La campagne est dans le Gers. La visite, vendredi dernier, de Manuel Valls rappelle que le département est un des départements les plus ruraux de France. Mais c’est également un territoire présidé par un socialiste, Philippe Martin, qui mène campagne pour les régionales. L’ancien ministre de l’Ecologie aurait pu s’enfermer dans sa citadelle gersoise. Philippe Martin avait des ambitions régionales et se serait bien vu à la présidence de la future Grande Région. Sa camarade Carole Delga lui a « ravi » la tête de liste. Mais Philippe Martin joue collectif et ne ménage pas ses forces pour assurer la victoire de son camp. Dans une interview exclusive, Philippe Martin revient sur la visite du premier ministre et sa gestion de la crise agricole. Il recadre également les voix socialistes dissonantes qui critiquent l’accord « PS-PRG » et lance un appel pour l’unité de la Gauche.
Midi-Pyrénées Politiques. Quel bilan faites vous de la visite de Manuel Valls dans votre département ?
Philippe Martin. Lorsque j’ai invité, à l’Assemblée, Manuel Valls je ne savais pas que les éleveurs manifesteraient. Le déplacement était prévu avant. Mais, dans ce contexte, la visite était importante. Dans une certaine mesure, l’absence de Stéphane Le Foll (NDRL : le ministre de l’agriculture) a permis à Manuel Valls de monter en première ligne et il a eu un incroyable impact sur le milieu agricole. Tous les retours sont positifs. J’ai eu des responsables agricoles au téléphone, ils m’ont dit qu’ils ont été assez impressionnés par leur rencontre avec le premier ministre. Manuel Valls a fait preuve d’une grande qualité d’écoute et il a pris beaucoup de temps. Il s’est passé quelque chose entre le monde rural et l’homme d’Evry (NDRL : Manuel Valls a été maire d’Evry). Il y a eut une vraie rencontre. Les agriculteurs aiment l’autorité et le premier ministre n’en est pas dépourvu.
Midi-Pyrénées Politiques. D’après vous, Les syndicats agricoles sont globalement satisfaits. C’est surprenant. Une simple visite ne peut pas régler les lourds problèmes de l’élevage. Qu’est ce qui explique, selon vous, ce sentiment général ?
Philippe Marin. C’est la méthode Valls : « je dis, je fais ». Le lendemain de sa visite des ordres ont été passés à la DDT (NDRL : Direction Départementale des Territoires, un service de l’Etat). Et puis le premier ministre a fait des annonces dont toutes n’ont pas encore été révélées publiquement. Une est particulièrement bien reçue par les agriculteurs gersois. Pour percevoir des aides, il faut qu’une exploitation réalise 75% de ses revenus dans la filière élevage. Or, dans le Gers, beaucoup d’exploitations sont multi- agricoles. Elles font du canard, des céréales, de l’élevage. Manuel Valls a annoncé un abaissement du seuil pour percevoir les aides.
Midi-Pyrénées Politiques. Quittons le terrain agricole pour le terrain politique. Le PS vient de signer un accord pour les régionales avec le PRG. Cet accord fait grincer des dents. Votre réaction.
Philippe Martin. J’ai tout fait pour que cet accord se fasse. J’ai même déjeuné à Fleurance avec Sylvia Pinel et Jean-Michel Baylet. Je n’ai aucun état d’âme. Je déplore que certains tirent contre leur camp. Cela profite uniquement à nos adversaires. Je n’aime pas ces critiques. Elles émanent de personnes qui mordent la main qui les a nourrit. C’est une forme de mépris à l’égard de Martin Malvy qui leur a fait leur carrière politique ou professionnelle.
Midi-Pyrénées Politiques. Vous regrettez que le PS se retrouve avec un seul partenaire ?
Philippe Martin. La gauche est encore trop divisée. Il faut un plus grand rassemblement. Un rassemblement, dès le 1er tour, avec Europe Ecologie et le Front de Gauche, cela aurait du sens. Nous avons un bilan commun. Gérard Onesta a voté tous les budgets de la majorité. Même chose pour le Front de Gauche. Ils font aujourd’hui de la polémique. Mais ils ont été aux responsabilités dans la majorité de Martin Malvy. D’ailleurs, il faudra m’expliquer comment vont s’entendre des écologies régionalistes et un Front de Gauche départementaliste. Face à un Front National, c’est une sacrée responsabilité de jouer l’éparpillement.
Midi-Pyrénées Politiques. Quelles sont vos inquiétudes pour décembre prochain ? La concurrence de Philippe Saurel ?
Philippe Martin. Dans le Gers, je vois qu’il se tourne (NDLR pour composer sa liste départementale) vers tous les rebus et les déçus du PS, vers des gens qui ont besoin d’exister. Philippe Saurel c’est la vieille politique : je dis une chose pour être élu et une fois élu, je fais autre chose. J’ai une forme de respect par rapport au fait qu’il est devenu maire de Montpellier. Il a forcément des qualités. Mais je le regarde comme quelqu’un qui, après avoir demander la mairie de Montpellier, veut passer à autre chose. Ma vraie inquiétude, c’est le Front National qui est très haut et très haut dans des territoires où il ne l’était pas.
Midi-Pyrénées Politiques. Sur le ticket « PS-PRG », il y a un quatre noms : Carole Delga, Damien Alary, Sylvia Pinel et Didier Cordorniou. Ce n’est pas trop ?
Philippe Martin. Non. La taille des nouvelles régions impose un certain partage. Et puis deux femmes qui occupent des postes importants et joueront un rôle important, c’est une modernité politique. D’ailleurs derrière la position de tous les candidats il y a une pointe de machisme comme on l’a fait avec Ségolène Royal. Gérard Onesta, Louis Aliot, Philippe Saurel veulent disqualifier Carole Delga. Ce sont les 3 mousquetaires du machisme.
Midi-Pyrénées Politiques. Une polémique est en train de naitre autour d’un projet de loi qui permettrait de créer un poste de président délégué dans la future Assemblée Régionale et dont bénéficierait le président sortant du Languedoc, Damien Alary. Vous confirmez le projet et comment le justifiez-vous ?
Philippe Martin. On y avait pensé au moment de la loi Notre (NDRL, texte de loi organisant les compétences des collectivités) et beaucoup regrettaient de ne pas l’avoir fait. Ce projet ne concerne pas seulement Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. C’est une question qui se pose dans les régions qui fusionnent. Il s’agit de territoires d’une taille considérable et cela suppose une nouvelle organisation.
Propos recueillis par Laurent Dubois