Ils ont perdu dès le soir du premier tour des élections municipales le 15 mars dernier, mais ils sont toujours en poste. Comment vivent-ils cette position si particulière ? Leur motivation est-elle intacte ? Et leurs adversaires vainqueurs dans tout ça ?
« Ce premier tour n’aurait jamais dû avoir lieu ! » Plus il y repense, plus il en est persuadé. Jean-Paul Raynaud n‘en démord pas. Pour le (toujours) maire de Saint-Juéry dans le Tarn « la démocratie locale a été impactée ». Selon l’élu Divers Gauche, ce sont près de 1250 votants qui auraient manqué à l’appel sur sa commune qui compte six fois plus d’habitants.
Un autre maire battu partage cette analyse d’un scrutin faussé par le coronavirus. « On a clairement été empêché » affirme Bruno Costes. Le maire LR de Pibrac, en Haute-Garonne, estime que toute sa fin de campagne a été impactée.
« Nous devions assurer en tant qu’élus la gestion de cette crise sanitaire, et contrairement à certains de nos adversaires nous avons préféré annuler nos réunions publiques ». Lui estime les votants de plus de 65 ans de sa commune à environ 2000 personnes. Autant d’électeurs probablement dissuadés par les annonces d’Edouard Philippe le vendredi précédent le scrutin selon lui.
On est passé à autre chose »
« Ceci dit, nous en sommes là. Et la seule chose qui compte maintenant, c’est de rendre le meilleur service à notre population dans cette crise » assène Jean-Paul Raynaud, un brin fataliste. Accompagnement des personnes isolées via le CCAS, éventuelle réouverture de la crèche pour les enfants de personnel soignants, cellule de veille téléphonique trois jours par semaine et une présence physique quotidienne à la mairie, voilà de quoi l’occuper. « Et lundi prochain, nous tiendrons un bureau municipal par conférence téléphonique » annonce l’élu tarnais.
« On est passé à autre chose » reconnaît également Bruno Costes. Le maire de Pibrac assure être dans « une gestion de crise au plus près des habitants ». « On ne sait pas combien de temps ça peut durer. On a réorganisé tous nos services en conséquence pour aider les plus vulnérables et nous efforcer de créer une solidarité ».
Et leurs adversaires vainqueurs dans tout ça ?
« Aucun contact ! C’est quelqu’un que je ne connais pas, que j’ai dû croiser trois ou quatre fois » évacue Jean-Paul Raynaud, sans acrimonie pour David Donnez, avant de livrer le fond de sa pensée. « Moi, je crois que dans cette période-là, il ne faut pas tout mélanger. Je travaille avec mes huit adjoints. Si on vient rajouter de nouvelles personnes avec qui on n’aura pas forcément la même vision, on sera moins efficace » se justifie le maire de Saint-Juéry.
« Camille Pouponneau m’appelle » reconnaît Bruno Costes à Pibrac. « Mais les responsables c’est nous ! » prévient-il dans la foulée. « Ce sont les maires et les adjoints en place qui ont la capacité à gérer cette crise. Or quand une majorité change, il y a toujours une période d’incertitude et de l’inexpérience. L’important actuellement c’est qu’il n’y ait pas d’interférence. Chacun à sa place » recadre le maire de Pibrac.
Et après ?
« Je n’y pense pas vraiment » assure Jean-Paul Raynaud. A demi-mot, il avoue qu’il s’était finalement habitué à ne plus être maire et à pouvoir souffler. « Mais aucune date butoir n’est fixée. Et c’est bien normal vue la situation. Tout ne reprendra pas du jour au lendemain » reconnaît-il. « Notre prolongation est due à cette crise, on le sait. C’est pour ça que je ne m’avancerai pas dans la suite de la gestion de la mairie » prévient-il.
L’après ? La question ne se pose pas non plus pour Bruno Costes. « Moi je faisais partie de ces maires qui travaillaient » clame-t-il sans détour. L’homme occupe un poste aux affaires institutionnelles chez Airbus doublé d’une mission importante à l’AFNOR. « J’y pilote toute la stratégie normative pour la France. Nous nous sommes notamment mobilisés pour aider les sociétés qui fabriquent aujourd’hui des masques alors qu’elles ne le faisaient pas jusqu’à présent » précise-t-il avec fierté.
Oubliera-t-il pour autant son mandat de maire une fois la crise sanitaire passée ? « Sous réserve que les élections ne soient pas annulées… » conclue-t-il.
Patrick Noviello (@patnoviello)