09 Avr

Carnet de confinement (4) : quel après ?

Peut-on encore parler de politique par les temps qui courent ? Plus que jamais. C’est l’objet de cette chronique.

Désinfection du mobilier urbain à Toulouse par un agent municipal (Photo MaxPPP Xavier De Fenoyl)

Penser à l’après, c’est la meilleure façon de se donner de l’espoir. Ou pas. Dans une tribune, une soixantaine de parlementaires (aucun de l’ex-Midi-Pyrénées) appellent à préparer le jour d’après. A peine avais-je poster un article relayant l’initiative sur les réseaux sociaux que le boomerang me revenait en pleine tête. Le commentaire disait ceci en substance : « comment faire confiance pour nous en sortir à ceux qui nous ont mis dedans ? ».

Revoir le système, d’autres y pensent pour le secteur des assurances notamment. Un parlementaire de notre région, Pierre Cabaré (majorité présidentielle) a écrit à la présidente de la Fédération Française des Assurances pour lui demander de contribuer plus à l’effort national. Le groupe Socialistes et apparentés, à l’Assemblée, emmené par la députée du Tarn et Garonne Valérie Rabault, a déposé une proposition de loi pour revoir carrément les clauses en cas de pandémie (Voir notre article dans ce blog).

Revoir le(s) système(s) voilà donc une expression qui revient à la mode par la force des choses. Contrairement à d’autres pays, l’Etat français a décidé de prendre à son compte le chômage partiel d’ores et déjà déclaré. Mais jusqu’à quand ? Le président d’une chambre consulaire de notre région m’expliquait que quasiment un quart des petites structures qu’il accompagne risquait de disparaître après cette crise sanitaire. Et leurs emplois avec…

Quel redémarrage économique ?

L’après c’est effectivement (et surtout ?) le redémarrage économique. Parce qu’au-delà de la finance, c’est de l’économie réelle dont il est ici question, celle qui crée des emplois et qui nous rend service au quotidien, y compris en ce moment. Cette économie, c’est aussi celle du tourisme. Et l’après, pour beaucoup d’entre nous qui cherchent à se remonter le moral, a la saveur des vacances d’été.

Alors que la Présidente de Région nous appelle à les passer en Occitanie, certains campings de notre littoral savent, eux, que leur saison est fortement compromise. Fréquentés traditionnellement à 70% par des touristes allemands, ils viennent de découvrir que nos voisins germaniques travailleront en juillet et aout pour renflouer leur PIB.

De son côté, Marc Ivaldi, économiste à la Toulouse School of Economics défend la même théorie. Il propose « d’abandonner tout ou partie de nos droits aux vacances pour relancer la machine ». « Les vacances d’été sont compromises. Donc autant être solidaire » estime l’ancien candidat LR aux élections régionales de 2015.

 

Levée de boucliers des socialistes locaux à l’image du président de Haute-Garonne Tourisme. « Si la saison estivale ne se tient pas, ce sont des centaines d’emplois qui seront en difficulté en Haute-Garonne, et des centaines de milliers en France » rappelle Didier Cujives dans un communiqué.

Relire « l’administration de la peur »

Penser à l’après, pour se donner aussi du courage, n’empêche pas non plus de regarder dans le rétro. Comme j’ai plus de temps pour lire en ce moment, je me suis replongé dans un livre d’entretien avec Paul Virilio : « L’administration de la peur » (1). L’urbaniste-essayiste y expliquait, voilà dix ans déjà, que nous savions qu’il y avait de quoi avoir peur de notre monde : « guerres, famines, épidémies » … Mais que ce n’est pas en cherchant à aller plus vite et être partout que nous parviendrons à nous sauver. Je terminerai ce carnet en le citant.

« On se s’en sortira pas au moyen d’un quelconque anarcho-syndicalisme, fut-il vivace et convaincu. Ou bien même au moyen d’une logique qui ferait de l’anti-progrès, son alpha et son oméga. D’où ma réserve, au passage, sur la notion de décroissance. Je ne crois pas davantage qu’il existe de solutions locales : c’est à l’échelle du monde que cette réflexion doit se mener, que quelque chose qui ressemblerait à la naissance ou à la renaissance de l’Université (un intellectuel collectif majeur de l’Histoire) doit prendre cours. »

Patrick Noviello (@patnoviello)

  • (1) « L’administration de la peur », Paul Virilio, entretien avec Bertrand Richard, éditions Textuel.