C’est la question que pose une note éditée par la Fondation Jean Jaurès. Jerôme Fourquet et Sylvain Manternach livrent, six mois après, leur analyse « socioculturelle de ce non-basculement ». Instructif quant aux causes avancées de la défaite de la liste écologiste et citoyenne.
Pourquoi Lyon, Strasbourg, Besançon ou encore Poitiers, Tours et Bordeaux et pas Toulouse ? Comment une ville qui, à la Présidentielle, a accordé 29,2% à Jean-Luc Mélenchon au 1er tour en 2017 et 62,5% à François Hollande au second en 2012, a-t-elle vu la droite l’emporter ?
Première élément d’explication : « Une gauche archipélisée » au premier tour (avec six listes) face à une droite unie et qui plus est soutenue par LREM. Avantage donc Moudenc pour ce qui est d’un départ groupé.
Qui vote qui ?
Mais Fourquet et Manternach rentrent également dans le profil des électorats respectifs des listes de gauche. Ainsi le vote Archipel Citoyen « se superpose assez bien avec la carte de la densité de population ainsi que la desserte en métro et un aménagement favorable au vélo. Bref un électorat dans la partie centrale de la ville, l’hyper centre très bourgeois restant clairement à droite.
Autre liste de gauche, celle de Pierre Cohen. « Elle apparaît comme un négatif assez parfait du vote pour l’Archipel Citoyen » nous explique la Fondation Jean Jaurès. « Mais surtout c’est dans les cités toulousaines que cette liste enregistre ses meilleurs résultats », plus de 10% au Mirail, Empalot ou encore aux Izards. Les métropolitains à Archipel, les cités populaires à Génération(s).
Pellefigue et Maurice se sont disputés un électorat similaire »
Quid du PS ? Nadia Pellefigue (18,5% contre 27,6 à Antoine Maurice au 1er tour) prospecte son électorat sur les mêmes terres qu’Archipel. Plus on se rapproche du centre-ville, plus l’écart se creuse entre les deux listes. Dans la périphérie, l’écart est plus faible voire rarement à l’avantage de la socialiste.
« Au total, il apparaît que les trois listes de gauche se sont adressées à des segments électoraux, non seulement différents sur certaines orientations politiques mais également divers en termes socioculturels ». Mais, mécaniquement, l’ensemble des voix conquises au premier tour ne se sont pas agrégées au second. Résultat d’une union trop tardive et ratée.
« Une clientèle fidélisée de longue date» pour Moudenc
L’étude relève en revanche que Jean-Luc Moudenc, lui, a su construire sa victoire dans « les quartiers de l’hyper-centre les plus aisés » mais aussi sur « certains quartiers pavillonnaires excentrés ». Son implantation de conseiller départemental puis de député sur ces deux zones n’y est pas étrangère. « Une clientèle fidélisée de longue date » comme l’appelle Fourquet et Manternach.
Derrière une opposition gauche/droite, ce sont également deux visions de la ville et deux façons de la vivre qui se sont fait face au second tour »
Phoning et procurations par milliers ont aussi permis au maire sortant de creuser l’écart selon l’étude. Dans les quartiers plus périphériques où les déplacements se font encore en voiture, le candidat LR prend aussi l’avantage. L’électorat d’Archipel, lui, se retrouve le long des stations de vélos et du tracé du métro.
Comment l’aéronautique et la LGV ont plombé Maurice
Au-delà des profils électoraux des deux listes, deux dossiers ont également fait la différence : l’aéronautique et la LGV. Antoine Maurice affronte un premier trou d’air, accusé d’avion-bashing par son adversaire. Opposé également à une nouvelle ligne TGV entre Toulouse et Bordeaux (il prône un réaménagement de l’existant), l’écologiste voit une différence programmatique insurmontable le priver d’un report de voix suffisants avec la liste de Nadia Pellefigue.
Une LGV Sud-ouest qui, paradoxe, a amené de Paris un électorat plus favorable à EELV à Bordeaux, Poitiers, Tours. Une LGV qui a aussi amené des « bobos » à Strasbourg, Lyon et même Marseille, faisant basculer ces métropoles du côté des Verts ou de la gauche version citoyenne. Au même titre, relève l’étude, qu’historiquement « l’arrivée du chemin de fer » et des activités économiques qui vont avec avait « favorisé l’implantation précoce et durable du Parti Communiste ».
L’absence d’une LGV a donc sans doute structurellement pénalisé Antoine Maurice et favorisé Jean-Luc Moudenc en freinant le changement sociétal et la boboïsation de la ville rose »
En fin de note, Fourquet et Manternach, aidés de Céline Collange, expliquent comment ils ont mis au point leur « indice de boboïsation », loin des catégories décrites par l’Insee. Ils assurent que « Bordeaux surclasse nettement Toulouse » en la matière.
Patrick Noviello (@patnoviello)