Depuis le début de la semaine, ex-Midi-Pyrénéens et ex-Languedociens peuvent se prononcer sur le (nouveau) nom de la (nouvelle) Grande Région. La consultation ouverte le lundi 9 mai va s’étendre jusqu’au 10 juin et elle donne la parole à 4 millions de votants potentiels. Le président du groupe d’opposition de la Droite et du Centre au conseil régional s’exprime sur le choix de Carole Delga d’organiser un « référendum » ouvert à tous les habitants de plus de 15 ans et coûte 500 000 euros. Dominique Reynié évoque ses réserves sur un process qu’il juge « hors de prix » et pointe l’opacité d’une méthode qui donne la parole à une « population électorale dont on ne connait ni la taille ni les limites ».
Le Blog Politique. Le nom d’une région, est-ce vraiment important ?
Dominique Reynié. Oui, sans aucun doute. A travers le choix d’un nom, nous allons dire qui nous sommes, comment nous souhaitons être nommés, donc identifiés. C’est une affaire d’identité. Nous contribuons aussi à écrire la cartographie nationale. En effet, la majorité a voulu la fusion de deux régions, ce qui implique la disparition des deux noms « Midi-Pyrénées » et « Languedoc-Roussillon ». Un nouveau nom prendra leur place. Ce sera notre identité au sein de la nation, mais également en Europe et dans le monde. Pour un territoire comme le nôtre dont l’avenir dépend à ce point de l’investissement économique, du tourisme, des exportations, industrielles ou agricoles, ou encore des échanges entre chercheurs du monde entier, l’identification par le nom joue inévitablement un rôle clé. Un échec dans ce domaine serait lourd de conséquences, d’autant plus que nous n’allons pas choisir un nom pour la durée du mandat, mais pour longtemps sinon pour toujours. On ne change pas le nom d’une région tous les 10 ans !
En décidant d’ouvrir la participation à celles et ceux qui sont des résidents non encore inscrits, les moins de 18 ans, et à la diaspora, c’est le flou complet ! »
Le Blog Politique. Les jeunes de plus de 15 ans, les résidents, la « diaspora » régionale et les électeurs inscrits sur les listes électorales vont pouvoir s’exprimer. Que pensez-vous de la composition du corps « électoral » ?
Dominique Reynié. Je suis frappé par cette composition. On ne peut pas en connaître les contours ! La diaspora, c’est quoi, c’est qui ? Sont-ce tous les français nés dans notre région mais travaillant à l’extérieur ? Les enfants de ces « expatriés » sont-ils concernés ? Leurs petits-enfants ? Pour le seul cas de l’Aveyron, mon département, on estime qu’il y a autant, voire plus, d’Aveyronnais à Paris, pour ne considérer que Paris, qu’en Aveyron. La grande région compte 5,6 millions d’habitants et 4,2 millions d’électeurs inscrits. Nous avions là des bases claires pour une consultation. On pouvait vérifier l’inscription sur les listes électorales. En décidant d’ouvrir la participation à celles et ceux qui sont des résidents non encore inscrits, les moins de 18 ans, et à la diaspora, c’est le flou complet ! La population potentiellement concernée est de combien ? 5 millions ? 10 millions, 20 millions de personnes ? Plus ? On peut même imaginer que le choix sera fait par la « diaspora » dont le nombre est évidemment supérieur à celui des habitants… Quantitativement, si la diaspora décide de voter, c’est son choix qui sera majoritaire. Ce serait étonnant que le nom soit choisi par ceux qui ne vivent pas ici !
Je trouvais plus logique, plus simple et beaucoup moins coûteux, pour ne pas dire gratuit, de confier ce travail au Conseil régional dont les membres ont été élus pour faire ce travail ».
Le Blog Politique. Vous seriez président de Région, vous auriez choisi le même process ?
Dominique Reynié. J’avais proposé dans mon programme une méthode comprenant une sorte de « Comité du nom ». J’y aurais, c’est sûr, associé l’opposition. Or, nous avons été entièrement écartés de ces discussions ! Je l’ai dénoncé publiquement lors des Assemblées plénières. Je trouvais plus logique, plus simple et beaucoup moins coûteux, pour ne pas dire gratuit, de confier ce travail au Conseil régional dont les membres ont été élus pour faire ce travail. A la fin, le paradoxe est complet : Carole Delga décide d’impliquer fortement un groupe de personnes dont pas une n’a été élue par les citoyens pour cela – c’est le « Comité du nom »-, et de tenir à l’écart les membres du Conseil régional qui ont pourtant tous été désignés par les électeurs !
Une participation massive serait un bon indicateur de réussite, mais là encore, quel est le chiffre, puisque nous ne connaissons pas la population électorale concernée ? »
Le Blog Politique. Quels sont, selon vous, les critères d’une consultation réussie ? La participation ? L’absence de fraude ? Un vote massif en faveur d’un nom qui s’impose sans appel ?
Dominique Reynié. La consultation aura lieu, elle produira un résultat, car un choix sera fait mais elle ne peut pas être réussie. En effet, la méthode est floue, la population électorale potentielle est immense et nul n’en connaît ni la taille ni les limites ! Carole Delga et Gérard Onesta eux-mêmes sont incapables de le dire ! Si le nom qui sera choisi suscite une sorte d’approbation, même sans enthousiasme, nous n’aurons pas trop de problèmes ; en revanche, si le nom est rejeté par une large partie de notre population ou s’il déplaît beaucoup à une forte minorité, souvenons-nous de « Septimanie », alors nous irons au devant de graves difficultés. Une participation massive serait un bon indicateur de réussite, mais là encore, quel est le chiffre, puisque nous ne connaissons pas la population électorale concernée ? Le choix d’un nom est une décision de fondation ; c’est l’acte de naissance d’une communauté.
Le Blog Politique. Carole Delga chiffre le coût de l’opération à 500 000 euros. C’est cher payé ?
Dominique Reynié. C’est hors de prix ! Je ne suis pas certain que ce soit compris et accepté en ces temps de disette budgétaire. Je le répète, par une procédure allégée, reposant sur le travail des élus, qui sont là pour ça, nous pouvions diviser par 20 ou 30 ce montant.
Le Blog Politique. Parmi les 5 noms soumis au vote, lequel a votre préférence ?
Dominique Reynié. Pendant la campagne électorale, j’ai toujours accepté de répondre à ce sujet, je le fais encore volontiers aujourd’hui. Je balance entre un nom qui ferait sens pour nous mais qui risquerait d’être énigmatique pour le reste du monde – « Occitanie/Pays Catalans » – et un nom qui fera sens pour le reste du monde mais qui apparaîtra énigmatique à une partie de notre population – « Pyrénées/Méditerranée ».
Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)