Déjà auteures d’un rapport sur les Ehpad, la députée LREM de Haute Garonne Monique Iborra, associée à sa collègue (LFI) de la Meurthe et Moselle Caroline Fiat, ont ausculté la prise en charge des personnes âgées dans la première partie de la crise sanitaire.
Un constat prévaut à la mise en place de cette mission et les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Selon Santé Publique France et l’INSEE, au 5 mai, 92% des 25 000 décès recensés Covid+ concernaient des personnes âgées de plus de 65 ans. Les EHPAD comptaient fin avril 12 500 décès, dont 3 100 survenus en hospitalisation. »
Un secteur médico-social abandonné à lui-même »
Ce qui vaut cette contribution personnelle de Monique Iborra en annexe de cette mission : « Le secteur médico-social a été souvent abandonné à lui-même, ce qui a renforcé les frustrations légitimes, entre un secteur sanitaire (NDR : hôpitaux) valorisé, et un secteur tout aussi indispensable mais ignoré par un pilotage local insuffisant et peu opérant ».
Autres points noirs de ce rapport d’étape (l’épidémie se poursuivant toujours) : des personnels manquant cruellement de matériel de protection, des hospitalisations de résidents diagnostiqués trop peu nombreuses ou trop tardives. « Nous avons pu heureusement constater des initiatives locales sortant du schéma habituel, mettant en place des coopérations, et qui ont fait se rencontrer et agir de concert hôpitaux, EHPAD, services à domicile, médecine de ville, et villes ou intercommunalités, notamment pour trouver des réponses aux difficultés d’obtention de matériel de protection, manquant dans un premier temps » tempère Monique Iborra.
Malgré l’aide des conseils départementaux ou des SAMU, les errements de début de crise en Ehpad n’ont jamais pu être rattrapés, du moins dans les zones exposées les plus violemment dès le départ (Grand-Est, Ile de France, Hauts de France). « Les professionnels de santé des régions les moins touchées, comme l’Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine, ont bénéficié des retours d’expérience de leurs homologues du Grand-Est et ont ainsi pu mettre en place des protocoles adaptés, tout en s’appuyant sur une collaboration très étroite avec les gérontopôles de leurs territoires » rappelle la mission.
Des méthodes de confinement qui interrogent l’éthique
Autre constat de la députée de Haute-Garonne, « un certain nombre de décisions ont pu interroger l’éthique ». Dans son viseur : les conditions de confinement de certains résidents d’Ehpad atteints de troubles du comportement ou de la maladie d’Alzheimer. « Trop peu médicalisés » pour faire face à ces situations, le modèle de ces établissements « doit être complètement repensé » selon elle. Un problème éthique également relevé parfois dans le non-respect des directives anticipées au moment du décès des résidents.
La mission souligne toutefois « les initiatives des personnels des EHPAD, qui ont fait preuve de créativité pour réorganiser les locaux existants, peu adaptés à la violence de cette épidémie, et qui ont mis tout en œuvre pour rendre plus humaine la traversée de cette crise particulièrement anxiogène pour les résidents et leurs familles ».
Un accompagnement à domicile nettement insuffisant »
Mais les deux députées ont également examiné la prise en charge des personnes âgées à domicile face à la crise sanitaire. Et là aussi, le constat est sans appel. Monique Iborra relève « un accompagnement nettement insuffisant des personnes en perte d’autonomie à domicile, et des associations de professionnels ignorées dans un premier temps ».
Une loi de 2015 encourage le maintien à domicile des personnes âgées. Mais là aussi, selon la députée, le modèle doit être totalement repensé comme les acteurs du secteur le demandent depuis des années. Certaines personnes n’ont même pas voulu être aidées de peur d’être contaminées par des intervenants extérieurs. « Des personnels manquant d’identification en tant que soignants, avec de réelles difficultés pour obtenir dans un premier temps du matériel de protection, parce que non considérés comme des acteurs de première ligne » détaille la députée toulousaine devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, le 13 mai dernier.
Pour une gouvernance locale « revue, corrigée, simplifiée »
La « gouvernance locale » de cette prise en charge des personnes à domicile doit être « revue, corrigée et simplifiée » assure Monique Iborra devant cette même commission. Parmi les acteurs incontournables de ces services, qui auront apprécié ou pas la sortie : les départements qui gèrent cette mission et une partie du personnel.
Les deux co-auteures posent enfin un certain nombre de recommandations pour réussir le déconfinement mais aussi au-delà. Selon elles, les moyens humains doivent être renforcés en Ehpad de même qu’une quantité suffisante de matériel de protection et de médicaments doivent être assurés. Elles demandent également la mise en place de tests systématiques pour le personnel des établissements comme pour celui des associations d’aide à domicile.
Patrick Noviello (@patnoviello)