la liste « amie » (mais néanmoins concurrente) de « Nouveau Monde« . De ses années Mirail et au PC, Laurent Blondiau conserve une amitié avec une camarade de fac : la conseillère régionale sortante, Marie-Pierre Vieu. En novembre 2015, une ligne directe avec la responsable communiste va notamment permettre de déminer le terrain explosif de la LGV.
Le parcours et le carnet d’adresse ne sont pas les seuls alliés de Laurent Blondiau. Sa personnalité et son pragmatisme peuvent être utiles à Carole Delga. Laurent Blondiau sait concilier les susceptibilités et tricoter une majorité d’idées ou d’intérêt. Laurent Blondiau est parfois qualifié de « mercenaire à la solde des maîtres qui le paient ». Certains de ces détracteurs pointent sa capacité à passer de Georges Frêche à une agence de communication privée (après son départ de l’Hotel de Région suite au décès de l’ancien président du Languedoc) et le grand écart entre des clients de droite et de gauche.
Preuve de cette « souplesse ». En pleine bataille des Régionales, l’agence de communication pour laquelle travaille Laurent Blondiau, Wonderful, a comme client le meilleur ennemi politique de Carole Delga : Philippe Saurel et la Métropole qu’il préside.
En tout cas, une chose est certaine. Laurent Blondiau transcende les clivages partisans. La présidente du groupe FN à la Région, France Jamet le trouve « brillant et sympathique même s’il est cynique « . Le secrétaire départemental de LR dans l’Hérault, Arnaud Julien, déclare : « je l’ai connu en tant que correspondant local de l’Huma. Il n’a jamais été dogmatique et passer d’un boulot de journaliste à l’Huma à un poste de directeur de cabinet à la Région, je trouve cela sympa« .
Pour Saurel il ne fait pas de la politique mais de la communication
Philippe Saurel est beaucoup moins positif dans ses propos. Le maire de Montpellier a été confronté au « Blondiau-artisan de la campagne de Carole Delga ». Ce passé récent (sans parler d’un récent épisode autour de la présidence de Montpellier Events) a forcement laisser des traces et explique un jugement réservé : « Laurent Blondiau ne fait pas de la politique mais de la communication ».
Néanmoins, dans les rangs de la gauche comme de la droite, Laurent Blondiau bénéficie de bons points voire de points d’appuis. Cette alchimie repose sur une personnalité plutôt ronde. Comme le précise Marie-Pierre Vieu : « Laurent Blondiau, même s’il peut avoir de mauvaises colères, déteste le conflit et il fait tout pour que les gens puissent s’entendre ». Durant la campagne des régionales, Laurent Blondiau a souvent arrondi les angles avec la presse. Il est parvenu à faire baisser la tension entre sa candidate et les médias. Notamment lors de la polémique nationale entourant le projet d’une présidence déléguée au profit de Damien Alary.
De la candidate Delga à la présidente Delga
Cette capacité à prendre du recul et à « surfer » sur les événements expliquent la montée en puissance de Laurent Blondiau. Au départ, le communicant doit « simplement » jouer le « spin doctor » : travail d’image, plan com…Mais, rapidement, Laurent Blondiau devient le pilier central de la campagne Delga. C’est la « Blondiau touch » : sentir et ressentir les personnes qu’il a en face et se mettre en phase. En 2009, Laurent Blondiau travaille pour José Bové. Pour clôturer sa campagne des européennes, le démonteur de Mac Do veut casser la baraque et cherche à organiser un événement original sur Bordeaux. Laurent Blondiau lance un leitmotiv : » tu dois rendre l’écologie rock n’roll« . Un meeting-concert va naître de cette proposition.
Cette anecdote résume la méthode Blondiau : pragmatisme. Un pragmatisme valable dans l’exercice de son métier mais aussi dans la gestion de sa carrière.
A la fin de la campagne des régionales, Laurent Blondiau parlait souvent d’un certain ras-le-bol ou du moins d’une envie de tourner la page. Le jour de la première assemblée plénière du (nouveau) conseil régional, le 4 janvier dernier, Laurent Blondiau n’est pas encore le directeur de cabinet de Carole Delga. Il croise une amie qui l’interroge sur son avenir immédiat : « tu ne vas pas retomber dans la com tarifaire et devenir fonctionnaire » à la Région. Laurent Blondiau regarde ses pompes.
Laurent Blondiau n’est jamais retourné dans l’agence de communication pour laquelle il travaillait au cours de la campagne des Régionales. Le soir du 4 janvier, Carole Delga officialise sa nomination à la direction de son cabinet.
Sur sa relation (assez récente) avec Carole Delga, Laurent Blondiau ne fait qu’un seul commentaire : « c’est parce que c’est elle et c’est parce que c’est moi. Sans liberté et sans confiance, je ne peux pas travailler et avec Carole Delga j’ai les deux ».
Laurent Dubois (@laurentdubois)