29 Oct

Affaire Reynié : que peut décider le préfet Mailhos ?

Le moment de vérité approche. Entre le 2 et le 9 novembre, Dominique Reynié doit déposer sa candidature à la préfecture de Région. Cette démarche aurait pu être une simple formalité. Les questions et la polémique qui entourent l’éligibilité de Dominique Reynié transforment l’opération en véritable épreuve. Tous les regards sont pointés vers le préfet. Que peut-il décider et comment ? Doit-il simplement pointer les pièces ou vérifier la régularité du dossier Reynié ? Eléments de réponse.

Pascal-Mailhos-Prefecture-Toulouse

La tension monte. Dans les rangs LR, certains crient au complot mediatico-politique. D’autres sont inquiets et s’interrogent. Réaliste ou dans le déni, toute la droite régionale a saisi l’enjeu : le sort de Dominique Reynié est entre les mains du préfet.

Les Républicains se préparent au pire. Y compris au niveau national. D’après l’hebdomadaire « Valeurs Actuelles » le cabinet de Nicolas Sarkozy a demandé aux candidats Républicains de prévoir un double des pièces demandées. En cas d’invalidation, cela doit permettre de déposer en urgence une deuxième liste.

reynie

Une fois le dossier de Dominique Reynié déposé, le préfet doit rendre sa décision « au plus tard le 4eme vendredi qui précède le scrutin à midi ». Autrement dit, le verdict doit tomber avant le 13 novembre, à midi.

Le ministère de l’Intérieur « saisi » du dossier Reynié

Evidemment, le plus important est : que va-t-il se passer avant que le verdict tombe ? Pour un ancien ministre, familier de la place Beauvau, le préfet a déjà ouvert le dossier. De manière franchement « puérile », des Républicains ont savamment discuté pour savoir si un dépôt « tardif » (le 9 novembre, juste avant la clôture) ne permettrait pas de limiter le contrôle préfectoral.

C’est évidemment ridicule. Le préfet dispose d’un accès rapide aux fichiers fiscaux, aux listes électorales et à l’état civil. En mobilisant les services de l’Etat, il peut mener des vérifications (approfondies) avant le 13 novembre.

Mais, surtout (toujours d’après l’ancien ministre consulté) le préfet a (ou va) sollicité les services juridiques de la Place Beauvau. Une note technique a été (ou sera) commandée. Cette note finira sur le bureau du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. A moins  qu’elle n’y soit déjà.

D’après un parlementaire de la Région, des conseillers de Matignon sont venus parler de l’affaire Reynié avec lui. C’était à l’occasion d’une séance de questions d’actualité au Sénat. Simple curiosité ou mission commandée ? Une chose est certaine. Matignon peut parfaitement recevoir une copie de la note juridique de Beauvau.

Pascal Maihlos, préfet de Région

Pascal Maihlos, préfet de Région

Le préfet Mailhos ne va pas décider seul dans son bureau de la place Saint-Etienne. Des recours contentieux (postérieurs à l’élection) peuvent déboucher, en cas d’inéligibilité de Dominique Reynié, sur une annulation du scrutin. La préfecture de Région a besoin d’évaluer ce risque juridique.

Mayotte ne manque pas de charme. Saint-Pierre-et-Miquelon est un paradis pour amateur de whisky. Mais le préfet Maihlos n’a pas forcément envie de jouer avec sa (belle) carrière. Convoquer une deuxième fois 4 millions d’électeurs dans 13 départements et doubler la facture des opérations électorales, ne favorise pas vraiment les promotions.

De plus, la pression médiatique est forte. Medias nationaux et régionaux braquent stylos et caméras vers la préfecture de région. Pascal Maihlos n’est pas un « simple préfet ». Il a dirigé les Renseignements Généraux de 2004 à 2006. Un de ses anciens collègues (qui avait son bureau à côté du sien) dit de Pascal Mailhos : « C’est l’ancien patron des RG, il est habile et rusé. Il trouvera une solution ».

Tout est toujours possible. Mais la Raison juridique a ses raisons que les manœuvres politiques ignorent.

Une partie de la droite régionale se rassure en disant que le préfet va se montrer sensible à des considérations politiques. Son passage au cabinet de Charles Pasqua (1993-1995) et son travail aux côtés de l’ancien ministre de l’Interieur de Nicolas Sarkozy (Claude Guéant) expliquent cette confiance. Mais, d’une manière générale, Il est vrai que des jugements d’opportunité dictent souvent l’action préfectorale. Il suffit de penser à l’application de la loi littorale. Une application à géométrie variable et qui tient compte des « intérêts » locaux.

Mais, dans l’affaire Reynié, on voit mal pourquoi Pascal Maihols jonglerait avec une « grenade dégoupillée ». Si le risque d’une annulation du scrutin est avéré, le préfet n’a strictement aucune raison de « couvrir ». Une fois les urnes rangées et les Régionales terminées, un recours devant le juge pourrait lui exploser au visage. Quasiment toutes les élections suscitent des recours contentieux. Et, s’agissant des Régionales 2015, il est certain que le juge va être saisi.

On connaît même le nom du premier requérant : Jean-Pierre Grand. Le sénateur de l’Hérault (adversaire acharné de Dominique Reynié) a déjà réfléchi, avec ses avocats, à une procédure.

Dans ce contexte, le préfet Mailhos va devoir exercer (pleinement) son contrôle. Mais quel contrôle ? Celui d’un simple « notaire » qui coche des cases ? Celui d’un vrai contrôleur qui examine la régularité du dossier ?

Le préfet :  vrai contrôleur ou un simple « notaire » ?

 « Je n’étais pas éligible. J’ai eu de la chance car personne n’a fait de recours ». Cette confession, d’un élu de la Région, rappelle une évidence. Dans de nombreux scrutins, des candidats sont élus sans être… éligibles. Il suffit de ne pas tomber entre les griffes de la préfecture ou entre les mains de la justice.

Dominique Reynié n’a pas cette « chance ». Les projecteurs sont braqués sur lui. Il ne peut pas compter sur les failles du système. Evidemment, si sa candidature est enregistrée, tout cela restera une pitoyable (et éprouvante) péripétie. Mais, en toute hypothèse, selon un avocat spécialisé, il va subir un « vrai contrôle ».

En vertu du Code Electoral, le préfet est tenu de vérifier que des conditions sont remplies (Art L350). Dominique Reynié invoque une domiciliation à Onet-le-Château pour justifier de son éligibilité. Le préfet Mailhos va devoir vérifier si cette allégation est conforme aux dispositions de l’art L339 du Code Electoral.

La notion de domicile est une notion juridique précise (définie par l’article 102 du Code Civil). Elle ne renvoie pas seulement au fait de loger dans une commune. Le préfet Mailhos va devoir vérifier un faisceau d’éléments.

Pour sa défense, Dominique Reynié incite ses contradicteurs à le poursuivre devant les tribunaux. C’est de la pure communication. C’est de bonne guerre. Mais c’est franchement une manipulation. Les recours contentieux ne sont pas encore ouverts. Il faut attendre la tenue de l’élection.

Mais, en attendant, il va subir un premier examen juridique.

C’est le préfet  Mailhos qui va servir de « juge ».

Laurent Dubois