14 Déc

Le premier ministre, Edouard Philippe, dans le Lot : Carole Delga « espère que ce n’est pas un coup de com »

La présidente de la région Occitanie réagit à la délocalisation de Matignon et d’Edouard Philippe dans le Lot. Carole Delga livre son opinion sur cette initiative et met en garde contre le risque d’un « coup de com' » qui aggraverait la colère et la défiance des élus envers le gouvernement. Mais l’ancienne ministre propose également à Emmanuel Macron d’ouvrir un grand débat sur un nouvel élan « décentralisateur ».

Carole Delga, présidente de la Région Occitanie. Photo : MaxPPP/Isorel

Carole Delga, présidente de la Région Occitanie. Photo : MaxPPP/Isorel

Le Blog Politique. Que pensez-vous de l’idée de la venue du premier ministre, Edouard Philippe, dans le Lot durant 3 jours ?

Carole Delga. Par nature, j’apprécie tout ce qui favorise une proximité plus grande avec les citoyens. Vous le savez, je crois en la République des Territoires, celle qui fortifie la République une et indivisible . C’est ce que j’ai d’ailleurs dit lors de la table ronde organisée avec le Premier ministre. Si le rôle de l’Etat est selon moi de fixer des ambitions fortes au niveau national, l’échelle locale, et notamment régionale, permet de rendre concret ces politiques. Economie, transition énergétique, formation professionnelle, mobilités… La Région peut être l’organisatrice efficace de ces politiques vitales pour l’avenir du pays. Il faut vraiment changer de logiciel entre l’Etat et les territoires, sinon beaucoup de choses décidées depuis Paris, restent des slogans.

Il faut changer de logiciel entre l’Etat et les territoires

Le Blog Politique. La venue d’Edouard Philippe est une bonne idée ou coup de com ?

Carole Delga. J’espère que ce n’est pas un coup de com’ sinon cela ne fera qu’augmenter la colère et la défiance des élus, des citoyens, déjà échaudés par certaines décisions venues d’en haut et mal vécues parce que sans aucun dialogue préalable. Nous sommes en 2017 et il serait temps que chacun admette, à Paris, qu’on ne gère plus le pays comme dans les années 60. La question des mobilités (trains du quotidien, LGV, routes) en est l’illustration : les décisions se prendraient d’en haut avec uniquement une logique comptable ? les concitoyens, les élus que je rencontre chaque jour, ne le comprennent plus , ne le supportent plus.

« J’espère que ce n’est pas un coup de com’ sinon cela ne fera qu’augmenter la colère et la défiance des élus

Le Blog Politique. Les Régions ont claqué la porte de la Conférence nationale des territoires. Le dialogue est-il rompu avec le gouvernement ?

Carole Delga. Des engagements n’ont pas été tenus en matière budgétaire. Notamment les 450 millions d’euros pour les régions inscrits dans la Loi de Finances 2017, rayés d’un simple trait de plume, sans discussion. Ce trou d’air budgétaire ne sera pas sans conséquence sur les politiques que nous menons. Pour la Région Occitanie, on parle d’un total de 50 millions d’euros ! Je vous laisse imaginer ce que cela pourrait représenter, par exemple, en nombre d’entreprises qui seront moins aidées, d’aides concrètes à des projets structurants du territoire qui seront diminuées, si justement cette majorité régionale ne faisait pas le choix clair de l’investissement… Je suis évidemment pour le dialogue et la co-construction, mais cela veut dire abandonner l’idée de mise sous tutelle des collectivités, accepter que les Régions pilotent dans la proximité un certain nombre de grandes politiques (mobilités, transition énergétique, emploi et formation) pour agir plus près, plus vite et mieux. Je suis une pragmatique et je suis cohérente avec mes valeurs . Je constate les besoins des territoires, des populations. Ce pays ne doit pas se re-centraliser mais au contraire pousser les feux d’une décentralisation responsable et efficace. J’invite le gouvernement, le président de la République, à ouvrir ce grand débat.

J’invite le gouvernement, le président de la République à ouvrir le grand débat…d’une décentralisation responsable et efficace

Le Blog Politique. Dans le Lot, le Premier Ministre doit annoncer des mesures pour le haut débit. L’Etat est-il à la hauteur sur ce sujet ?

Carole Delga. 100 millions de plus sur les foyers les plus isolés, la 4G sur tous les territoires : les annonces de ce jour du Premier Ministre répondent à une grande colère sur certains territoires que je partage. Je reçois beaucoup de courriers d’entreprises ou de particuliers sur ce sujet. L’Etat doit effectivement plus se mobiliser. En Occitanie, le haut débit est mis en place par les Départements mais la Région investit 220 millions d’euros à leurs côtés. Au-delà, il y a un vrai problème d’accès à toutes les mobilités. Attirer des entreprises et donc favoriser l’emploi, et notamment local, dans certains territoires nécessitent surtout de ne pas fragiliser les services publics d’éducation, de santé ou de transports.

Le Blog Politique. Edouard Philippe doit annoncer des mesures sur les villes moyennes. Quelles sont selon vous les mesures les plus urgentes et pertinentes ?

Carole Delga. La question de la mobilité (rail, routes) est fondamentale. Pour les déplacements, mais surtout pour attirer les entreprises. La question numérique aussi, avec le haut-débit, la 4G. Et puis j’insiste sur les services publics qui doivent garantir une présence forte de l’Etat. Quand une entreprise, ou une famille, s’installe, elle regarde s’il y a des écoles, des médecins, des hôpitaux. Si la France a su attirer de grands investisseurs nationaux, et notamment dans ses métropoles, c’est bien parce que le service public a souvent fait la différence. Il y a véritablement un grand plan national à construire sur les villes moyennes mais aussi la ruralité. Ce pays a été capable de mettre des moyens sur les quartiers urbains en difficulté en créant l’ANRU. Il faut désormais se pencher, et rapidement, sur ces territoires. Car tout le monde ne pourra pas vivre dans les métropoles ou leur périphérie. Voilà pourquoi par exemple la Région investit dans l’enseignement supérieur dans les villes moyennes ou dans la revitalisation des bourgs centre ( commerces de proximité , logement , espaces publics …) Moi, je veux irriguer la croissance. Mais il y a encore, hélas, dans ce pays un regard différent sur « la campagne », comme on dit souvent « la province » à Paris. Beaucoup de nos compatriotes vivent et travaillent dans ces territoires. Il faut  les respecter.

Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)