Tête de Turc des pro-barrages. Porte-drapeau des anti-Sivens. Ben Lefetey attire les micros et attise les rancœurs. L’ancien pâtissier, fils de paysan normand, est l’interlocuteur incontournable des médias. Il incarne la lutte contre le projet de Sivens. Pour certains, c’est un agitateur professionnel. Un activiste qui souffle sur les braises. Pour d’autres, c’est un militant connaissant son dossier et le monde agricole. Un interlocuteur constructif. Ben Lefetey accepte de lever le voile sur son parcours, ses intentions. Au delà des questions sur sa personnalité, le militant Europe-Ecologie avance des propositions alternatives pour une sortie de crise.
Midi-Pyrénées Politiques : Comment vous êtes vous retrouver au cœur de la lutte contre le barrage de Sivens ?
Ben Lefetey. Je suis arrivé dans le Tarn, il y a deux ans. Après un séjour de huit ans et demi en Asie ou je me suis occupé de tourisme équitable. Avec ma famille, nous avons décidé de rentrer en France et nous avons choisi le Tarn parce que des amis habitent à côté de Rabastens. En plus, on souhaitait être proche d’une grande ville, Toulouse, sans être à Toulouse. Gaillac était un bon choix. Je ne connaissais pas Sivens. Un jour, j’ai trouvé un tract sur le pare-brise de ma voiture. J’ai travaillé 13 ans dans des ONG nationales. Notamment à Greenpeace France. J’avais donc une sensibilité. Je ne pouvais pas rester indifférent. Je me suis dit : on continue les projets agricoles dépassés.
Midi-Pyrénées Politiques : Avez vous un passé politique ? Notamment du côté de l’extrême gauche ?
Ben Lefetey. Non. Je n’ai jamais milité dans un mouvement d’extrême-gauche. Au NPA ou ailleurs. Je n’ai jamais milité dans un parti politique. Sauf depuis l’an dernier ou j’ai adhéré à Europe-Ecologie.
Midi-Pyrénées Politiques : Vous n’avez donc jamais fait le coup de poing dans des manifestations violentes ? Pas de passé d’activiste ?
Ben Lefetey. J’ai été salarié pendant 13 ans de Greenpeace et d’autres ONG dont « Les amis de la Terre ». J’ai été formé à Greenpeace aux actions « coups de poing ». Mais des actions non-violentes et symboliques. J’ai vu et subi la violence des forces de l’ordre. Notamment dans une manifestation en région parisienne avec le DAL (Droit Au Logement). Mais je n’ai jamais basculé dans la violence. « Utiliser la violence pour gagner » n’a jamais été ma théorie. D’ailleurs cette théorie n’a jamais fait la démonstration de sa réussite.
Midi-Pyrénées Politiques : C’est vous qui avez fait venir les Zadistes qui occupent le site de Sivens ?
Ben Lefetey. Non. J’ai même dissuadé en février 2013 des Zadistes de venir.
Midi-Pyrénées Politiques : Avez vous des ambitions politiques ? Vous serez candidat à des élections ?
Ben Lefetey. Avant mon départ pour l’Asie, j’ai passé plus de dix ans dans des ONG qui sont des contre-pouvoirs. On n’obtient pas de changement significatif en tant que contre-pouvoir. J’ai participé à la rédaction d’un livre blanc sur « la politique de développement durable en France » sous le gouvernement Raffarin. Il a fini à la poubelle. Alors oui.
Midi-Pyrénées Politiques : Le dossier de Sivens est devenu un dossier politique. Avec notamment l’intervention de Ségolène Royal. Comment jugez-vous la première réunion qui s’est déroulée au ministère de l’Ecologie ?
Ben Lefetey. Le bilan est très positif. C’est l’instauration d’un dialogue. Nous avons discuté de la méthode. Pas du fond. Tout le monde était forcément d’accord. Lors de la seconde réunion (qui s’est déroulée ce jeudi 13 novembre), nous allons soulevé la question du coût, du financement. Prochainement, nous allons demander que soient associés les 200 agriculteurs de la vallée du Tescou.
Midi-Pyrénées Politiques : Vous parlez de dialogue. Dans le cadre de négociations, êtes vous prêt à faire un geste et à évacuer une partie du site de Sivens ?
Ben Lefetey. C’est aux pouvoirs publics de voir à quelles conditions les Zadistes peuvent partir. Ils doivent prendre contact avec eux. Je l’ai dit à un conseiller de Ségolène Royal. D’ailleurs il faut associer les Zadistes aux réunions avec les autres acteurs du dossier. Les Zadistes sont des lanceurs d’alerte. Ce ne sont pas des voyous, des assistés et des casseurs. Le noyau dur c’est 30 ou 40 personnes. Et contrairement à ce que l’on prétend, elles sont originaires de Midi-Pyrénées. Il y a beaucoup de Tarnais parmi eux. De Gaillac, Castelnau de Montmirail.
Midi Pyrénées Politiques : Quelles sont vos propositions alternatives ?
Ben Lefetey. Il faut trouver de l’eau pour la vallée du Tescou. Il faut regarder la quantité et pour qui. Une fois cette évaluation faite, il faut regarder si il ne faut pas financer des réserves au niveau des fermes.
Midi-Pyrénées Politiques : Et si le création de réserves ne suffit pas ? Un barrage ?
Ben Lefetey. Oui. S’il reste encore des besoins, construire une retenue en amont ou en aval du site actuel. Mais je pense que la création de réserves individuelles suffira. En revanche, il est impossible et impensable de faire des travaux sur le site où est mort Rémi Fraysse. C’est devenu un lieu de sépulture.
Midi-Pyrénées Politiques : Les pro-barrages descendent dans la rue samedi. Une réaction ?
Ben Lefetey. On est complétement dans l’irrationnel. Il s’agit de manifester soi-disant pour défendre la démocratie. Mais ceux qui manifestent veulent imposer par la force un projet retoqué par des experts. Les associations n’ont pas été entendues. Les avis défavorables émis contre le projet ont été méprisés. Le prétendu respect de la démocratie locale invoqué par les manifestants a été bafoué.
Propos recueillis par Laurent Dubois