Le parquet classe sans suite l’enquête préliminaire visant la députée (LREM) Corinne Vignon pour « absence d’infraction ». C’est l’épilogue d’une affaire hors norme.
L’enquête aura duré un peu moins de 3 mois. Le SRPJ a mené des auditions et examiné des comptes. Sur la base de ces investigations, le procureur de la République de Toulouse vient de prononcer un classement sans suite. Le dossier Vignon est atypique en raison des faits en cause : une activité de voyance. Mais c’est également un dossier sensible, politique, en raison de la personnalité de Corinne Vignon : une candidate en campagne devenue députée de la majorité. Les particularités de l’affaire ne s’arrêtent pas là. Le timing de l’ouverture de la procédure et les conditions de la clôture du dossier posent questions.
Une enquête ouverte 3 jours avant une élection
Le parquet de Toulouse rédige rarement des communiqués de presse. Mais le 15 juin dernier, les rédactions reçoivent un texte indiquant qu’une enquête préliminaire est ouverte à l’encontre de Corinne Vignon. La date de cet envoi est en soi remarquable. Une candidate aux législatives est visée par une procédure 72 heures avant un second tour. Ce télescopage entre le calendrier judiciaire et l’agenda politique est, en soi, remarquable. Généralement, la Justice ne veut pas donner l’impression d’interférer avec un scrutin. L’ouverture d’une enquête influence forcement les électeurs. Bref, les magistrats évitent d’entrer dans l’arène électorale.
Mais, visiblement, ce principe de précaution n’a pas joué dans l’affaire Vignon. C’est d’autant plus étonnant que les faits « incriminés » ne constituaient pas un trouble à l’ordre public. Ils remontaient à la période 2012-2014. Où était l’urgence ? De plus, dans la hiérarchie des infractions, le dossier Vignon n’est pas au sommet. La gravité des soupçons ne justifiait pas de frapper vite et fort. Dans son communiqué de presse, le parquet mentionnait un « travail dissimulé lié à une activité de voyance ». Ce n’est pas du « stup » ou de « la bande organisée ». Dans ces domaines, pour préserver les preuves et les témoins, il est souvent nécessaire de lancer rapidement la machine judiciaire.
S’agissant de Corinne Vignon, il s’agissait d’un signalement du fisc au sujet de sommes liées à une activité de voyance. Le parquet pouvait attendre, sans compromettre l’efficacité de l’enquête.
Un choix a été fait. C’est celui de confier, de manière express, une enquête au SRPJ. Evidemment, ce qui était prévisible s’est produit. Les derniers jours de campagne de Corinne Vignon se sont transformés en « tsunami » médiatique. La candidate LREM a dénoncé une « machination politique ». Elle peut, en tout cas, éprouver un légitime sentiment de gâchis. Tout ce « tohu-bohu », pour un classement sans suite. Bien évidemment, seule une enquête pouvait lever les soupçons. Mais le bilan est sombre si on met en proportion la rapidité de l’intervention de la justice et le résultat de l’action judiciaire.
Un résultat qui prend la forme d’un non lieu au motif que l’infraction n’est pas constituée. Un non lieu qui intervient aussi rapidement que l’enquête a été lancée.
Un classement sans suite express
Le dossier Vignon arrive sur le bureau du Procureur par les services fiscaux. En amont de l’enquête judiciaire, la direction des Finances Publiques de la Haute-Garonne a déjà « scanné » les revenus de la future députée. Le « fisc » s’est livré à une expertise. Il a estimé que les soupçons étaient suffisamment lourds pour justifier la saisine de la justice. Le classement sans suite est, d’ailleurs, un camouflet pour les « impôts ». Leur analyse n’est donc pas suivie par le parquet.
Mais, surtout, cela signifie que les enquêteurs du SRPJ ne partaient pas complètement de zéro. Un certain balisage pouvait accélérer le mouvement et l’enquête. Néanmoins, la période n’était pas vraiment propice. L’ouverture de l’enquête date du mois de juin. En juillet et surtout au mois d’août difficile de mener des auditions. Les témoins éventuels sont à la plage ou à l’autre bout de la France.
Mais, selon nos informations, mercredi 6 septembre, les enquêteurs cherchaient toujours à contacter des témoins. 48 heures avant le classement sans suite, le SRPJ continuait donc ses investigations. Cela laisse peu de temps pour faire la synthèse des procès-verbaux, les transmettre au Parquet, que ce dernier prenne connaissance du rapport et se prononce.
Les magistrats sont les premiers à déplorer la lenteur de la Justice. Dans l’affaire Vignon, cela n’a pas traîné.
Laurent Dubois (@laurentdub)