23 Juin

Les dessous de l’affaire Vignon

La députée (LREM) de la Haute-Garonne, Corinne Vignon, est poursuivie en justice. Son camp politique anticipe sa possible condamnation. Nouvelles révélations, où il est aussi question de Jean-Luc Moudenc.

Corinne Vignon (Photo : Vincent Isore/MaxPPP)

Corinne Vignon (Photo : Vincent Isore/MaxPPP)

L’ouverture d’une enquête préliminaire est tombée sans préavis, 48 heures avant le 2nd tour des législatives. Mais l’affaire Vignon occupait les services fiscaux depuis des semaines. Le dossier de la députée de la Haute-Garonne est arrivée sur le bureau du Procureur de Toulouse au terme d’une investigation de la direction du contrôle fiscal. Une enquête qui, selon une source, aurait duré deux mois.

Une enquête judiciaire débroussaillée par le fisc

Le déclenchement de l’affaire Vignon proviendrait d’une dénonciation. C’est classique en matière fiscale. Le plus important n’est pas de savoir qui a allumé la mèche. Le plus déterminant (pour la suite des événements) est la procédure suivie par le fisc. Comme le précise un magistrat, une saisine du parquet par le service des impôts suppose (et même impose) une consultation d’une commission interne à l’administration fiscale. Il s’agit de la Commission des Infractions Fiscales (CIF). Cette dernière donne un avis sur la solidité du dossier transmis à la justice. S’agissant de l’affaire Vignon, la CIF a délivré un « feu vert ».

Corinne Vignon est dans son rôle et plaide la non-culpabilité. Mais, sans remettre en cause la présomption d’innocence, un fait est avéré. L’enquête préliminaire ouverte par le Parquet repose sur des bases solides. En amont de l’action judiciaire, une première enquête fiscale a été menée et elle débouche sur une conclusion : les faits reprochés sont suffisants lourds pour justifier l’intervention des tribunaux.

D’ailleurs, selon nos informations, le ministre de l’Action et des Comptes Publics, Gérald Darmanin, a téléphoné à la Direction Régionale des Finances Publiques, à Toulouse. Ce contact a eu lieu la veille du communiqué de presse du parquet de Toulouse annonçant l’ouverture d’une enquête préliminaire. Selon une source, le fisc de la Haute-Garonne a confirmé à son ministre de tutelle la gravité des charges pesant sur Corinne Vignon.

Selon nos informations, la même analyse est faite du côté du ministère de l’Intérieur. Gérard Collomb, a convié des parlementaires à une rencontre place Beauvau.

A cette occasion, un haut responsable du ministère de l’Intérieur a confié à un parlementaire d’Occitanie son sentiment : Corinne Vignon est dans la nasse.

Evidemment, il faut attendre les conclusions de l’enquête judiciaire. Mais une chose est certaine. L’affaire Vignon n’est pas une simple vengeance politique ou une boule puante. Dans les services fiscaux et au plus haut sommet de l’Etat, le dossier est jugé (suffisamment) sérieux pour évoquer (ouvertement) l’imminence de foudres judiciaires.

Dans ce contexte, une question agite les rangs parlementaires de La République En Marche. Corinne Vignon, comme tous ses collègues de l’Assemblée, doit s’inscrire dans un groupe parlementaire. Élue sous l’étiquette LREM, Corinne Vignon a une vocation naturelle : un siège dans le groupe La République En Marche. Mais, en cas de condamnation, ce même groupe LREM ne pourra pas exclure Corinne Vignon.

Un autre volet de l’affaire Vignon ne pose pas un problème d’exclusion. Mais d’inclusion. Selon plusieurs sources, Corinne Vignon « associe » le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, à l’activité qui lui vaut d’être poursuivie en justice : la voyance.

Jean-Luc Moudenc client de Corinne Vignon ?

Au premier degrés, l’affaire Vignon a un côté cocasse. Derrière l’enquête du fisc et l’intervention de la justice se trouve une activité de voyance. Ce profil atypique n’a pas échappé aux collègues de la nouvelle députée. Lors de son arrivée à la buvette de l’Assemblée, Corinne Vignon a été saluée par un « ah voilà la voyante », lancé par un parlementaire du nord de la Loire.

Le ton est beaucoup moins innocent du côté de Toulouse. Selon plusieurs sources, Corinne Vignon affirme que le 1er magistrat de la Ville Rose a eu recours à ses lumières.

Contactée par France 3 Occitanie, Corinne Vignon n’a pas souhaité s’exprimer. Ce silence ne vaut pas confirmation. Mais ce n’est pas (non plus) un démenti.

En revanche, Jean-Luc Moudenc récuse catégoriquement les allégations prêtées à Corinne Vignon. Le maire de Toulouse affirme n’avoir jamais eu recours au talent astrologique de la nouvelle députée.

Le malaise (pour ne pas dire l’agacement) est perceptible. C’est logique. L’association d’une personnalité politique de premier plan à l’astrologie n’est pas simple à assumer. L’astrologie n’est pas la magie noire ou la lecture dans les entrailles de poulet. Les horoscopes s’étalent à longueur de journaux. Les astrologues et la politique ont même eu leur heure de gloire. François Mitterrand a fait entrer les études astrales à l’Elysée. Malgré ce précédent, Jean-Luc Moudenc n’a pas (forcément) envie de se retrouver avec l’image d’un maire lisant son avenir dans les étoiles.

Mais c’est surtout l’aspect purement « terrestre » de l’affaire Vignon qui peut contrarier le Capitole.

L’activité astrologique de la députée Vignon finit devant les tribunaux.

Et ça c’est vraiment un mauvais alignement des planètes.

En septembre 2017, l’affaire concernant Corinne Vignon a été classée sans suite par le Parquet de Toulouse.

Laurent Dubois (@laurentdub)