Jeudi 26 novembre à l’initiative du député de l’Hérault, Christophe Euzet (Agir) , l’Assemblée Nationale va examiner un projet de loi contre la discrimination par l’accent. L’auteur toulousain Claude Sicre également fondateur du Forom des Langues réagit à ce projet mais plus largement à ce qu’il qualifie de « maladie de l’unitarisme ».
« Je suis pour faire semblant d’être pour cette loi ». A travers cette affirmation toute la malice et l’ironie du « Fabulous Trobadors ». « C’est la seule façon d’en faire parler par beaucoup de monde » reconnaît volontiers le fervent défenseur de la langue occitane.
C’est aussi présent et invisible que l’air qu’on respire » Félix Castan
Mais de quels maux la glottophobie est-elle le nom ? «Le problème plus général, plus profond, c’est le rapport Paris-Province » martèle Claude Sicre. « Ça n’est pas nouveau, ça date de la Renaissance. Je l’analyse dans mon livre (1) et je suis le premier à pousser le raisonnement jusqu’au bout » insiste-t-il.
Et l’auteur de citer l’un de ses maîtres à penser l’écrivain occitan Félix Castan qui disait de ce rapport Paris-Province « c’est aussi présent et invisible que l’air qu’on respire ». « Quand Montesquieu disait « peut-on être persan » il voulait en fait dire « peut-on être gascon » » fait également remarquer Claude Sicre.
L’unitarisme et la pensée française
« L’unitarisme est la maladie numéro un de la pensée française » explique l’artiste. « Il est à l’oeuvre depuis des siècles dans la littérature, l’histoire, toutes les sciences humaines, les arts, l’humour, la chanson, le cinéma, la radio, la télé, les comportements politiques, sociaux, économiques des français. Mais on ne le voit pas. Tellement il est enraciné dans notre façon de pensée ».
Pas besoin d’aller chercher bien loin dans les archives politiques pour tomber sur des réminiscences de cette discrimination indémodable. On se souvient de la mésaventure d’une de nos consoeurs raillée par Jean-Luc Mélenchon lors d’une interview. Mésaventure qui avait même valu à la députée LREM Laetitia Avia la (mauvaise ?) blague de proposer une loi sur le sujet. Mais aujourd’hui nous y sommes.
Pas besoin de loi ou de règlement, on va mettre tout le monde d’accord » Claude Sicre
Pour Claude Sicre « si la question est bien posée, en profondeur, tout le monde va mesurer l’énormité de ce que cela soulève, et il n’y aura pas besoin d’alourdir notre justice d’une énième loi victimaire ». Selon lui, pas besoin de loi, de règlement, ou encore de sanctions.
« Si les politiques lisent quelques livres, si les intellectuels sortent de leur carcan parisien, si les journalistes donnent la parole sans s’arrêter aux anecdotes en allant en profondeur, il y aura un déclic » assure ce féru de langue qui lance un appel à cette même presse.
Un Premier Ministre plus sensible à la question ?
Reste à savoir maintenant ce qu’il adviendra de ce projet de loi. Emportera-t-il l’adhésion de la majorité LREM ? Donnera-t-il lieu comme le souhaite Claude Sicre à un débat plus large ? Sera-t-il appuyé en hauts lieux par un Jean Castex venu de province ? Premier Ministre qui se souvient sans doute encore de la façon dont avait été accueilli son accent du sud-ouest lors de son arrivée à Matignon.
(1)« Notre Occitanie » de Claude Sicre aux éditions « Anagraphis »
Patrick Noviello (@patnoviello)