Gagner moins ou réduire ses congés pour préserver l’emploi. C’est le principe des « accords de performance collective » prônés par la Ministre du Travail Muriel Pénicaud. Parallèlement, l’Etat revient en force pour relancer l’économie. Mais les salariés devront également contribuer à l’effort de guerre payé à la crise sanitaire.
L’exemple le plus marquant, et qui plus est dans notre région, est sans doute celui du sous-traitant aéronautique Derichebourg. Alors que l’Etat a annoncé ce mardi, un plan de sauvetage de 15 milliards d’euros pour la filière, cette entreprise prévoyait bel et bien de supprimer 700 emplois, soit un sur deux sur son site toulousain si ses salariés n’acceptaient pas un accord de performance. Autrement dit, ils devront s’asseoir notamment sur leur treizième mois.
Si l’on y ajoute leurs indemnités transport et repas, chaque employé pourrait perdre en moyenne 270 euros par mois. Dans cet entreprise, le syndicat Force Ouvrière, majoritaire, a accepté le principe de ce sacrifice financier. Ce qui valait sans doute à son secrétaire général cet aveu plus global et empreint de soupirs sur France Inter ce mercredi matin : « il nous arrive, nous syndicats de négocier des plans de sauvegarde de l’emploi qui sont en réalité des plans de licenciement parce que à chaque fois, à chaque endroit, on essaie de défendre au mieux les intérêts des salariés ».
On a aussi de très mauvais souvenirs. Tout le monde a en tête SMART. Deux ans plus tard, on délocalise en Chine. »
Et Yves Veyrier de revenir sur ces « accords de performance collective ». « Dans quelques exemples, on a pu passer le cap mais on a aussi de très mauvais souvenirs. Tout le monde a en tête SMART. Deux ans plus tard, on délocalise en Chine ». « Les promesses n’engagent que ceux qui y croit » dit le dicton populaire. Et sur ce point, je vous renverrai vers le remarquable film de Stéphane Brizé, « En guerre », où Vincent Lindon incarne un leader syndical victime justement d’y avoir cru.
Ce même acteur a proposé début mai ce qui a pris le nom de taxe Jean Valjean. Son principe serait de taxer de 1 à 5 % les patrimoines français de plus de 10 millions d’euros. La somme ainsi récoltée serait ensuite reversée aux plus de 20 millions de foyers « trop pauvres pour être assujettis à l’impôt sur le revenu ». L’idée donnera peut-être un jour un film, mais elle ne semble pas près de devenir une loi.
Les hauts revenus et les grandes propriétés doivent être taxés dans l’intérêt de la collectivité »
Dans la même veine, la conseillère régionale Ensemble-France Insoumise Myriam Martin propose, elle, une taxe d’urgence Covid. La tribune qu’elle a co-signé avec d’autres élus et militants de gauche européens développe « l’idée selon laquelle les hauts revenus et les grandes propriétés doivent être taxés dans l’intérêt de la collectivité ». Sans attendre un consensus à 27, les signataires demandent à ce qu’elle rentre en vigueur dès le 30 juin dans les pays qui décideraient de l’appliquer. Peu de probabilité là encore que le projet aboutisse, et encore moins dans les temps.
Parce que le temps presse. Je pense aussi en écrivant ces lignes à deux de mes connaissances qui, juste avant la crise sanitaire, avaient décidé de redonner un coup d’accélérateur à leurs carrières et à leurs projets professionnels. Trentenaires compétents, ils avaient démissionné pour rejoindre deux entreprises sur la région toulousaine, l’un dans l’artisanat, l’autre dans la recherche et développement. Les voilà aujourd’hui menacés par l’imparable logique du « dernier arrivé, premier licencié ».
Blocage partiel des dividendes
Malgré le prolongement du chômage partiel, les formation-reconversions, le prêt de main d’œuvre ou encore la mobilité interne, il y aura, quoi qu’il arrive, des licenciements. Mais, en même temps (comme dirait l’autre) qu’on demande aux salariés de se serrer la ceinture pourquoi ne pas solliciter aussi les actionnaires ?
Etat, organisations patronales et régulateurs seraient désormais parvenus à un consensus sur un blocage partiel des dividendes. Enfin reste la question des banques. Répondront-elles présentes pour ses salariés et entreprises que le Covid a laissé exsangues ? Peu d’infos filtrent à ce sujet depuis la sommation du chef de l’Etat à leur encontre mi-avril. J’attends de voir si elles participeront elles aussi à « l’effort de guerre ».
Patrick Noviello (@patnoviello)