21 Nov

UMP : A qui va profiter la fracture ?

Photo : AFP Miguel Medina

Qui aurait pu y croire une seconde ? 50/50. Pas moi en tout cas, je l’avoue. Philippe Calleja, lui, n’est pas surpris. Le leader de l’UMP en Ariège le dit sans détour : « Du terrain, je m’attendais à un score aussi serré. J’ai organisé un débat sur mon département et à la sortie, les militants étaient vraiment partagés ». Et le maire de Saverdun de préciser que « les journalistes n’ont rien vu venir parce que leurs sondages étaient basés sur les sympathisants et non les militants ».
A l’UDI, Jean-Jacques Bolzan ne partage pas la même analyse. Pour lui, ce scrutin n’a pas « arrangé l’image de la classe politique en général » et in fine, « les militants UMP n’ont pas été respectés » n’hésite pas à dire le coordinateur de l’UDI 31. Voilà aujourd’hui l’un des deux plus grands partis politiques français scindé en deux : d’un côté les Copéistes, de l’autre les Fillonistes. Les premiers ont gagné mais à quel prix ? Et que vont faire les seconds ? Aider, participer malgré tout, ou fuir vers d’autres cieux (UDI, FN…) ?
« Les coups de fil commencent à pleuvoir » se réjouit Serge Laroze. « J’ai des amis à l’UMP et ils sont aujourd’hui déçus. Nous, au FN, on a su élire notre chef » se félicite le secrétaire départemental du FN en Haute-Garonne. « C’est Copé qui l’a emporté. On va récupérer certains modérés, au moins en tant que sympathisants, même s’ils ne prennent pas leurs cartes » assure Jean-Jacques Bolzan. « De mon côté, je n’ai entendu aucun militant me dire qu’il allait partir » tempère Philippe Calleja.
En Midi-Pyrénées Jean-François Copé arrive largement en tête sauf en Tarn-et-Garonne et en Ariège. Dans le premier département Brigitte Barèges avait appelé à voter Fillon, elle a apparemment été suivie par les militants. Mais la situation est-elle plus simple pour l’UMP dans notre région qu’ailleurs en France ? « L’illusion d’un parti unique qui tentait de rassembler la droite décomplexée, la droite modérée et le centre droit a vécu » assène Jean IGLESIS, coordinateur départemental de l’Union des Démocrates et Indépendants en Haute-Garonne (UDI 31). Philippe Calleja n’est pas d’accord sur ce point : « ce scrutin a au contraire prouvé que le parti n’était pas monolithique, à la fois de droite et du centre. Il y a eu de la passion, c’est légitime. Mais on reste tous un seul et même parti. Le PS s’est bien remis de son congrès de Reims, non ? ».

Quid des répercussions sur les futures élections locales ? « Cette élection à l’UMP a démontré qu’il était temps que la société civile prenne la place des hommes politiques qui n’ont que des ambitions personnelles. C’est dans ce sens que nous sommes déjà sur le projet Municipales Toulouse 2014 » avance Jean-Jacques Bolzan. Au FN, dans l’optique d’une entrée dans les conseils municipaux des petites communes, on compte plus sur des accords locaux. «La direction nationale de l’UMP ne reconnaîtra jamais d’accord avec nous, mais ça se fera avec la base, on peut s’entendre » est persuadé Serge Laroze. D’ici là, difficile de savoir comment l’UMP va se remettre en ordre de bataille. En tout cas, le parti devra le faire rapidement sous peine de perdre encore un plus de sa crédibilité.

Patrick Noviello

30 Oct

Congrès du PS : « ma » synthèse

Que peut-on retenir de ces trois jours au parc des Expositions ? Annoncé comme un congrès de « rassemblement » pour les socialistes, « joué d’avance » pour certains notamment les non-signataires de la motion 1 majoritaire, il n’a finalement réservé que peu de surprises. Il y a toutefois eu des signes qui ne trompent pas sur l’état des troupes.

Le nouveau premier secrétaire du PS, Harlem Désir (Photo F. Valéry)

« On est à Toulouse, la ville de Jean Jaurès, il n’a pas toujours cherché à plaire, c’était un esprit libre, très libre » martèle à la tribune Harlem Désir. Le nouveau premier secrétaire du PS est-il aussi libre ? Rien n’est moins sûr. Sa mission première a été de défendre les premiers mois d’exercice du gouvernement pour se « serrer les coudes » autour de Jean-Marc Ayrault. Un soutien tellement fort et ressassé qu’il en paraissait presque suspect. Tout au long du week-end, de nos émissions et de nos éditions, ce sont les mêmes éléments de langages qui ont été énoncés par les élus et les militants. Ont-ils été fournis avec le kit du parfait congressiste socialiste ?

Dans « La Voix est Libre » Kader Arif s’est dit agacé par les procès d’intention qui sont faits à la majorité présidentielle. Le ministre délégué aux anciens combattants s’affirme toujours prêt à riposter sur ces attaques largement menées par la droite mais il veut  aussi parler du fond et des chantiers déjà menés par le gouvernement. Philippe Martin, toujours dans notre émission, préfère utiliser le langage rugbystique pour préconiser un « jeu collectif » et un « pack soudé ».

Absent de nos émissions spéciales, le PRG pourtant très présent dans notre région et également dans la majorité présidentielle est resté très discret. Jean-Michel Baylet et Sylvia Pinel ont d’ailleurs décliné nos invitations à venir débattre.

L’aile gauche du PS, elle, a en revanche occupé le terrain sur ce congrès, à la tribune de la salle plénière notamment avec un Gérard Filoche très applaudi. Egalement invitée à prendre la parole une délégation syndicale de Sanofi. Et puis quelques rappels à l’ordre ont fusé de la part de certaines personnalités du Parti comme Elisabeth Guigou, pour ne pas oublier les dossiers essentiels comme le soutien plein et entier aux industries fermées ou encore le vote des étrangers aux élections locales.

Et au cas où ces rappels courtois n’auraient pas suffi quelques manifestations occupaient le pavé toulousain. Curiosité locale, seuls les patrons, CGPME en tête, sont parvenus jusqu’au parvis pour crier leurs doléances, de même que des salariés de France3 Région qui avaient déployé une banderole sur leur plateau TV provoquant l’ire du service d’ordre du PS.

Un autre sujet qui fâche : le cumul des mandats. Il ne fut pas oublier, loin de là : « Courage mes camarades, encore un petit effort, on va y arriver » scande Martine Aubry. Martin Malvy, sur notre plateau, demande « un véritable statut de l’élu » qui mette les édiles à l’abri en cas de défaite électorale et de brusque retour à la vie civile. Paul Quilès lui rappelle ironiquement, qu’alors qu’ils étaient tous deux ministres, un rapport avait été commandé sur le sujet par Mitterrand. Il doit certainement caler une armoire à l’heure qu’il est…

Et les militants dans tout ça ? Eux aussi reconnaissent que ce n’était pas un congrès des grands jours ou plutôt des grands soirs. Certains demandent plus d’indulgence à l’égard de Jean-Marc Ayrault, d’autres voudraient que ça aille plus vite. « Ils ont besoin d’être rassuré » prévient le plus en plus populaire Manuel Valls. Parmi les stars de ce congrès justement, on notera le retour de Ségolène Royal au moment où Martine Aubry se met en retrait. Royal qui décidément est toujours très visible lors de ses passages toulousains. Lors du meeting de François Hollande, place du Capitole, en mai dernier, elle avait été la seule parmi les ténors socialistes à s’offrir un bain de foule.

Harlem Désir quant à lui s’est fait désirer, dès l’ouverture du congrès qu’il ouvrira avec une heure de retard, la salle plénière aurait, parait-il été insuffisamment remplie, ce qui aurait occasionné cette temporisation du patron du PS. Il aura mis huit jours à répondre négativement à l’invitation que nous lui avions lancée pour notre émission spéciale. Ce qui n’empêche pas le nouveau patron des Socialistes de citer encore Jaurès : « le courage c’est de rechercher la vérité et de la dire ». A-t-il véritablement la main pour se placer dans cette optique ? Ces prochains mois de mandats nous le diront.

Patrick Noviello

18 Oct

« Italiens, 150 ans d’émigration en France et ailleurs »

Copyright Sébastien Soulié

Leur voyage est aussi le nôtre
« Italiens, 150 ans d’émigration en France et ailleurs »

A travers une vingtaine de chansons traditionnelles issues de l’art populaire et un spectacle d’une heure et demi, la troupe toulousaine In Canto, raconte l’épopée de ces hommes et femmes partis d’Italie chercher une vie meilleure. Au départ en tournée dans le sud-ouest, elle va désormais sillonner la France entière et effectuera même un périple transalpin dans les mois qui viennent. Quel joli pied de nez à l’histoire que celle de ces émigrés de retour dans leur pays pour lui faire découvrir son passé.
La salle Georges Brassens d’Aucamville se remplit peu à peu, très lentement, comme un cérémonial inconscient. Ce soir (comme à chaque fois), on affiche complet soit plus de 400 personnes. On y parle italiens bien entendu mais surtout français. Pas de nostalgiques dans l’assistance mais plutôt des curieux. Curieux dans le bon sens du terme, j’entends. Ils sont là, des anciens beaucoup mais aussi des plus jeunes parfois, à vouloir retrouver ce que les livres d’histoire leur ont si longtemps caché : comment 27 millions d’individus ont quitté leur pays, leur terre natale, dans un arrachement parfois insoutenable, pour chercher une existence vivable ailleurs ou plus prosaïquement pour faire manger leur famille.
Il y a ceux que l’eldorado américain a fait rêver. Mais pour cela il fallait endurer « 30 giorni di nave a vapore » (30 jours de bateau à vapeur), la plupart du temps entassés, dormant à même le sol, avec parfois la mort au bout du voyage. Ce fut le cas des naufragés du Sirio qui quitta Gênes en 1906 pour s’échouer près des côtes espagnoles. Plus près de nous mais non moins dramatique, il y a aussi ceux qui ont voulu rejoindre la France, la Suisse ou la Belgique en traversant les Alpes.
Sur l’écran des images en noir et blanc de familles entières, des hommes et des femmes portant parfois des bébés, progressant difficilement, de la neige jusqu’aux hanches. Combien ont échoué ? Pas besoin de s’attaquer à de hauts sommets, beaucoup sont morts aux pieds des falaises de Menton, si près de leur rêve azuréen… Des images terribles portées par des voix : celles du groupe In Canto. Chanteurs et musiciens sont habillés comme ces migrants, robes noires pour les femmes, pantalons à l’étoffe dure et chemises blanches ou marinières pour les hommes.
Ces chants ne sont pas patriotes ou plaintifs. Au contraire, ils sont une ode au monde et le dernier rempart d’une fierté bafouée : celle qui a vu les « ritals » traités de voleurs voire de dangereux assassins comme les anarchistes Sacco et Vanzetti, condamnés injustement à la chaise électrique. Une ballade leur est dédiée. Elle est scandée avec l’âme mais surtout avec les tripes : « Addio amici, in cor la fé, viva Italia e abasso il re ».
Et puis cette déferlante émigrante s’est tarie en 1976. L’Italie, à son tour, est devenue terre d’accueil, ni mieux ni moins bien que le furent les pays rejoints par ses enfants. Le noir et blanc des images anciennes s’est changé en noir et blanc des visages, ceux des africains face à leur hôtes de la péninsule. Aujourd’hui il y a Lampedusa en lieu et place de New-York, alors il ne faut pas oublier.
Pour cela, le spectacle s’achève sur un texte projeté rendant hommage à nos ancêtres migrants. Je pense à ma famille, des chemisiers de Naples partis en Algérie alors française chercher du travail. Je revois mon grand-père, tour à tour pompiste, camelot sur les marchés ou encore coiffeur. C’est leur histoire, c’est notre histoire, une histoire universelle amenée à se répéter sans cesse tant que l’humanité vivra.
Information sur le spectacle et la tournée sur www.radici-press.net

Encensée

Catherine Lemorton

Encensée Catherine Lemorton dans les pages du Monde. Le quotidien national consacrait dans son édition de dimanche-lundi, une page aux lobbyistes de l’Assemblée Nationales. A cet article était joint un portrait de la présidente de la commission des affaires sociales qui débute sur les chapeaux de roue : « A l’écouter raconter son histoire, on se la figure un peu en Erin Brockovich de l’Assemblée Nationale » écrit Hélène Bekmézian. Et la députée haut-garonnaise de poursuivre en expliquant qu’elle était « seule » jusqu’à l’affaire du Médiator et qu’elle est devenue « le porte-drapeau de ce combat ». C’est Gérard Bapt qui va être content…
Dans la suite de l’article, l’élue socialiste rentre dans le vif du sujet et relate le travail qu’elle effectue au quotidien et depuis des années contre les lobbies « qu’il faut rencontrer dans des salles de la démocratie à l’Assemblée(…) et jamais seul à seul ». Catherine Lemorton se livre un peu plus en suggérant les pressions qu’elle a subies : « il y a eu pire que ça(…) C’est derrière moi je ne veux plus en parler ». Puis la pharmacienne toulousaine conclut en parlant d’elle à la troisième personne : « Tous les gens qui criaient dans le désert sur la prégnance de l’industrie pharmaceutique ont trouvé une voix et elle s’appelle Lemorton ».

Encensée

Catherine Lemorton

Encensée Catherine Lemorton dans les pages du Monde. Le quotidien national consacrait dans son édition de dimanche-lundi, une page aux lobbyistes de l’Assemblée Nationales. A cet article était joint un portrait de la présidente de la commission des affaires sociales qui débute sur les chapeaux de roue : « A l’écouter raconter son histoire, on se la figure un peu en Erin Brockovich de l’Assemblée Nationale » écrit Hélène Bekmézian. Et la députée haut-garonnaise de poursuivre en expliquant qu’elle était « seule » jusqu’à l’affaire du Médiator et qu’elle est devenue « le porte-drapeau de ce combat ». C’est Gérard Bapt qui va être content…
Dans la suite de l’article, l’élue socialiste rentre dans le vif du sujet et relate le travail qu’elle effectue au quotidien et depuis des années contre les lobbies « qu’il faut rencontrer dans des salles de la démocratie à l’Assemblée(…) et jamais seul à seul ». Catherine Lemorton se livre un peu plus en suggérant les pressions qu’elle a subies : « il y a eu pire que ça(…) C’est derrière moi je ne veux plus en parler ». Puis la pharmacienne toulousaine conclut en parlant d’elle à la troisième personne : « Tous les gens qui criaient dans le désert sur la prégnance de l’industrie pharmaceutique ont trouvé une voix et elle s’appelle Lemorton ».

15 Oct

Nous… La cité

Nous…La Cité

« Quand quatre jeunes de banlieue se prennent d’écrire leur quotidien avec un de leurs éducateurs, ça envoie du lourd »

Ainsi est présentée sur la couverture cette œuvre si précieuse et tellement utile au regard de notre actualité. L’histoire de Joseph Pontus, éducateur, et de quatre jeunes de cité qu’il accompagne dans leur réinsertion, est rare car peu souvent racontée. Elle est également renforcée en authenticité par le fait que ce sont ces jeunes, eux-mêmes, qui se racontent, sans fausse pudeur, sans orgueil et surtout sans fioritures.

Preuve pour débuter du portrait que dresse Rachid, un de ces jeunes, de leur compagnon d’écriture :

–         Joseph, je sais pourquoi t’as fait éducateur comme métier. T’aurais jamais eu les couilles de devenir un voyou et surtout t’aurais jamais pu être flic. Du coup, comme ça, t’es entre les deux.

L’ouvrage se décline ensuite en thématique.

Ecole

Sylvain raconte sa sixième dans un internat de province installé dans un château.

« Le premier pote que je me fais là-bas, c’est Alain, il est dans ma classe et toutes les filles sont en sang sur lui. Il ne fait pas son âge, il est très grand à côté de mon mètre soixante et un. Moi je suis tout petit, je suis même le plus petit de ma classe en âge et en taille, même les filles me dépassent. Tout le monde m’appelle Kirikou. »

Avant même la fin de l’année, Sylvain craquera et fera la suite de sa scolarité dans un collège public de Suresnes.

Rachid, lui, écrit de la prison où il est incarcéré.

« Au début de ma première sixième, y’avait un mec avec qui je traînais dehors. Comme on le sait, un arabe et un gitan, si on les met ensemble, ça peut faire que des conneries ! On a même vendu de la drogue dans le collège, on en a vendu à tout le monde, mais surtout aux troisièmes et aux quatrièmes. »

« Par contre, j’ai jamais volé de meufs-enfin, si, deux fois-mais je le regrette encore. Déjà, parce qu’elles crient, ça ameute tout le monde et puis, on ne sait jamais, si ça tourne mal et que t’es obligé de mettre une baffe…Non, franchement, pas les femmes. Pareil pour les magasins. J’ai toujours eu honte de voler pendant les heures d’ouverture. Y’a des heures pour acheter et des heures pour voler. Moi, je ne suis pas un voleur  de magasins ouverts. »

Ce même Rachid écrit également son journal de mitard, autrement dit de quartier disciplinaire, quand il est une fois de plus sanctionné, au sein même de la prison.

« Promenade, en même temps que Choukette. Lecture, prières, gamelle, prières, galère !!! J’écris à mon avocat et au chef du bâtiment. Je repense à mon passé. A ma famille, aux morts de ma famille, je pense à mon avenir et je ne vois rien. J’ai vingt-deux ans ! »

A lire également la rencontre avec un surveillant que le jeune homme découvre humain et dont il aurait pu peut-être se faire un ami, en d’autres circonstances.

Les émeutes de 2005.

« En tout cas pendant les émeutes, la plupart des portes, elles, étaient ouvertes, les gens t’accueillaient, te donnaient à manger. C’est normal, même si t’es vieux, quand tous les jours, tu vois les flics qui humilient tout le monde, c’est une façon d’être solidaire (…)

On voyait bien que l’Etat avait peur, mais ce qui a vraiment manqué chez nous, c’est une organisation. Y avait pas de réunion, on faisait ça à l’improviste. Chaque cité faisait son truc dans son coin. Si il y avait eu des contacts avant, des vrais chefs, ça aurait été vraiment fumant ! (…)

Après, je ne sais pas si j’y retournerais aujourd’hui. Ça dépend mis c’est vrai que l’envie, elle est là. J’ai toujours une petite haine des keufs et elle peut vite devenir une grosse flamme. Si un jour faut faire la guerre aux keufs, je la ferai. Si faut aller place de la Concorde comme à la place Tahrir, j’irai, et même s’il faut s’armer de Kalach et de gilets pare-balles ».

Yougataga ! (NDR :  l’équivalent d’une « année Rock’n Roll)

La cité est dure et ses narrateurs aussi parfois, comme l’est Rachid quand il décrit le profil de ses anciens acheteurs.

« Les clients tu vois de tout, de toutes les couches sociales. Ça va du petit de douze ans au tellement vieux qu’on dirait qu’il a fait le Hadj (Pèlerinage à la Mecque), soixante-cinq, soixante-dix ans. Tu vois des riches, des junkies, des gens que t’as vu à la télé. Tu vois toute la France »

Plus réaliste encore, le point de vue de ce même Rachid sur la loi et la politique à mener en termes de lutte contre la drogue.

« Sinon en ce moment, ça parle beaucoup de légalisation. La légalisation, c’est une connerie. C’est l’Etat qui va vendre, déjà qu’il y a de la violence, ça va être encore pire. Ils vont vendre quoi, les gars, après ? Non, ce qu’il faut, c’est ouvrir des écoles, des gymnases, créer des emplois, faire partir les gens en vacances. C’est comme ça que tu inciteras les gens à ne plus dealer »

La religion

A l’heure où l’on parle recrudescence des intégristes radicaux dans les cités, d’islamistes prêts à tout sur notre propre territoire, là aussi le regard de ces jeunes est des plus clairvoyants.

(…) Après, dans le Livre, il est dit qu’il est important de respecter les autres religions. Moi j’en veux pas aux juifs mais aux israéliens ou pour être encore plus précis, à l’Etat hébreu. Et il y a des trucs que je ne comprends vraiment pas… Comment des gens qui ont connu des camps de concentration peuvent en fabriquer à leur tour ? Comment ils peuvent faire souffrir des gens alors qu’eux ont déjà souffert ?

Dans quarante ans on sortira les photos de Gaza et celles des camps, on aura quoi comme différences ? Une elle est en couleurs et l’autre en noir et blanc. Des mères derrière des barbelés.

Mais attention, les mecs dans la cité, ils disent : « La Palestine ! La Palestine !!! » C’est un beau combat mais il y en a d’autres aussi. Et le Darfour ? Et le Soudan ? Le problème c’est qu’on ne peut pas se battre pour tout ni pour tout le monde. Moi le premier. »

Sylvain, lui, est plus direct mais non moins pragmatique : « Comment font les gens pour ne pas croire en Dieu ? Comment est-on là, tout simplement ? Il y a bien un commencement… »

Alex est pas mal non plus dans le genre.

« La religion, ça m’aide dans la façon d’être avec les autres et aussi dans la façon d’être avec moi-même. Je ne doute absolument pas du choix que j’ai fait. J’ai encore des tonnes de trucs à apprendre, j’en aurai jamais fini ».

Vient se greffer à ces témoignages à vif, celui, non moins poignant et impliqué de leur éducateur, Joseph Pontus, le maître d’œuvre de ce livre. Un regard vif et à fleur de peau, notamment quand il décrit l’appareil judiciaire dans lequel ses ouailles se retrouvent plus qu’à leur tour empêtrées.

« L’avocat de Toufik est vraiment de cette race de truands qui s’acoquine avec le milieu, c’était le même qui avait défendu Rachid pour le bris de la porte de sa chambre d’isolement à l’hosto. Il est toujours aussi poseur, infatué, irritant. Semble lire avec mépris la note que je lui tends. Et si c’est comme la dernière fois, il fera style qu’il ne plaide même pas et ne reprendra que nos mots. Mais bon, on verra bien ».

Juges et policiers ne sont pas non plus épargnés, les premiers par l’éducateur, les seconds par les jeunes.  JAP, présidents de tribunaux, policiers de la BAC,  ne sont pas forcément montrés sous leur meilleur jour mais ce n’est pas là le but de ce livre. La vérité est parfois difficile à entendre.

Post-scriptum

Le livre se clôt sur un post-scriptum où Joseph Pontus cite notamment Pierre Michon et « ses vies minuscules » parues chez Gallimard.

« A leur recherche, pourtant, dans leur conversation qui n’est pas du silence, j’ai eu de la joie, et peut-être fut-ce aussi la peur ; j’ai failli naitre souvent de leur renaissance avortée, et toujours avec eux mourir ; j’aurais voulu écrire du haut de ce vertigineux moment, de cette trépidation, exultation ou inconcevable terreur, écrire comme un enfant sans parole meurt, se dilue dans l’été : dans un très grand émoi peu dicible ».

Et l’éducateur de reprendre ses propres pensées alors qu’il sait qu’il va changer d’affectation et que son travail avec ses protégés est terminé.

« Comme un parent qui voit ses enfants partir du foyer. Le cœur se serre. Déjà penser aux retrouvailles. On sortira la meilleure bouteille, ce sera dimanche, la table de fête sera mise juste ce qu’il faut de nostalgie pointera le bout de son museau. On se rappellera des beaux moments avec ce rien de pudeur qui sait que nos vies sont désormais plus liées, plus tant que ça. »

« Nous…La cité » Rachid Ben Bella, Sylvain Erambert, Riadh Lakhéchène, Alexandre Philibert et Joseph Pontus, Label « Zone », éditons La Découverte.

09 Oct

Nom de Nom !

Le village de Laguiole dans l'Aveyron - Photo de Pierre Lesage

Quand nos villages ne s’appartiennent plus… Dernier exemple en date, la commune de Laguiole en Aveyron Le village a perdu l’usage commercial de son nom. Ainsi en a décidé, le 13 septembre dernier, le tribunal de grande instance de Paris. Un petit entrepreneur du Val de Marne peut ainsi commercialiser sous l’intitulé Laguiole des produits fabriqués en Chine. Il est en effet détenteur officiel du nom « Laguiole ». Thierry Moysset, gérant de la forge aveyronnaise, ne peut lui, en revanche commercialiser aucun autre produit que ses couteaux sous le nom de sa commune. Ubuesque ? Non, légal.
Lundi, Sylvia Pinel est donc allée soutenir les artisans locaux en leur promettant une IGP (Indication géographique Protégée). Aujourd’hui cette certification ne vaut qu’en agriculture ou viticulture, la ministre déléguée à l’artisanat souhaite l’étendre aux produits manufacturés.
Son objectif : « protéger nos savoir-faire et nos emplois ». Les 1300 habitants de Laguiole pourront ainsi, d’ici quelques mois voire années, commercialiser sous le nom de leur commune des produits certifiés.
Mais cette IGP n’empêchera en rien l’entrepreneur du Val de Marne de continuer à vendre sous la marque Laguiole des produits fabriqués en Chine ! Et le cas se présente également, sous des modalités différentes certes, mais dans le même (mauvais) esprit, sur une marque de préservatifs estampillés « Condom » jouant sur le nom de la commune du Gers.
Alors à quand un « Gaillac » ou un « Roquefort » made in China ? La France n’est pas le seul pays dépossédé, l’Italie avec son jambon de Parme a du, elle aussi en son temps, défendre son bout de gras. Et il y aura à Laguiole, comme ailleurs, encore bon nombre de batailles de nom…à couteaux tirés.

Patrick Noviello

05 Oct

Lettre à François…

François, Jean-Marc, Martine, qu'allons-nous faire de notre victoire ? par Christian Picquet

« Une lettre ouverte » c’est ainsi que Christian Picquet qualifie son ouvrage « François, Jean-Marc, Martine, qu’allons-nous faire de notre victoire ? » (Editions Arcane17). Un ouvrage qui sort quarante ans après la signature du Programme Commun de la Gauche, une date-clé que rappelle en introduction le co-fondateur du Front de Gauche. Très vite également, le conseiller régional fait aussi référence à 1983 et «le tournant de la rigueur » comme un effet miroir à notre actualité politique et économique.
Même si actuellement, le Front de Gauche ne se veut nullement dans l’opposition mais dans la proposition, Christian Picquet fait valoir deux gauches, l’une gouvernante « tenaillée par la tentation permanente du renoncement », l’autre « de radicalité, campée sur l’attente de l’alternative ». Pour l’auteur, la gauche au pouvoir n’a pas d’autres choix que « le suicide ou l’audace ». Et au leader de la Gauche Unitaire d’exposer son grief principal contre le programme de François Hollande« Nous aurions aimé un projet plus ambitieux ».
Ainsi est dénoncée « une politique d’austérité » menée notamment par Didier Migaud, président de la Cour des Comptes, « politique qui va mener à l’anéantissement de la Gauche ». Christian Picquet pointe également du doigt le pacte européen de stabilité budgétaire « qui condamne l’Europe à subir le même sort que la Grèce ». Il faut donc selon lui « changer de logiciel ». Augmenter le smic de 0,6% ne suffit pas, explique l’ancien de la LCR, il faut redistribuer les richesses.
Quelques pistes sont données en fin d’ouvrage, comme une « révolution fiscale » qui s’attaquerait plus aux bénéfices et aux dividendes, et n’hésiterait pas à faire appel à des « dispositions confiscatoires ». Dans le collimateur également, les licenciements boursiers qui doivent être supprimés. Enfin, « une augmentation des salaires et pensions » est préconisée. Dans « Changer de destin », François Hollande avait qualifié le programme du Front de Gauche « d’idées généreuses sur les salaires et une prodigalité dans la dépense publique ». A voir cette divergence d’opinion, on peut se demander si cette lettre ouverte ne restera pas lettre morte ?

03 Oct

Mineurs à la barre

Il avait 13 ans, c’était en mai 2009, un vendredi. Sa prof de math l’avait obligé à rester en classe réaliser un travail qu’il n’avait pas fait. Il lui a demandé de revenir sur cette décision, elle a refusé,  il l’a poignardée.  13 ans, c’est jeune pour devenir un meurtrier… Heureusement les secours ont sauvé l’enseignante. Mais l’irréparable a été commis. Ce geste et cette violence resteront gravés à jamais, pour l’un comme pour l’autre des protagonistes.

La victime a repris l’enseignement voilà deux ans et l’on imagine quel chemin elle a du faire pour se retrouver à nouveau devant une classe. Et lui ? Ce gamin au couteau ? Etablissement pénitentiaire pour mineur, un puis deux centres éducatifs fermés et aujourd’hui un établissement de placement éducatif, voici son parcours, la fin définitive de l’enfance, une jeunesse broyée.

Le procès s’est tenu lundi au Tribunal de Grande Instance de Toulouse. Que pouvait-il amener au fond ? La victime n’a semble-t-il pas eu de réponses à ses questions. Selon un expert « à cet âge-là, on est en dehors du réel ». Alors comment juger un tel acte ? Quelle réponse peut amener la justice ? Ce gamin n’était pas, parait-il, un élève à problème. Pas de signaux d’alerte donc, impossible d’incriminer là une mauvaise politique de prévention.  L’audience a été longue, la défense a plaidé, tard dans la nuit, comme pour sonder l’insondable, comme si les mots avaient encore quelque chose à signifier quand on parle d’imprévu ou d’inexplicable. Le jugement a été rendu mardi à trois heures du matin : cinq ans de prison dont deux ans fermes.
« Le tribunal a ouvert la possibilité de l’aménagement de la peine évitant l’incarcération » explique l’avocat de la défense. La défense qui, comme la partie civile, ne veut pas voir à travers cette audience un procès symbole de la délinquance des mineurs ou de la violence scolaire. Alors justement, au-delà de cette affaire et de cette décision, que fait-on pour lutter contre un tel acte, ou mieux, le prévenir ? 25 assistants de prévention et de sécurité ont été recrutés dans l’académie, tout droit sortis du programme de campagne présidentiel. Parce qu’il n’y a pas de petits profits, un assureur bien connu des enseignants a même sorti une clause « agression physique ».

Côté politique, Christiane Taubira a annoncé dès le mois de mai son intention de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs instaurés sous la majorité précédente pour « redonner à la justice des mineurs sa spécificité ». Les anciens tribunaux pour enfants resteront donc les seuls à pouvoir juger les 16-18 ans. L’individualisation et l’atténuation de la peine liée à la minorité sont aussi deux objectifs majeurs pour la Garde des Sceaux. Face  à ces recommandations, l’UMP a  alors dénoncé un « retour de l’angélisme et de la culture de l’excuse ».

Les juges, eux, semblent soutenir majoritairement la ministre de la justice et rejettent toute accusation de «  laxisme ». Après tout, ce sont bien eux qui auront l’avenir de ces jeunes délinquants entre leur main. Christiane Taubira l’a bien compris en ne leur adressant que de simples « recommandations ». C’est bel et bien à eux de juger.

A notre santé (Partie V)

Chers internautes et téléspectateurs, une opération du dos qu’on peut qualifier de « bénigne » va me tenir éloigné de vous durant un mois. L’occasion, à l’heure où notre politique de santé, est à nouveau au centre du débat d’idées, de vous faire partager à travers quelques chroniques l’expérience de mon parcours de soin. Du médecin généraliste, au praticien d’une clinique privé, de mon (court) séjour dans cette dernière au travail des infirmières libérales. Là encore il ne s’agit pas d’une enquête exhaustive mais plutôt de tranches de vie et de portraits d’acteurs de notre société, des acteurs ô combien importants puisqu’ils sont les garants de notre santé. Alors justement, à notre santé !

Partie V : Retour au bercail.
Me voilà donc de retour chez moi et arrêté pour un bon mois. Autant dire qu’il va falloir s’occuper, heureusement ce blog est là, et vous aussi. Pour m’occuper également, dans un premier temps, l’ensemble des formalités administratives à ne pas oublier : envoi de l’arrêt-maladie à l’employeur et à la Sécu dans les plus brefs délais, papiers à retourner à la Mutuelle sous peine de ne pas être remboursé de certains actes.
Je vais désormais recevoir la visite quotidienne d’une infirmière. Ces dernières sont en général très disponibles et réactives, c’est en revanche au patient de se débrouiller pour les trouver. La mienne habite dans mon quartier. Associée à une consœur, elle assurera mes soins sept jours sur sept. A tour de rôle, elles enchaînent pas moins de trente-cinq visites par matinée, de l’aube jusqu’à midi, puis reprennent leur tournée en fin d’après-midi pour environ une heure trente. Soignantes avant tout, elles ont aussi un véritable rôle social, notamment à travers les personnes âgées qu’elles suivent au quotidien.
Avant leur première visite, il faut que je me procure le matériel nécessaire aux soins. Depuis le temps qu’on nous dit que les pharmacies travaillent à flux tendu, le phénomène se vérifie une fois encore. Trois allers retours à l’officine la plus proche seront nécessaires  avant de pouvoir ramener la totalité des compresses et autres kits de pansements après en avoir passé commande. Et en règle générale, si on vous en a trop prescrit, ne comptez pas les ramener, une fois la marchandise sortie, elle est rarement remise dans les stocks et encore moins remboursée.
Ainsi vont s’écouler trois semaines et demie avant ma visite de contrôle auprès de mon chirurgien. Retour à la clinique avec une bonne demi-heure pour trouver une place de parking : un test grandeur nature mais éprouvant pour ma reprise de volant… Le docteur me reçoit à l’heure puis, après une brève mais efficace auscultation, il me donne le feu vert pour mon retour au travail quatre jours plus tard.
La Sécu n’a pas attendu cet avis médical pour me convoquer en vue d’une consultation auprès de son médecin conseil, un mercredi, à 9h15, alors que j’aurai repris mon activité professionnelle depuis une semaine… Pratique ! J’appelle la CPAM 31 pour 6 centimes d’euros la minute et fait annuler ce rendez-vous.

–    Ça ne m’étonne pas qu’ils vous aient convoqué, m’explique l’infirmière. Ce matin, dans la voiture, j’entendais une publicité de la Sécu pour sensibiliser les gens sur les arrêts maladie abusifs.
–    Peut-être que certains exagèrent, mais comment vérifier ? Les contrôles sont rares et puis parfois, il n’est pas simple d’évaluer.
–    De toute façon, c’est le médecin qui décide. Remettre en cause son diagnostic me parait difficile, conclut la professionnelle de santé.

Quoi qu’il en soit, je suis bien content que mon arrêt se termine et, avec lui, ce feuilleton. Un grand merci à tous ceux qui m’ont permis de vous retrouver très vite pour de nouveaux débats et autres confrontations d’idées. A leur santé et à la nôtre !