Les municipales à Toulouse secouent le PS. Bertrand Auban a été à la tête de la Fédération de la Haute-Garonne entre 1992 et 1997. L’ancien sénateur, proche de Lionel Jospin puis de François Hollande, a passé 4 décennies dans les rangs du parti à la Rose. Il revient sur la crise qui secoue sa famille politique.
Le Blog Politique. Les investitures pour les Municipales à Toulouse suscitent de vives tensions au sein du PS de la Haute-Garonne. Avez-vous connu des crises similaires ?
Bertrand Auban. Après plus de 40 ans au parti socialiste, je n’ai jamais vu une telle situation pour une investiture. Le parti socialiste a vécu de grands moments . 1981 avec l’élection de François Mitterrand. 1988 avec le second mandat du 1er président socialiste de la Ve République. En 1997 avec la victoire de Lionel Jospin ou encore en 2012 avec l’arrivée de François Hollande à l’Elysée. Mais le parti a également traversé des périodes sombres. Et à chaque fois le PS a toujours su rebondir grâce au respect des militants, de leurs choix, de leurs votes internes. Tout cela en accord et dans le respect des statuts. Le respect des statuts est une « règle d’or ». Il est parfois apparu des tensions dans des fédérations. Mais le respect des statuts a donné au parti socialiste une force et un socle militant extraordinaires.
Je n’ai jamais vu une telle situation pour une investiture
Le Blog Politique. La Fédération est accusée, par un des candidats aux Municipales, Romain Cujives, de ne pas respecter les statuts. Votre point de vue ?
Bertrand Auban. En 2012, déjà sous le mandat à la Fédération de Sébastien Vincini, un véritable hold-up a été commis sur la 9ème circonscription de la Haute-Garonne. Le secrétaire national des élections, Christophe Borgel, a récupéré une circonscription qu’il avait lui même réservée à une femme. Christophe Borgel s’est auto-proclamé candidat avec la complicité coupable du 1er secrétaire fédéral Sébastien Vincini. Au PS de la Haute-Garonne, on a donc déjà des arrangements avec les statuts. Aujourd’hui, pour les municipales à Toulouse, on atteint des sommets avec l’autorisation du 1er secrétaire national, Olivier Faure. Avec ce nouvel épisode, Sébastien Vincini restera définitivement, dans la mémoire des socialistes, comme celui qui a « bidouillé » les statuts.
Sébastien Vincini restera comme celui qui a « bidouillé » les statuts
Le Blog Politique. En dénonçant le comportement du 1er Fédéral, vous soutenez en fait Romain Cujives ?
Bertrand Auban. Absolument pas. Je connais les candidats mais je ne prends aucun parti, pour aucun d’entre eux. Même si, pour la plupart, j’ai une réelle sympathie. D’ailleurs aujourd’hui je ne suis plus au PS depuis quelques mois et je n’appartiens plus à la moindre organisation ou mouvement politique. Je dis simplement que le parti socialiste est en très très grande difficulté et son image est sévèrement écornée. Dans ce contexte, ce qui passe pour les municipales à Toulouse est non seulement pathétique mais surtout désastreux. Je pense que le mail est fait et ça se payera très cher auprès des militants et des toulousains. Peut-être pas demain ou après-demain mais un jour c’est certain.
ça se payera très cher auprès des militants et des toulousains
Le Blog Politique. La Fédération ne veut pas simplement changer les règles d’investitures. Elle innove en invoquant un statut de « chef de file » et pas uniquement de « tête de liste », comme cela existe habituellement pour les élections locales. Que pensez-vous de cette idée ?
Bertrand Auban. Le « chef de file » sera élu pour la mairie de Toulouse par un collège électoral de la Métropole, sans réciprocité. Les militants toulousains ne vont pas désigner le candidat à la mairie de Colomiers ou de Saint-Jeau ou Ramonville. C’est un arrangement, une entorse et tout simplement un bidouillage. Le but n’est pas d’associé les militants à la désignation du ou de la candidate socialiste. Tout cela n’a aucune réalité statutaire C’est juste un moyen pour verrouiller le vote et assurer la désignation du candidat ou de la candidate (NDLR : Nadia Pellefigue) choisie dans les bureaux de la Fédération. Franchement, c’est nul, archi-nul. Mais, dans le fond, le but de cette manœuvre n’a-t-elle pas tout simplement pour but de préparer le prochain congrès et non de conquérir Toulouse. C’est un manque total de respect pour les militants. Encore une fois, je ne cherche pas à défendre un candidat ou une candidature. Mais, sincèrement, comment peut-on tomber aussi bas ?
Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)