L’assemblée des Territoires, c’est parti. La création de cette instance unique en France est un des marqueurs de la présidence Delga. Directement issue d’un accord électoral (d’entre deux tours) avec Nouveau Monde, cette structure originale « correspond (selon les mots de la présidente de Région) à la volonté de renouveler la pratique politique« . Le projet arrive la semaine prochaine dans les tuyaux. Jeudi 18 mai va se réunir, pour la première fois, une commission inter-sectorielle (réunissant 5 commission dont celle des Finances) sur le sujet. Le projet est-il à la hauteur des ambitions affichées ? Eléments de réponse.
« Afin d’inscrire ses politiques dans la proximité et la solidarité mais aussi pour incarner la diversité de ses territoires, la Région souhaite créer une Assemblée des Territoires, organe consultatif et propositionnel auprès du Conseil Régional« . La première partie de la première phrase du projet de délibération est (relativement) banale. Proximité, solidarité, diversité des territoires. Ce sont des mots « valises » que tous les élus colportent de campagne électorale en campagne électorale et d’inaugurations en inaugurations. En revanche, l’expression « organe consultatif et propositionnel » est plus intrigante.
Les organes consultatifs sont bien connus et très présents dans le paysage politico-administratif. Conseil Economique, Social et Environnemental (CESER), Conseil Régional des Jeunes (CRJ), Conseil Régional Consultatif des Citoyens Handicapés (CCH). Les conseils régionaux sont entourés d’instances consultatives. Quelles différences et quelle plus-value s’agissant de l’Assemblée des Territoires ? S’il s’agit simplement de mettre en orbite un nouveau satellite, il n’y aura rien de neuf sous le soleil.
Au lendemain du scrutin régional, Gérard Onesta a justifié la création d’une Assemblée des Territoires par un état de nécessité : « on a bien senti pendant toute la campagne que trop de bassins de vie se sentent minorés, en déshérence, comme des oubliés de la République. Pour toute la Lozère, il y a 2 conseillers régionaux alors que la grand Toulouse en a près de 30« .
Les urnes sont rangées et la campagne est finie depuis (pratiquement) 6 mois. Le nouvel exécutif régional passe des paroles aux actes ou plutôt de la promesse électorale au projet. Sur le papier, les missions de l’Assemblée des Territoires peuvent séduire. Faire vivre l’équité des territoires, un organe de proposition et de réflexion, un lieu d’échange de bonnes pratiques, un lieu d’expérimentation, de mutualisation et d’innovation. Ce sont les mots et expressions utilisés dans la délibération transmise aux élus régionaux. De tels objectifs et qualificatifs sont positifs.
Mais là encore, il va falloir attendre les détails et surtout l’épreuve du feu. On juge une institution à l’usage. L’Assemblée des Territoires ne va pas échapper à cette vieille loi institutionnelle : les textes conditionnent les pratiques mais les pratiques sont souvent plus forts que les textes. Il ne suffit pas de déclamer des grands et beaux principes pour que la réalité soit à la hauteur des belles intentions.
A cela, il faut ajouter un point essentiel. Le conseil régional Languedoc-Roussillon/ Midi-Pyrénées, comme toutes les collectivités de France et de Navarre, ne dispose d’aucun pouvoir fiscal et encore moins d’un levier législatif ou réglementaire. Une part importante de son job consiste à distribuer des subventions (prévues par des textes nationaux et communautaires) et à décliner des mesures nationales ou européennes. Ainsi, en matière agricole, la quasi totalité des subventions proviennent de normes définies à Bruxelles. Bref, l’Assemblée des Territoires va conseiller et proposer un conseil régional qui est privé d’un vrai pouvoir. Les régions ont gagné en km2. Mais ces créations XXL restent des « nains » politiques. Face à certaines des propositions de l’Assemblée des Territoires le conseil régional pourra simplement faire du lobbying auprès du Parlement ou du Gouvernement pour essayer de faire bouger les lignes.
C’est mieux que rien. Mais ce n’est pas révolutionnaire.
S’agissant de sa composition, pas de bouleversement non plus. La délibération prévoit que l’Assemblée des Territoires sera composée…d’élu-es locaux. Des élu-es locaux qui (selon les mots du projet de délibération) « ne sièg(ent) pas au sein conseil régional« .
Les conseillers des Territoires ne sont pas de nouveaux visages venant de nouveaux horizons. On n’ouvre pas les portes et les fenêtres. La participation des citoyens et des associations n’est pas à l’ordre du jour. On se contente de mettre des élus à côté d’autres élus.
Par définition, ces « élu-es locaux conseilleurs des conseillers régionaux » représentent déjà les territoires (PETR, Pays, PNR, Agglomérations et Métropoles). De plus, certains conseillers régionaux disposent d’un mandat municipal ou départemental et ont un pied dans les départements et les communes. Ils peuvent (parfaitement) partager leur expérience avec leurs collègues et faire remonter au niveau régional les problématiques locales. Inutile de créer une Assemblée pour cela.
Enfin, dernière réserve, les élus régionaux participent à une multitude d’instances (conseil d’administration de lycées, agences…) qui représentent des acteurs associatifs, culturels, économiques implantés dans tous les coins et recoins du territoire régional. Faut-il réunir 158 élu-es locaux pour mettre les 158 conseillers régionaux au contact des réalités régionales ?
Que ce soit au niveau de sa composition ou de ses prérogatives, l’Assemblée des Territoires est une expérimentation présentée comme novatrice mais qui reste modeste et très basic au niveau des modalités pratiques. On est très loin d’un big-bang dans les pratiques politiques.
Ses inventeurs (Carole Delga et Gérard Onesta) considèrent que c’est un outil pour lutter contre l’exclusion des territoires et le vote extrême que suscite un sentiment d’abandon.
C’est l’ambition de départ. A l’arrivée, l’Assemblée des Territoires n’est pas vraiment une innovation et ressemble (beaucoup) à un coup de com’.
Laurent Dubois (@laurentdub)