Voilà presque une semaine que l’encre et le fiel des déclarations coulent sur ce qui est devenu une affaire d’Etat : le dossier Léonarda. Mais que retenir au fond de cette histoire ? Surtout pas qu’il s’agit là d’un exemple de durcissement de la politique migratoire française. Le seul point positif à en tirer, s’il devait y en avoir un, c’est que désormais les forces de l’ordre ne pourront plus procéder à l’interpellation d’un mineur en situation irrégulière dans le cadre scolaire. Quoi de plus normal ? Arrêter un enfant dans ce qui doit rester un sanctuaire républicain est inadmissible et la nouvelle circulaire prise en ce sens devrait éviter toute bévue à l’avenir.
Asile refusé
Pour revenir sur le fond de l’affaire, Manuel Valls précise que la demande d’asile formulée par la famille Dibrani a été refusée à sept reprises. Des fraudes auraient même été relevées par l’administration. Ce à quoi le père répond dans « Le journal du dimanche » : « A l’Ofpra, ils savent bien que les demandeurs d’asile ne disent pas la vérité à 100% ». Les associations d’aide à ces demandeurs d’asile et aux sans-papiers apprécieront le tort que peut faire ce type de déclaration dans l’opinion publique. D’ailleurs, il est à noter que ces mêmes associations et autres organismes d’aide ont été très silencieux sur le cas Léonarda (sauf pour dénoncer ses conditions d’arrestation et la proposition de François Hollande).
Erreur politique
Beaucoup plus silencieux en tout cas que la classe politique dans son ensemble, droite et gauche confondues. Malek Boutih désormais député socialiste mais ancien patron de « SOS racisme » s’indigne en expliquant que « c’est la première fois qu’on demande à une enfant mineure de choisir entre sa scolarité et ses parents ». Ce que certains qualifient de « geste de générosité » de la part de François Hollande est considéré par beaucoup comme une erreur politique. Et c’en est sûrement une. Maintenant de là à dire qu’elle marquera irrémédiablement son mandat…
Instrumentalisation
L’ancien ministre UMP Bruno Le Maire, lui, ne fait pas dans la nuance qualifiant de « faute inexcusable » cette proposition présidentielle qui « bafoue » les lois de la République. Dans un langage plus brut de décoffrage, le père de Léonarda, décidément très disert, déclare dans le JDD « M.Hollande, vous avez merdé ! ». Alors que lui, en faisant de fausses déclarations, a sans doute eu l’attitude adéquate. Un peu de mesure que diable y compris de notre part, médias nationaux mais aussi internationaux, qui avons fait passer le dossier Léonarda d’abord comme un exemple d’intégration bafouée puis comme le symbole de l’incapacité de Hollande à présider aux destinées d’un pays.
Le vrai exemple dans cette histoire, c’est avant tout celui d’une instrumentalisation, celle qui a été faite d’une adolescente de quinze ans, dont se sont servis son père, puis une partie de la classe politique. Ces derniers ont certainement déjà oublié Léonarda et cherchent dès à présent un autre cas d’actualité à ériger en exemple.
Patrick Noviello